TRÉSORDE l'AAT
Localisatio11 de l'atelier seco11daire.
Dans sa remarquable étude consacrée en grande partie au monnayage, Andreas Alf<sldi'
5
proposa, sur la
base des informations qui étaient alors à sa disposition, c'est-à-dire avant la découverte des inscriptions
de
Naq~-e
Rostam, de situer cet atelier monétaire à Samosate. Cette ville, en effet, semble avoir accueilli
à plusieurs reprises le quartier général de Valérien lors de ses combats contre les Perses.
Le savant hongrois estime que cet atelier a battu monnaie, sans apparente discontinuité de 255 à 260, sous le
règne joint de Valérien et Gallien, et que cet atelier fut ensuite récupéré par Marcien et Quietus (sa quatrième
émission). En effet, le style des monnaies de ces usurpateurs est très proche des dernière frappes au nom de
Gallien et Valérien de cet atelier: les lettres sont hautes et étroites, les profils très similaires, et le traitement du
visage de même facture. De plus, certains types de revers sont repris, et l'étoile qui ligure sur les dernières
frappes de cet atelier se retrouve couramment sur le monnayage des deux jeunes usurpateurs.
li
attribue à ce
même atelier d'autres monnaies de Gallien seul (cinquième émission), qui, selon lui, furent frappées après la
chute des deux usurpateurs. Il considère donc que cet atelier n'a cessé de battre monnaie de 255 à 263.
L'inscription de Persépolis est en contradiction avec cette reconstitution des évènements. En effet, elle affirme
que Samosate fut prise
par
l'armée perse au cours de la deuxième campagne de Sapor. Or il est évidemment
impensable que l'atelier monétaire ait pu frappé monnaie au nom de Romealors que cette ville était aux mains des
perses.
De
nombreux historiens et numismates ont donc remis en cause l'attribution de l'atelier monétaire à Samosate.
Michael 1. Rostovtzeff'
6 ,
un des plus grands historiens du
xx•
siècle, remarqua cene contradiction dans son
imposante reconstitution des évènements historiques et conclut à l'impossibilité de la théorie d'Alf<sldi : « Wherc
(the second mint] was located we do not know, but not at Samosata.
».
A. T. Olmstead
fil
de même et suggéra
Emèse comme cité émettrice de ce monnayage". Alfred BeUinger propose aussi Emèse":« On the basis ofthe
information [Alfüldi] possessed, [Samosata] was indeed the likeliest place. But, since he wrote, the testimony of
Shapur's inscription has made that impossible, for the second mint continucd to strike afier the capture of
Valerian and at that timc Samosata was in Shapur's hands
».
Néanmoins, beaucoup de numismates ont totalement ignoré le témoignage historique des inscriptions de Naqs-e
Rostam et continuent d'attribuer ce monnayage, sans même émettre de réserves, à l'atelierde Samosate : ainsi, R.
Gôbl n'en fait même pas allusion dans son récent
co1p11s
du monnayage de Valérien et Gallien
19 •
Se basant sur la reconstitution des émissions dressées ar Alfôldi, tous les historiens ont logiquement été amenés
à
rejeter l'attribution de l'ateliersecondaire
à
Samosate. On peut cependant se demander s'il est justifié d'estimer,
comme l'a fait Alfüldi, que la production de cet atelier s'est poursuivi sans interruption jusque sous le règne de
Marcien et Quietus, voire au delà.
Car
si tel est bien le cas,
il
faut définitivement rejeter l'attribution
à
Samosate.
mais dans le cas contraire, une attriburion à Samosate reste possible : Samosate tomba certes aux mains des
Perses, mais l'atelier secondaire n'a pas battu monnaie pendant cette périodelO.
Le
trésor de l'aat vient se verser au dossier des trésors syriens des années 253-260. Se pose naturellement la
question de savoir si ce petit trésor permet enfin de localiser l'atelier secondaire, sujet qui a déjà fait couler
beaucoup d'encre.
Bien avant l'article fondamental d' Andreas Alf<sldi, Otto Voetteravait proposé de placer une partie du monnayage
syrien
à
Tripolis
21 •
Cette hypothèse n'est pas à rejeter car l'atelier frappa monnaie sous le règne d'Aurélien et de
ses successeurs. Cependant, Tripolis semble trop éloigné du front des opérations militaires qui avaient pourtant
nécessité un tel monnayage.
A. T. Olmstead
22
et Alfred Bellinger) proposèrent Emèse.
La
grande ville syrienne résista héroïquement contre
les Perses lors des campagnes de 253-256 et 2602', et elle ne figure pas parmi la liste des villes prises dans
l'inscription de Naqs-e Rostam.
Le
rôle stratégique d'Emèse, près de l'Oronte, n'est plus
à
démontrer. De plus,
une partie du monnayage au nom d'
Uranius Antoninus
doit être attribuée
à
cette cité2s. Il est donc possible
qu'après la mort decelui-ci,Valérien décida d'utiliser l'ateliermonétairedéjà ouvert par le prêtre syrien.
En
étudiant la trouvaille de Hamâ, Robert A.
G.
Carson proposa de placer l'atelier secondaire à
Cyziqu~.
Il fut
suivi dans cette attribution par K.
J.
Elks
21 •
J.-P.
Callu, conscient du problème, propose de suivre la théorie
d'Altbldi mais est contraint de supposer que l'atelier dû se replier sur Antioche avant la prise de Samosate par
les Perses
11 •
La
carte de répartition des trésors recensés
à
ce jour est trop lacunaire pour permettre une localisation précise.
Le
trésor de l'aat suggère, quant
à
lui, une ville syrienne. En effet, 87
%
des monnaies proviennent de l'atelier
secondaire contre seulement 13
%
des monnaies provenant d'Antioche.
li
est important de remarquer que le monnayage de l'atelie.r secondaire est avant tout un monnayage militaire,
dans le sens où sa production était principalement destinée à l'armée. Il n'est donc pas nécessaire de placer cet
atelier dans une grande ville, car l'armée pouvait installer un atelier militaire
à
tout endroit et était même capable
de s'adjoindre un atelier itinérant.
Le
trésor de l'aat incite cependant
à
localiser l'atelier secondaire près d'Antioche. Il faut toutefois prendre en
considération que les réseaux de transport étaient fort développés en Syrie, et que, par conséquent, les mon–
naies circulaient rapidement. Le parfait état de conservation dans lequel se trouvent les monnaies du
lrésor de l'aat semble toutefois être un argument supplémentaire en faveur d'un telle hypothèse.
Le
problème est d'autant plus complexe que les sources manquent et que la chronologie des évènements
est très incertaine. Seule une étude comparative de nombreux trésors monétaires publiés, confrontée aux
autres documents historiques, telles les inscriptions de Persépolis, permettrait d'éclaircir cene difficile
question.
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