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Bulletin Numismatique n°214 34 AUGUSTIN DUPRÉ ET LES ACIERS POUR LE MONNAYAGE INTRODUCTION D e tous temps, le souci a été de trouver pour les carrés un matériau suffisamment dur pour pouvoir mar- quer le métal des flans et servir assez longtemps pour assurer une production significative. L’acier a été ainsi choisi pour ses propriétés mécaniques pour la réalisation des outils pour le monnayage. La différence de comportement méca- nique entre l’acier et les métaux et alliages monétaires (or, argent, cuivre, bronze, ect.) fait de l’acier un candidat de choix vers lequel se sont orientés les graveurs depuis des siècles. Si la préparation du fer et de l’acier remonte à plusieurs mil- liers d’années, ce n’est que beaucoup plus récemment que nous sommes en mesure de préparer de manière totalement contrôlée des aciers de hautes qualités. La qualité et le traite- ment des aciers sont des sujets majeurs comme le Graveur Général le précise lui-même. On lit sous la plume d’Augustin Dupré : « dans la quantité d’objets à l’égard desquels les savants ont fait des découvertes et cherché à reculer les bornes des connais- sances chimiques, peu se sont étendus à distinguer les qualités de l’acier, ses propriétés diverses, sa fabrication en raison de son emploi, aucun surtout n’a eu en vue les opérations monétaires… » [BnF/Rés.Ms.10030 PAR MON F°(3)]. La recherche et l’ap- provisionnement d’aciers de qualité aura été un souci tout au long de la présence d’Augustin Dupré à ce poste de Graveur Général des monnaies. L’ACIER : UNE MATIÈRE PREMIÈRE POUR LES OUTILS L e fer peut être allié au carbone pour donner de l’acier, dont les propriétés mécaniques sont améliorées par rapport au fer seul. Si les procédés de réalisation sont aujourd’hui parfaitement maîtrisés (températures, composi- tions, …), il n’en a pas toujours été de même, loin s’en faut. De longue date, c’était essentiellement le savoir-faire du fon- deur qui faisait la qualité de l’acier fourni, sans forcément d’ailleurs qu’il sache exactement quels étaient les mécanismes intimes se trouvant derrière ce savoir empirique. Depuis plus de 3 500 ans, la réalisation d’acier a le même point de départ : la production de fer à partir de ses minerais (principalement des oxydes) par traitement à haute température. La réduction des oxydes de fer en présence de carbone (charbon) permet d’obtenir, à quantité de carbone croissante, du fer, de l’acier, de la fonte. Pendant des siècles, ce travail s’est effectué sans atteindre la fusion du fer. Les températures atteintes et les matériels ne permettaient pas la coulée du fer ou de l’acier, même si pour la fonte, les bas fourneaux du Moyen Âge per- mettaient d’atteindre des températures de fusion, atteignant la fusion. C’est la fonte forgée à l’air qui permettait d’éliminer une partie du carbone qu’elle contenait, par oxydation, pour atteindre la composition des aciers. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que les procédés par fusion du fer dans des creusets font leur apparition, procédés mis au point par Huntsman. Shef- field en Angleterre et Solingen en Allemagne deviennent alors les références en matière de production d’aciers (le musée de Kelham Island à Sheffield (Angleterre) retrace cette histoire). Tout au long du XIXe siècle, fourneaux, hauts-fourneaux et, plus tard, convertisseurs vont alors faire leur apparition et se développer à travers notre paysage industriel. La fusion en présence de charbon (ou de coke dans des procé- dés plus récents) dans des conditions régulées, permet d’obte- nir des qualités d’aciers prévisibles et maîtrisées. De plus, la fusion permet l’élimination de la majeure partie des impure- tés, sous forme de « laitier ». L’élimination de ces phases mi- noritaires qui nuisent à la qualité du produit fini permet une purification importante de l’acier et donc l’obtention d’un métal de qualité élevée et constante quelle que soit la source d’approvisionnement (et donc la composition) du minerai de fer. LA TREMPE DES ACIERS U ne fois la masse d’acier forgée, elle reste… une masse d’acier. Il faut alors qu’elle passe entre les mains de différents ouvriers pour qu’elle soit gravée, insculpée, limée, polie pour qu’elle reçoive l’empreinte voulue, qu’il s’agisse d’ailleurs d’un poinçon (gravure en relief ) ou d’un carré (gravure en creux). À ce stade, l’outil doit subir un der- nier traitement qui devra lui assurer la résistance mécanique nécessaire à la frappe : la trempe. L’acier est un terme générique qui désigne les alliages fer (Fe)/ Carbone (C) de compositions différentes (on parle de nuance d’acier), jusqu’à un rapport C/Fe de 2,1% (au-delà c’est de la fonte). La maîtrise de la quantité de carbone associée au fer permet de garantir à la fois la qualité et la régularité des aciers obtenus. En fonction de la température, à composition don- née, la structure de l’acier change et donc ses propriétés aussi. La nature cristalline à haute température, entre 912 °C et 1 394 °C, ou basse température (T < 912 °C) n’est pas la même. Un refroidissement lent permet la transformation de la structure « haute température » en celle « basse température » avec une croissance importante de la taille des grains si la durée de chauffe est prolongée à une température plus élevée que nécessaire. Cette dernière possède ainsi des propriétés mécaniques moindres par rapport à la première. Comment faire alors pour conserver cette structure « haute température » et la figer à température ambiante : c’est avec cette idée qu’est née la trempe, même si l’explication exacte n’est venue que bien après l’emploi de cette technique millénaire. Il s’agit d’un refroidissement rapide d’un acier chauffé entre 750 °C et 900 °C, permettant de fixer une structure cristalline de l’al- liage fer/carbone qui n’est théoriquement pas accessible à température ambiante. Ce refroidissement rapide permet d’obtenir un acier plus dur que le fer ou même que la forme stable de l’acier obtenu par refroidissement lent. La contre- partie est l’obtention d’un acier qui sera moins ductile que de l’acier non trempé.

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