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Bulletin Numismatique n°231 49 Une fois le bruit et la poussière de ce défilé retombés, il ne reste plus grand-chose… à part le témoignage des journaux, mais surtout la médaille commémorative, remise lors du banquet, et qui rappelle la présence d’une impressionnante accumulation de forces fidèles au régime. UN COMBAT CONTRE LES « HENRIQUINQUISTES » QUI SE POURSUIT DANS LES MOIS ET ANNÉES SUIVANTS… L’action de la Duchesse du Berry laisse néanmoins des traces durables dans cette zone géographique, par ce cinquième épisode des guerres vendéennes. Si elle n’est pas parvenue à fédérer la population autour d’elle, il n’en demeure pas moins qu’une partie de l’Ouest, en particulier à la campagne, reste assez probablement fidèle aux légitimistes et aux Bourbons pour de longs mois, et même années. Nous disposons de quelques indices en ce sens. Par exemple, ce récit tiré de l’Ami de la Charte du 21 août 1832 « le drapeau tricolore flotte enfin sur le clocher de notre église [Paimboeuf] ! (…) Encore sommes-nous redevables de cet acte de patriotisme à deux gardes nationaux nantais qui, ne voyant pas l’étendard de la liberté sur notre église, s’en procurèrent un chez un officier de notre milice citoyenne et le plantèrent immédiatement (samedi dernier, 18 de ce mois). Une petite découverte assez naturelle a eu lieu par suite de cette opération : un modeste drapeau blanc reposait paisiblement dans le clocher (…) ». En outre, des « bandes » chouannes continuent de sillonner la région et mènent des actions qui pèsent peu sur un plan opérationnel mais qui font parler et disposent d’une certaine valeur symbolique. La chouannerie demeure une préoccupation régionale au moins jusqu’en 1837 (une requête utilisant le terme « chouannerie » retourne 175 résultats entre le 6 juin 1831 et le 2 mai 1837 pour le journal de l’Ami de la Charte), avant de peu à peu s’éteindre, au point qu’on peut considérer l’affaire close au tournant de 1840. Pour finir cette courte étude, le site Patrimonia et le site des archives municipales de Nantes nous indiquent que la commémoration de 1833 a eu encore plus d’éclat que l’année précédente. Le monument aux morts de juillet 1830 est enfin terminé, c’est donc son inauguration de « parfait achèvement ». À notre connaissance, aucune médaille commémorative n’a été conçue pour accompagner la cérémonie de 1833. Pour autant, l’éclat des événements de 1830 ne s’est pas complètement perdu malgré l’atténuation puis la disparition des fêtes commémoratives – les archives nantaises indiquent notamment que le parti républicain a réactivé la célébration, avec succès, entre 1844 et 1847, avant une période de léthargie et d’absence de commémoration, jusqu’à l’année du centenaire, en 1930, épisode qui demeure isolé et singulier. Le 20e siècle a marqué Nantes, et parfois durement. La ville a connu des épisodes tragiques, notamment lors de la 2e guerre mondiale20, qui l’ont distinguée et ont fait d’elle un Compagnon de la Libération. Par ailleurs, la mémoire que l’on entretient des faits est souvent étroitement corrélée avec la visibilité dans l’espace public, dans l’urbanisme. On fait volontiers le récit de la Bretagne et de son rattachement au royaume de France grâce à l’imposant Château des Ducs. Les vestiges de l’histoire industrielle, florissante, sont toujours là, qu’il s’agisse de l’espace Lu ou des nefs Dubigeon, siège des Machines de l’Ile. Un choix politique fort et courageux a fait émerger la question de la reconnaissance de l’épineuse et douloureuse question de l’esclavage avec la construction d’un Mémorial, une partie importante du Musée de la Ville est consacrée à ce sujet. Çà et là, des traces des guerres de Vendée parsèment Nantes et ses alentours : nom de rues, ou même croix pour rappeler la mort de Charette. Le Cimetière de la Miséricorde est bien plus éloigné, il est substantiellement plus confidentiel, ce qui contribue à une forme d’oubli. Pourtant, sans doute jusqu’à la fin du 19e siècle, la mémoire collective, certainement largement orale, continuait d’entretenir le récit. À presque 60 ans de distance, en 1888 Léon Brunchwicg, Nantais d’adoption, né à Paris en 1853, arrivé dans la cité à 14 ans, journaliste et chroniqueur au Phare de l’Ouest, choisit d’ouvrir son récit intitulé Souvenirs d’un vieux nantais, 1808-1888 par un chapitre consacré aux 3 Glorieuses. Incontestablement, c’est bien la preuve de l’importance de cet événement pour la capitale ligérienne, et de sa persistance dans la mémoire collective nantaise. Il y aurait sans doute un intérêt patrimonial et historique à mieux mettre en valeur cet événement marquant, qui met en scène quelques figures marquantes du Nantes du 19e siècle, en particulier Victor Mangin et Ange Guépin, dont on trouve la trace dans des noms de rues, d’écoles, et même de quartiers. Une telle exposition est aussi de nature à rééquilibrer le récit actuel, qui met particulièrement l’accent sur l’épopée « blanche » de 1793 à 1815. CONCLUSION À un an d'écart, les deux éditions de la médaille commémorative de la révolution de 1830 à Nantes poursuivent des buts bien différents. En 1831, il s'agissait de rendre hommage aux « patriotes » révolutionnaires nantais, de relier, sinon rallier le local au contexte national. Il fallait surtout renouer avec l'héritage politique de la Révolution de 1789 en multipliant les références symboliques. On peut y sentir la volonté de refermer de manière définitive la « parenthèse » de la Restauration, et d’enjamber près de 30 ans de l’Histoire de France. En 1832, la préservation de l’héritage de juillet 1830 devient le but, en envoyant un signal symbolique fort, aussi bien aux Nantais qu’aux contre-révolutionnaires de la Vendée militaire, légitimistes, qui rêvaient d’une nouvelle restauration 20 Les premières représailles nazies y ont eu lieu, en réponse au premier assassinat d’un officier allemand. L’une des artères principales, le cours des 50-otages est nommée en souvenir de cet épisode tragique LES 3 GLORIEUSES À NANTES, LES MÉDAILLES ANNIVERSAIRES DE 1831 ET 1832 ENTRE COMMÉMORATION ET PROPAGANDE POLITIQUE - PARTIE 3

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