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Bulletin Numismatique n°231 48 bien présent. Il est nécessaire d’apporter une démonstration matérielle de cette présence. À défaut de visite physique15, qu’on peut imaginer liée à des questions de sûreté, quoi de mieux que de distribuer des portraits du roi, de manière gratuite ou presque, au format d’une « monnaie-médaille », à l’occasion d’un événement qui célèbre et honore le régime ? C’est probablement le sens qu’il faut donner au module de 1832 : un tract métallique, à destination des « libéraux », les partisans de la Monarchie de Juillet, qui sert de contrepoint au prosélytisme légitimiste, y compris à Nantes, remis à l’occasion du banquet du 30 juillet 1832, dans des conditions probablement analogues à 1831. L’agitation, tangible et visible en 1831, gagne en intensité, avec l’arrivée en Vendée de la Duchesse du Berry, mère -et donc régente en devenir – du jeune Henri. Elle y fomente une insurrection visant à renverser la branche des Orléans pour rétablir les Bourbons. Elle débarque en Vendée, au mois de mai, après l’échec de la prise de Marseille, au printemps 1832 – qui devait servir de « rampe de lancement » à l’insurrection dans l’Ouest, d’après l’accord noué avec les légitimistes loyaux. Las, l’insurrection se solde par un retentissant échec, après quelques combats, souvent perdus, début juin, en Loire-Inférieure surtout, et en Vendée. Ceux-ci ont opposé des troupes légitimistes faiblement armées et organisées, face à des troupes régulières, renforcées par des gardes nationaux16. Laurent Morival identifie cinq facteurs qui expliquent cette débâcle17 : « la réticence puis l’opposition de la majorité de la noblesse légitimiste à engager le combat, dès l’été 1831, dans la « Vendée maraîchine ». (…) deuxièmement, la confusion des ordres (…) troisièmement, le clergé est absent du théâtre des opérations, même s’il « résiste sourdement » (…) quatrièmement, il apparaît que les ruraux ne sont pas mobilisés (…) : ils ne se sont pas identifiés à un mouvement politique étroitement contrôlé par les nobles, et ils n’ont pas été mobilisés par le clergé, généralement cantonné dans l’abstention ». (…) il faut ajouter le rôle primordial joué par la répression. » La Duchesse du Berry parvient néanmoins à s’échapper et se réfugie à l’insu du pouvoir… à Nantes même, ce qui démontre une fois de plus la place de la cité ligérienne, à la fois objectif et centre névralgique des légitimistes. Elle s’y cache, jusqu’à l’automne 1832, moment où elle sera faite prisonnière – dans des conditions quelque peu rocambolesques, et après avoir été dénoncée en échange d’une très forte somme d’argent. Elle est envoyée en prison, du côté de Blaye, en Gironde. Cela signifie bien qu’en juillet 1832, l’affaire n’est pas définitivement close et qu’il règne une effervescence bien réelle dans 15 Le Conseil municipal avait formé un tel vœu. Le texte envoyé au Roi se trouve in extenso dans la séance du 18 juillet 1831. Il demande la présence d’un des fils du Roi. 16 op.cit. p. 172 on trouve plusieurs occurrences et événements concernant la Garde nationale, notamment celle-ci : « le lendemain vers 11 heures du matin, les légitimistes sont encerclés par le commandant Georges du 29e régiment d’infanterie de ligne avec son bataillon, quatre compagnies de la Garde nationale et une compagnie de gendarmes mobiles » 17 Ibid. p.192 la région18, sans doute croissante, et qui ne retombe pas tout de suite après la déroute des légitimistes, et certainement pas avant que la Duchesse ne soit appréhendée. JUILLET 1832 : UNE DÉMONSTRATION DE FORCE C’est certainement ce qui explique l’implication de l’État dans les fêtes de juillet 1832 à Nantes, aussi bien sur le volet financier que dans la logistique. Dans un courrier daté du 19 juillet 1832, le ministre de l’Intérieur indique ainsi : « Sa Majesté, malgré les charges multipliées que les circonstances lui imposent, veut bien mettre à la disposition de la municipalité de Nantes une somme de quatre mille francs, dont une moitié sera consacrée à donner plus d’éclat à la célébration des fêtes de juillet, et l’autre, d’après le vœu que vous exprimez, à procurer quelque soulagement aux classes indigentes par le retrait d’effets déposés au mont-de-piété. Je suis heureux d’avoir à vous annoncer ce témoignage de l’affection royale en faveur d’une ville qui s’en montre chaque jour plus digne par son dévouement et son patriotisme ». Le programme défini le 24 juillet 1832, par le maire Ferdinand Favre réserve une place de choix à la dimension « armée ». On trouve dans cet arrêté le programme des 28, 29 et 30 juillet, « après nous être concertés avec M. le préfet du département, M. le lieutenant-général commandant de division et MM. les commissaires de la fête du 30 ». Dans celui-ci, figurent différents événements festifs (« exercices des mâts de Cocagne », « courses à pied », etc.). Surtout, le cortège du 30 est défini très précisément. Un détachement de cavalerie est en tête, suivi par les commissaires de la fête puis les autorités civiles, militaires, etc., les décorés de juillet, un bataillon de troupes de ligne. 4 divisions militaires sont présentes : la première est essentiellement composée de la Garde nationale, dont les députations des Gardes nationales des départements voisins, puis les Gardes nationales rurales de l’arrondissement. La 2e division comporte un regroupement des 1er et 2e bataillons de Garde nationale nantaise, complétés par le 32e régiment d’infanterie de ligne. La 3e division compte les 3e et 4e bataillons de Garde nationale nantaise ainsi que le 56e régiment d’infanterie de ligne. La 4e division ferme la marche, avec l’artillerie de la Garde nationale, l’artillerie des troupes régulières, et enfin des éléments de cavalerie : Garde nationale, gendarmerie départementale, escadron du 1er régiment de gendarmerie à cheval. Tout cela devait composer un effectif très conséquent – certains rapports donnent un chiffre compris entre 9 000 et 10 00019, démontrant une force de nature à marquer les esprits. 18 Ibid p.187 « des nouvelles absurdes se répandent par voie de presse, comme sait le faire L’Écho du peuple, qui annonce régulièrement une insurrection générale, des débarquements d’armes, et relate des combats imaginaires comme celui de Rocheservière entre le 9 et le 12 juin, où 198 chouans auraient été tués ! » 19 Comparaison n’est pas raison, néanmoins, pour fixer les ordres de grandeur, le défilé à pied du 14 juillet 2022 comptait 5 000 personnes à pied. LES 3 GLORIEUSES À NANTES, LES MÉDAILLES ANNIVERSAIRES DE 1831 ET 1832 ENTRE COMMÉMORATION ET PROPAGANDE POLITIQUE- PARTIE 3

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