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MONNAIES MODERNES FRANÇAISES

PREMIER EMPIRE - GOUVERNEMENT PROVISOIRE avril 1814

L

a campagne de France, débutée en janvier 1814 et

marquée par quelques victoires de Napoléon, échappe à

l’Empereur à la fin du mois de mars. Le 29 mars, alors

que samanœuvre, menée à Troyes depuis quelques jours, sur les

arrières des troupes coalisées – Russes, Prussiens etAutrichiens

– pour tenter de les détourner de Paris, échoue, l’impératrice

Marie-Louise, le roi de Rome et le Conseil de régence, présidé

par Joseph, se résignent à quitter la ville avant leur arrivée

imminente.Le30,labatailles’engagedevantParis,enl’absence

de l’Empereur qui, apprenant les événements, essaye de revenir

au plus vite. Mais, il arrive trop tard – il est à Juvisy dans la

nuit – et ne peut donc rien faire pour éviter la capitulation de sa

capitale. Sur l’autorisation de Joseph, jugeant avant de partir

que la situation était catastrophique, Marmont signe, dans la

nuit, avec les alliés une convention de paix qui doit leur livrer

le lendemain les barrières de Paris à 8 heures du matin. Le 31,

les forces alliées entrent dans la capitale par la barrière de la

Villette, le tsar Alexandre I à leur tête suivi du roi de Prusse

Frédéric-Guillaume III et du prince de Schwarzenberg qui

représente l’empereur d’Autriche François I

er

, resté à Dijon

avec Metternich. Le tsar apparaît donc en position de force et

devient seul maître du destin de la France. Dès son arrivée, il

cherche un interlocuteur. Il ne reste alors à Paris que les deux

préfets – Chabrol, à l’Hôtel de Ville, et Pasquier à la préfecture

de police – ainsi que Talleyrand qui aurait dû partir avec le

Conseil de régence. Pasquier, dans ses mémoires, révèle par

quel tour de passe-passe il réussit à rester.

Pour sortir de la capitale, il fallait être muni d’un passeport qui

était réclamé par les gardes contrôlant les barrières.Arrivé aux

portes de la ville, son fiacre est arrêté, son passeport demandé.

Pendant plusieurs minutes, il le cherche dans sa veste… rien.

Il descend ensuite de son fiacre, fouille dans ses bagages…

toujours rien. Devant l’impossibilité dans laquelle il se trouve

de leur présenter son passeport, les gardes lui interdisent alors

de quitter Paris et lui demandent de regagner son domicile, rue

Saint-Florentin. En réalité, Talleyrand a joué la comédie pour

pouvoir rester : son passeport était dans la poche de sa veste !

C’est ainsi qu’il se trouve à Paris au moment de l’arrivée des

alliés et, devant l’absence de gouvernants, il a toutes les cartes

en main pour négocier avec eux. Le soir de son arrivée, le

tsar Alexandre, qui cherche à se loger, refuse dans un premier

temps de s’établir, par délicatesse, dans le palais des Tuileries…

délicatesse que Napoléon n’avait pas eue à Moscou.

On lui propose le palais de l’Elysée mais la rumeur court

qu’il est miné. C’est alors que Talleyrand lui offre l’hospitalité

dans son hôtel de la rue Saint-Florentin. Le tsar accepte. Il

lui reste maintenant à l’influencer. Le maintien sur le trône

de Napoléon étant impossible, quatre solutions se présentent

à lui : la régence qui permettrait au roi de Rome de succéder

à son père, le rétablissement de la République, la dictature

de salut public confiée à Bernadotte, et, la restauration des

Bourbons.Toutdépendd’Alexandre.Souhaitantétablirunepaix

durable, il s’oppose à tout arrangement avec Napoléon mais

ne se prononce pour aucune des solutions. Il semble disposé à

laisser la France libre de son choix. Talleyrand décide alors

de prendre les choses en mains et de mettre les alliés devant le

fait accompli. Il parvient, le 2 avril, à obtenir du Sénat, où il

exerce une incontestable influence, la déchéance de l’Empereur

et la suppression de l’hérédité. Deux jours plus tôt, le conseil

municipal de Paris s’était déjà prononcé pour le rétablissement

du pouvoir monarchique dans la personne de Louis XVIII. Le

6 avril, Napoléon abdique et Louis XVIII peut monter sur le

trône. Dès son arrivée, le tsar manifeste l’envie de visiter la

Monnaie des Médailles et l’hôtel des Monnaies de Paris. Le 5

avril, l’administration des Monnaies est en mesure de présenter

à Talleyrand, pour qu’il puisse l’approuver, le dessin de la pièce

à frapper lors de la visite du tsar à l’hôtel des Monnaies. Elle lui

demande de lui indiquer la quantité à frapper afin d’en évaluer

la dépense qui doit être couverte par une partie des matières

non monnayées existant en dépôt à la caisse de la Monnaie de

Paris.Unedizainedejoursplustard,illuiannoncel’adoptiondu

projet mais il lui demande que la légende du revers soit en latin.

Le changement est rapidement exécuté par Tiolier et, le matin

du 15 avril, les coins sont trempés même si la substitution de

la légende latine pose problème car, pour la réaliser, il faut

graver de nouveaux poinçons ce qui est impossible siAlexandre

diffère sa visite jusqu’au 19 avril. Mais fort heureusement pour

l’administration des Monnaies, Alexandre ne peut finalement

pas venir. Elle a donc tout le temps de modifier la légende de

la pièce. Au même moment, l’empereur d’Autriche et le roi de

Prusse expriment eux aussi leur intention de visiter la Monnaie

de Paris. La fabrication des monnaies étant suspendue suite aux

événements, seule la visite des ateliers et des machines, sans en

montrer l’emploi, est possible sauf si une pièce analogue à celle

destinée au tsar peut être exécutée pour les deux souverains. Le

19 avril, l’ordre est donné auGraveur général Tiolier de frapper

trois pièces. Le revers est commun pour les trois souverains. Il

comporte l’écusson des armes de France avec la légende Gallia

Reddita Europae. L’avers dechaquepièceestdifférent. Sur celui

de la pièce pour la Russie, on trouve l’initiale du prénom du tsar

et la légende Au Pacificateur de l’Europe suivie de la mention

de l’hôtel des Monnaies de Paris (Paris) et de la signature de

Tiolier. Pour la Prusse et pour l’Autriche, on trouve le nom du

souverain et la légende Ange de paix suivie également de la

mention de l’hôtel des Monnaies de Paris et de la signature

de Tiolier. Après la visite, le 26 avril 1814, de l’empereur

d’Autriche, et celle, le 6 mai, du roi de Prusse, l’administration

desMonnaies reçoit, le 24mai, le tsarAlexandre.Accompagnée

du général Sacken, Gouverneur militaire de la place de Paris,

des fonctionnaires généraux desMonnaies et des fonctionnaires

particuliersde laMonnaiedeParis,elle l’accueilleà ladescente

de sa voiture et le conduit successivement dans plusieurs salles

dont celle du monnayage où sont frappées en sa présence des

pièces en or et en argent.

n° 373 R/