MONNAIES ROYALES FRANÇAISES
N
é à Fontainebleau en 1268, Philippe IV était le
fils de Philippe III et d’Isabelle d’Aragon. La
grande affaire de ce règne fut la querelle entre
le roi de France et le pape Boniface VIII. Les papes du
XIII
e
siècle avaient été de dociles alliés de la France.
Le légat Benoit Gaetani vint à l’assemblée du clergé de
Sainte-Geneviève de Paris pour annoncer la confirma-
tion de la bulle « Ad fructus uberes « (1281), qui sous-
trayait les ordres mendiants à l’autorité des évêques.
Célestin V, ermite égaré sur le trône pontifical ayant
abdiqué en 1294, Gaetani fut élu pape. Originaire
d’Anagni, neveu d’Alexandre IV, fonctionnaire de la
Curie, il se fit sacrer avec faste, réponse au grand refus
de Célestin.
Le premier différend avec le roi de France survint quand
ce dernier fit payer une nouvelle décime au clergé.
Boniface lança la décrétale « Clericis laicos « (1296),
quidéfendaitauxroisderecevoirdessubsidesde l’Église
sans l’autorisation du Saint Siège. En représailles,
Philippe interdit les sorties d’or et d’argent du royaume,
et donc des recettes du Saint Siège. Le pape répondit
par la violente lettre « Ineffabilis amor «, mais, occupé
par la lutte contre les Colonna et les Aragonais de Sicile,
il finit par céder et accepta de canoniser Louis IX (1297).
Lors du jubilé de 1300, Boniface affirma de nouveau les
principes théocratiques. Dès lors, il se laissa emporter
par sa mégalomanie. La rupture avec le roi de France
vint du procès intenté à Bernard de Saisset, évêque de
Pamiers, en 1301. Accusé de comploter pour l’indépen-
dance du Languedoc, ce prélat fut jugé par le roi à
Senlis. Aussitôt, le pape ordonna à Philippe de libérer
l’évêque et publia la bulle « Ausculta fili «, où il annon-
çait son intention de convoquer un concile pour le 1
er
novembre 1302.
Philippe répondit en convoquant à Paris une assemblée
des trois ordres pour le 10 avril 1302. Là, Pierre Flote
harangua les députés contre le souverain pontife. Mais
Flote et Robert d’Artois périrent quelques mois plus
tard à la bataille de Courtrai (11 juillet 1302). Le synode
annoncé eut donc bien lieu en novembre 1302. Boniface
y publia la célèbre bulle « Unam sanctam «, manifeste
de la théocratie la plus absolue, qui conclut : « être
soumisaupontiferomainestpourtoutecréaturehumaine
condition du salut «. Après un moment d’hésitation, les
représailles furent confiées à Guillaume de Nogaret.
Ce dernier voulait enlever le pape, le faire traduire
devant un concile qui le déposerait. En mars 1303,
Nogaret partit vers l’Italie avec ses acolytes. Arrivé
dans la Péninsule, il s’allia aux ennemis des Gaetani,
notamment Sciarra Colonna. Le 7 septembre, sa troupe
entrait dans Anagni et s’emparait du pontife, qui fut
molesté. Mais le 9, la population se révolta et chassa
Nogaret. Brisé par l’épreuve, Boniface mourut à Rome
le 11 octobre suivant. Le nouveau pape, Benoît XI, re-
leva Philippe de toutes les condamnations et mourut à
son tour. Un conclave tenu à Pérouse en 1305 désigna
l’archevêque de Bordeaux, Bertrand de Got, qui prit le
nom de Clément V. Il gracia Nogaret et ses complices
et se fit couronner à Lyon, en novembre 1305, en présence
du roi de France. Dix gascons furent aussitôt élevés à
la pourpre. C’était le triomphe du parti français. À
l’intérieur, le règne connut les mêmes succès appuyés
sur la violence. Cette fois, l’ennemi à abattre fut l’ordre
du Temple. Fondé en 1128, cet ordre militaire adminis-
trait d’immenses domaines en Europe occidentale et
s’était transformé en un gigantesque réseau bancaire.
La prise de Saint-Jean-d’Acre rendait leur institution
inutile, faute de croisade, et leur puissance portait
ombrage au roi. Brusquement, le 13 octobre 1307, tous
les templiers et notamment leur grand maître, Jacques
de Molai, furent arrêtés sous l’inculpation d’hérésie et
leurs biens confisqués. Un manifeste royal contre les
templiers fut lu en place publique et ces derniers,
soumis à la question, avouèrent tous les crimes que l’on
voulut. En 1308, dans toute la chrétienté, des procès
contrel’ordres’ouvrirent.AuconciledeVienned’octobre
1311, l’ordre fut définitivement mis à bas, malgré
l’absence de preuves matérielles, sous la pression mili-
taire de Philippe.
En avril 1312, le pape publia la bulle « Vox in excelso
«quisupprimaitl’ordresanslecondamnerexplicitement.
Ses biens passèrent aux Hospitaliers et aux souverains
des différents pays où il était implanté. Les hauts digni-
taires furent brûlés. D’autres procès politiques émaillent
la seconde partie du règne : celui de Bernard Délicieux,
celui de Guichard de Troyes, celui des brus du roi. De
même, Juifs et Lombards furent victimes d’expulsions
et d’extorsions répétées. Les monnaies subirent des
dépréciations successives, l’église dut payer plusieurs
décimes ;desempruntsforcés,desimpositionsfrappaient
les villes.
Malgré le mécontentement général, rien ne vint troubler
la tranquille domination de l’autorité royale, qui prit
d’asseoir sa politique de force sur des consultations
régulières des trois ordres. Philippe IV s’entoura de
juristes, d’étrangers et d’hommes de fraîche noblesse :
Pierre Flotte, Guillaume de Nogaret, Enguerran de
Marigny. À l’extérieur, la paix fut faite avec les Arago-
nais (1295). Charles de Valois épousa en compensation
la fille de Charles II d’Anjou et reçut Anjou et Maine.
En Italie, ce dernier dut céder la place aux Aragonais
de Naples (1302). Du côté anglais, après une saisie de
la Guyenne, la paix fut faite par le traité de Paris de
1303. En 1307, la Guyenne fut restituée et, l’année
suivante, Édouard II épousait Isabelle, fille de Philippe
le Bel. Le grand échec du roi eut lieu face aux Flamands
qui écrasèrent son armée à Courtrai en juillet 1302.
Après la victoire Mons-en-Pévèle, en 1304, la Flandre
dut traiter. En juin 1305, Robert de Béthune, comte de
Flandre, dut s’engager à payer une indemnité de 400
000 livres et à céder Lille, Douai et Béthune en attendant
le complet paiement de la somme. L’exécution du traité
faisant difficulté, un nouvel arrangement fut conclu à
Pontoise en 1312 : ce fut le célèbre transport de Flandres.
Tel fut le règne de Philippe le Bel, âge sombre d’un
premier absolutisme et d’une première raison d’État.
Par de sinistres moyens, le roi avait continué la politique
de saint Louis, dont le temps prit alors dans la mémoire
collective figure d’âge d’or.
PHILIPPE IV LE BEL (05/10/1285‑29/11/1314)
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