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Bulletin Numismatique n°231 35 Orange, Arches-Charleville, Sedan, etc.) avaient été décriés en 1643 avec destruction des moulins de fabrication et leur frappe n’avait pas repris depuis ce décri généralisé. En revanche, Louis XIV ayant décidé en 1648 de faire frapper des deniers tournois valant la moitié des doubles tournois, ces deniers tournois royaux avaient été imités dès 1649 à Orange, Trévoux (Dombes), Arches-Charleville et Cugnon. Logiquement, Honoré II aurait dû faire frapper un denier tournois au lieu d’un double tournois puisque cette dernière espèce n’était plus en circulation depuis 1643. Toutefois, le maître Antoine Montrozat, dont le différent – une rose – figure sur ce double tournois, fit frapper cette pièce en estimant que son poids et son module l’apparentaient plus à un double tournois qu’à un denier tournois. Il est probable que le coin d’avers de la pièce de 5 sols d’argent, au portrait d’Honoré II, servit également pour frapper le double tournois. L’existence de cette pièce fut éphémère. En effet, un arrêt rendu le 4 juillet 1653 par le Conseil d’État du Roy, suivi d’un arrêt rendu le 20 août par la Cour des monnaies de Paris, ordonnèrent le décri de tous les deniers étrangers (Dombes, Orange, Arches-Charleville, Cugnon) imités des deniers tournois français. Sans être nommément désigné, le double tournois monégasque était implicitement visé par ce décri. Une autre hypothèse est possible, à savoir que Montrozat fit frapper son double tournois après le décri en espérant qu’il pourrait circuler en France puisqu’il ne s’appelait pas « denier tournois ». Toutefois, dans ce cas la fabrication aurait été encore plus éphémère puisqu’en septembre 1653 le bail de Montrozat fut révoqué et l’intéressé fut traduit devant le tribunal de Monaco en étant accusé de faux monnayage. Ainsi, que le double tournois ait été frappé avant ou après les décris de juillet-août, sa fabrication cessa dès le mois de septembre au plus tard. Seul un petit nombre d’exemplaires avaient été frappés. Deux exemplaires seulement ont été recensés à ce jour. D’abord, celui de la collection Boyne publié par Gustave Vallier en 18794 ensuite celui de la collection de S. A. S. le Prince de Monaco qui est exposé en permanence au musée des Timbres et des Monnaies de Monaco. Il est pour l’instant le seul exemplaire connu et visible. En voici la description : A/ HON : II. D : G : PRI : MONOECI Buste du prince de Monaco, drapé et cuirassé, tourné à droite, portant la croix du Saint-Esprit en sautoir. R/ DOVBLE. TOVRNOIS. 1653 rose (différent de Montrozat) Trois fusées (emblème des Grimaldi de Monaco) posées 2 sur 1. 4 Gustave Vallier, Petite incursion dans le domaine de la numismatique monégasque, Bulletin de la Société des Lettres, Sciences et Arts des Alpes-Maritimes, 1879, tiré à part pp.1 à 8. LE DENIER TOURNOIS DE 1677 En 1659, le prince d’Orange Guillaume-Henri de Nassau, futur roi Guillaume III d’Angleterre, reprend la fabrication de doubles et de deniers toujours tous de même module et de même poids. Honoré II évite de suivre son exemple. Le prince de Monaco se contente alors de faire frapper en quantité importante des pièces de 5 sols d’argent. Appelées luigini (petits louis en italien) parce que les premières montrent les portraits de Louis XIII puis de Louis XIV, ces pièces servent au commerce avec l’Empire Ottoman appelé alors le Levant. Ces luigini cessent d’être frappés en 1670 après avoir été décriés à Constantinople. Le prince d’Orange, qui frappe également des luigini pour le Levant, est tenace. En 1665, il fait frapper à nouveau un denier tournois montrant au revers deux cornets (emblème d’Orange) surmontant la lettre A (pour Aurasio, Orange en latin, A étant également la lettre d’atelier de Paris). Il récidive en 1673. À cette date, Louis XIV a envahi les Pays-Bas depuis l’année précédente. Il se heurte au prince d’Orange Guillaume-Henri de Nassau qui est stathouder des Pays-Bas en même temps que souverain de la principauté d’Orange. Guillaume-Henri vient de confisquer la seigneurie de Berg-op-zoom aux Pays-Bas, que possédait son cousin Frédéric-Maurice de La Tour d’Auvergne, allié de Louis XIV5. En représailles, Louis XIV confisque la principauté d’Orange et la donne à FrédéricMaurice de La Tour d’Auvergne. Ce dernier fait alors frapper à Orane des deniers tournois en 1673, 1675 et 1677 avant que les traités de Nimègue (16781679) ne restituent la principauté d’Orange à GuillaumeHenri de Nassau. Les deniers tournois de Frédéric-Maurice circulent en Provence. C’est certainement cet exemple qui incite Louis Ier de Monaco à faire frapper un denier tournois. En 1676, Louis Ier est à Paris puis en Angleterre où il file le parfait amour avec Hortense Mancini, duchesse de Mazarin et nièce du cardinal, bien qu’elle soit en même temps la maîtresse attitrée du roi d’Angleterre Charles II6. Il n’en oublie pas pour autant de s’occuper de Monaco, malgré la distance. Le 2 août 1676, il accord à un certain Toussaint Louis, représenté à Londres par Jacques Rebuty sa caution7, le bail de sa Monnaie ; ce bail sera ratifié par Toussaint Louis le 7 janvier 1677. Entre-temps, à Londres, Louis Ier accorde à Toussaint Louis le 24 décembre une permission de frapper des deniers 5 Frédéric-Maurice de La Tour d’Auvergne était le petit-fils de la princesse Elisabeth de Nassau, fille de Guillaume d’Orange, Stathouder des Pays-Bas, dit « Guillaume le Taciturne ». Elle avait épousé le prince de Sedan, Henri de la Tour d’Auvergne, appelé couramment «maréchal de Bouillon», qui était le père du maréchal de Turenne. 6 Depuis 1678 Louis Ier était veuf de son épouse la princesse Marie-Charlotte-Catherine de Gramont, fille du maréchal duc de Gramont, vice-roi du Béarn. Par un hasard historique, le titre de duc de Mazarin sera apporté au XVIIIe siècle aux Grimaldi de Monaco par la dernière duchesse de Mazarin, Louise-Félicité-Victoire d’Aumont-Mazarin, mère des princes de Monaco, Honoré V (1619-1641) et Florestan Ier (1641-1656). Le titre de duc de Mazarin appartient aujourd’hui au prince Albert II de Monaco. 7 Ecrit également Rebutty. LES DOUBLES ET LES DENIERS TOURNOIS DE CUIVRE DES PRINCES HONORÉ II ET LOUIS IER DE MONACO

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