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AURÉLIENETSÉVERINE:DEUXPRÉNOMSPOURUNEMPIRE
Il y a dix-huit siècles, Aurélien régna pendant cinq ans sur les destinées du monde romain.
Séverine, son épouse, est apparemment la seule impératrice de toute l’histoire de l’Empire qui ait
assuré une régence après la mort de son mari. Ce règne, si court au regard de l’histoire de l’Empire
romain, cinq années entre 270 et 275, sur les plus de cinq cents ans que compte l’Empire entre
Auguste et Romulus Augustule, a pourtant marqué Rome d’une empreinte profonde.
Aujourd’hui, quand vous, parents, donnez le prénom d’Aurélien à votre fils ou de Séverine à
votre fille, vous ne pouvez pas imaginer à quel point ils sont indissociables, à l’image de Marc
Antoine et de Cléopâtre. Le choix d’un prénom n’est jamais anodin, c’est déjà vouloir transmet-
tre un patrimoine, un héritage. Depuis une vingtaine d’années, ces deux prénoms d’Aurélien et de
Séverine sont devenus à la mode : il y a aujourd’hui 63.810 Aurélien en France et 91.467
Séverine (source : http://195.6.231.241/scoring/Prenom/index.asp).
Pour vous qui vous appelez Aurélien ou Séverine, ou pour vous parents qui ne savez pas
exactement pourquoi vous avez choisi ces prénoms à la sonorité d’antan, et pour tous ceux qui,
après avoir lu cet article, penseront peut-être à l’un de ces deux prénoms pour leur enfant, je vous
invite à lire ce qui suit.
Aurélien n’a pas laissé l’image d’un Alexandre le Grand ou d’un César, faute peut-être d’un
grand biographe contemporain.
Pourtant, sa vie fut bien remplie entre 214 et 275 : Illyrien d’origine, c’est un autodidacte qui
a gravi toutes les marches de l’ascension sociale grâce à l’Armée qui est, au IIIe siècle de notre
ère, le meilleur moyen de promotion sociale. Né à la fin du règne de Caracalla, il a servi tous les
empereurs entre Maximin Ier Thrace et Claude II le Gothique auquel il va succéder en 270 après le
court règne de Quintille. Militaire, Aurélien a suivi l’ordre hiérarchique, de simple soldat à préfet
d’aile de légion, avant de devenir Maître de la Cavalerie, poste honorifique créé pour Auréolus au
début des années 260. C’est un brave qui porte le surnom de « manu ad ferrum » « la main près
du fer », on dirait aujourd’hui qu’il avait la gachette facile. Dans cette période qui débute avec
l’assassinat d’Alexandre Sévère en 235 (Aurélien à 21 ans), peu d’empereurs sont morts dans leur
lit et l’Empire connaît sa plus grave crise depuis la seconde guerre Punique, alors que la cité livrait
un duel mortel contre Carthage. Aurélien n’est donc pas un sentimental, c’est un chef, mais aussi
un génial organisateur.
À partir du règne de Gallien, après la capture de Valérien par les Perses de Sapor Ier, il devient
l’un des grands généraux de l’Empire et assiste impuissant à sa déliquescence, de scissions, d’inva-
sions, d’usurpations et de séditions. Présent au siège de Milan, en 268, il trempe peut-être dans
l’assassinat de Gallien qui se trouve alors incapable de ressouder l’Empire autour de sa personne.
268 est aussi l’année terrible où l’Empire semble éclater pour ne plus jamais renaître : l’Empire
Gaulois est fermement dirigé par Postume, l’Orient est tombé entre les mains des princes de
Palmyre, Odénath et son fils Vaballath puis sous la tutelle de l’ambitieuse Zénobie, veuve du
premier et mère du second.
Après l’assassinat de Gallien, le choix des soldats se porte sur Claude II, lui aussi un valeureux
soldat qui a fait toute sa carrière dans l’Armée. Aussitôt proclamé, après l’élimination d’Auréolus qui
s’était rendu contre la vie sauve et a été immédiatement exécuté, le nouvel empereur se porte sur le
limes que les Barbares, les Goths à ce moment-là, ont franchi. Il remporte une brillante victoire à
Naissus mais celle-ci sera amère : les Barbares sont vaincus mais dans leurs bagages, ils ont ramené la
peste qui n’avait plus ravagé l’Empire depuis le règne de Trajan Dèce. Claude II tombe, victime de
l’épidémie avant d’avoir achevé son œuvre de restauration. Quintille, son frère, est proclamé
empereur, avec l’assentiment du Sénat, mais c’est encore une fois oublier que c’est l’Armée qui fait
l’empereur et Aurélien est acclamé par ses troupes à Sirmium où il est né 56 ans plus tôt !
Quintille, abandonné de tous, préfère se suicider. Aurélien est empereur, il lui reste cinq ans à
vivre et il va accomplir un vrai travail de romain. Sous sa main de fer, il va réunifier cet Empire
au bord du gouffre, restaurer la confiance et préparer les bases du Bas-Empire en réorganisant
l’Armée, la Religion et la Monnaie. Sans le règne d’Aurélien, les Réformes de Dioclétien et des
Tétrarques eussent été vouées à l’échec.