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Bulletin Numismatique n°239 41 royaume maintenus ouverts de continuer d’en frapper aux « poix et loy acoustumés et selon les ordonnances », pour quelques centaines de marcs à chaque fois8. L’absence d’espèces d’une valeur intermédiaire entre le denier et le douzain ne tarda toutefois pas à se faire sentir, en particulier dans le sud-ouest du pays où l’usage du hardi était depuis longtemps bien établi. Au début de l’année 1510, les officiers de l’atelier de Bayonne exposèrent ainsi au roi que « pour le bien et comodité de ladite ville et pays d’environ est besoing et neccessaire faire bactre et forgier en ladite monnoye quelque bonne grosse quantité de billon en liars parce que c’est monnoye qui est bien propriée audit pays, et que a présent ne se en treuve plus guères au moien de quelques deffenses qui ont esté fetes de n’en plus forgier », et ils obtinrent le 25 mars l’autorisation d’en frapper 400 marcs « pour une fois seulement »9. Le 23 juin 1514, le maître de Bordeaux Robert Girault présenta une requête semblable en ajoutant que « audit pays les marchans font leurs marchez et comptes à lyars ou hardiz », et le 26 juin, la chambre des monnaies lui permit d’en fabriquer 300 marcs10. Les registres d’ouverture des boîtes attestent de ces fabrications de « liarts appelez hardiz » ou « arditz » : jusqu’à la fin du règne de Louis XII, on en frappa ainsi près de 3 500 marcs à Bayonne11 – soit près de neuf fois la quantité prévue, ce qui laisse supposer que l’autorisation fut renouvelée à plusieurs reprises – et environ 500 marcs à Bordeaux12. On n’a pas retrouvé trace d’un mandement semblable pour Aix, mais des lettres missives du 31 mai 1511 autorisèrent le maître de l’atelier provençal à battre pendant quatre ans des patacs et des deniers coronats, espèces dont les Provençaux « ont acoustumé user et qui leur est neccessaire pour le bien et utilité du pays et de la chose publicque »13. On a effectivement retrouvé quelques exemplaires de ces deux monnaies (respectivement Dup. 691 et 689A, dénommées à tort « denier coronat » pour le patac et « liard à l’L » pour le denier coronat) frappées par Michel Guilhelm, qui dirigea l’atelier jusqu’en mai 1512 en marquant ses produits d’un A en fin de légende – en sus du point sous le S de LVDOVICVS –, ainsi que par son successeur Vincent Espiard, avec le P final (fig. 5 et 6). Toutes ces monnaies se caractérisent par la présence de la 8 SAULCY, IV, p. 93-164. Depuis le 10 juillet 1488, le denier tournois était au titre de 1 d. d’argent le Roi (soit 80/1 000 d’argent fin) et à la taille de 252 pièces au marc (soit un poids de 0,971 g). Le maintien de ces conditions sous Louis XII est confirmé par les comptes de plusieurs ateliers royaux et delphinaux (SAULCY, IV, p. 6-133) et par l’ordonnance du 3 novembre 1499 pour la Provence (Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, B 22, fo 55). 9 SAULCY, IV, p. 110 ; AN, Z1b 62, fo 119. 10 SAULCY, IV, p. 138 ; AN, Z1b 62, fo 138 et Z1b 61, fos 8vo-9. 11 Boîtes ouvertes les 16 novembre 1510, 1er juillet 1511, 10 mai 1512, 7 septembre 1513, 2 août 1514 et 28 juillet 1515, contenant en tout 1 153 pièces, soit environ 3 500 marcs à raison d’un denier mis en boîte pour 3 marcs, règle qui paraît avoir été celle alors en vigueur. Depuis sa réouverture en juillet 1508 et jusqu’à la fin du règne de Louis XII, l’atelier de Bayonne fut dirigé par Jean de Marrac et ses commis Antoine de Chasteauneuf et Echeberry. Les fabrications de liards sont attestées pour ces trois personnages (SAULCY, IV, p. 113-114, 116, 122, 133, 139-141, 151). 12 Boîte ouverte le 12 juin 1515, contenant 165 « arditz » représentant une fabrication d’environ 500 marcs (SAULCY, IV, p. 149). 13 Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, B 3319 bis, fos 151vo-152, 179vo et B 1450, fo 51. Les volumes d’émission prévus étaient de 200 livres tournois de patacs et 100 livres de deniers coronats par an, soit 32 000 exemplaires de chaque espèce. croisette initiale – cantonnée de quatre points sur celles d’Espiard – et l’absence de titulature provençale, comme sur le hardi et l’écu d’or au porc-épic. Il est donc probable que l’autorisation de frapper des patacs et des deniers coronats fut rapidement élargie au hardi, dont l’usage était aussi bien répandu en Provence puisque sa valeur de 3 deniers tournois correspondait à celle du traditionnel quart de gros comtal. C’est ce qui semble confirmé par la présence, dans les boîtes de Michel Guilhelm ouvertes le 20 mars 1512 et correspondant à ses fabrications du 22 mars 1511 au 12 mars 1512, de 78 peuilles – en fait des moitiés de pièce sur lesquelles étaient réalisés les essais – de liards14, qui devaient être en fait des hardis et qui restent à retrouver. Figure 5 Patac de Louis XII - atelier d’Aix-en-Provence, maîtrise de V. Espiard - Cabinet des Monnaies et Médailles de Marseille - © Ph. Ganne Figure 6 Denier coronat de Louis XII - atelier d’Aix-en-Provence, maîtrise de V. Espiard - © cgb.fr Il semblerait donc bien que l’on ait décidé d’utiliser la croisette en lieu et place du lys couronné afin de pouvoir identifier aisément les monnaies noires dont on autorisait exceptionnellement la frappe par dérogation à l’ordonnance du 19 novembre 1507, et de pouvoir vérifier ainsi que les émissions étaient bien conformes, tant pour leurs conditions que pour les volumes et les ateliers autorisés, à ce qui avait été prescrit. La découverte de hardis – ou de liards au dauphin ? – de Bayonne présentant cette marque permettrait de conforter cette hypothèse, mais on peut déjà remarquer qu’aucun des deniers tournois retrouvés ne porte une croisette initiale, ce qui est tout à fait normal puisque cette espèce n’était pas, comme on l’a vu, concernée par l’interdiction15. Il en est de même de tous les doubles tournois, là encore assez logiquement dans la mesure où aucune fabrication n’est attestée audelà de novembre 1507 dans les ateliers du royaume. Un autre indice est peut-être à chercher dans les monnaies frappées en Dauphiné. Un mandement du 12 juin 1512, faisant suite à une requête des officiers de l’atelier de Grenoble, les autorisait en effet à battre à nouveau des doubles tournois en plus des deniers16, et le maître Girard Chastaing, qui avait été commis au mois de mars, en frappa 217 marcs entre le 14 Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, B 1450, fos 60-61. Les boîtes contenaient aussi 32 peuilles de patacs et 2 deniers coronats. 15 Gérard Crépin a recensé 56 deniers tournois frappés dans les ateliers du royaume (Angers, Bourges, Châlons, La Rochelle, Lyon, Paris, Poitiers, Rouen, Saint-Lô, Tournai, Tours, Troyes) et 2 dans ceux du Dauphiné. Tous portent la fleur de lys couronnée initiale. 16 SAULCY, IV, p. 124. L’autorisation était limitée à 600 marcs de doubles (à 1 d. 12 gr. AR et de 186 au marc) et deniers tournois (à 1 d. AR et de 252 au marc). UNE DEUXIÈME ÉMISSION DU HARDI DE LOUIS XII ?

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