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Bulletin Numismatique n°214 35 Principe de la trempe : évolution de la taille des gains dans un acier en fonction de la température et du temps Pour réaliser correctement la trempe d’un outil gravé, il faut procéder à un chauffage maîtrisé avant un refroidissement rapide (le carré doit rester correctement gravé et ne pas se déformer). Au cours de cette étape, l’œil de l’ouvrier procé- dant à cette opération est un facteur essentiel. La trempe pro- prement dite est suivie d’un « revenu » (réchauffement limité des pièces métalliques) pour éliminer les contraintes méca- niques internes créées par ce choc thermique. La trempe des coins était à cette époque affaire de spécialiste et était totalement dépendante de la compétence de celui qui réalisait l’opération. Il s’agissait en effet, hors de toute maî- trise exacte de la température, de contrôler la couleur de l’acier avant de le tremper. La technologie la plus affûtée em- pruntait alors un vocabulaire poétique et évocateur. On par- lait alors de couleurs de « gorge de pigeon », de « cerise », de « sanguin » : « Le degré de chaleur est relatif aux qualités de l’acier ; le plus ordinaire est couleur de cerise, mais les aciers fins d’Angleterre veulent être chauffés un peu moins chaud, c’est-à- dire couleur sanguin. Il y a ici deux grands inconvénients à éviter : si l’on chauffe trop on ne trempe pas de la dureté requise, ou l’on est sujet à la casse ; si l’on ne chauffe pas assez, la pièce n’est pas dure. C’est le soin et l’intelligence de la part du trempeur [qui] donnerait une règle assez sure, mais pour mieux faire on peut se servir d’un thermomètre… » [BnF/Rés.Ms.10030 PAR MON F°(1)]. Ce nuancier existe toujours et est toujours diffusé à l’attention de ceux qui travaillent l’acier. Couleurs prises par un acier au carbone en fonction de la température lors du chauffage avant une trempe UNE ÉLABORATION GOURMANDE EN RESSOURCES Pour l’élaboration de l’acier, tout se passe à des températures supérieures à 1 500 °C si l’on veut atteindre la fusion. Pour la trempe de l’acier, il en va de même puisqu’il faut remonter au-dessus de 750 °C pour retrouver une structure avec les grains les plus fins. Deux matières premières essentielles doivent ainsi être disponibles : du charbon (« de terre » ou « de bois ») et de l’eau froide. Le charbon de bois est suffisant quand bien même la température atteinte est inférieure à celle obtenue avec du charbon dit « de terre ». Lettre du 28 plu- viôse An 2 (16/021794) adressée à la Commission des mon- naies : « …Un autre besoin se fait journellement sentir c’est celui du charbon de bois pour les trempes, l’extrême difficulté d’en ob- tenir auprès de la section, la perte de temps pour s’en pourvoir et les petites quantités que l’on accorde rendent essentielle une récla- mation pressante auprès de la commission des approvisionne- ments, afin qu’elle donne une autorisation motivée sur l’emploi, et la quantité qui m’est nécessaire étant d’une voie par jour ajoute encore à la nécessité d’employer ce moyen pour m’en procurer. » [BnF/Rés.Ms.10030 PAR MON F°(3bis)]. Une voie équivaut environ à 90 boisseaux. Un boisseau de Paris (pour les matières sèches blé, sel, charbon de bois) = 12,7 L, donc 90 boisseaux ~ 1,15 mètre cube (à ne pas confondre avec une voie de Paris pour le bois (= une charre- tée) = 1,9195 stère = 56 pieds cube = ½ corde ~1,9 mètre cube). C’est donc plus d’un mètre cube de charbon qui est nécessaire quotidiennement pour la trempe des coins termi- nés… en plus de l’eau froide tirée de la Seine pour assurer le refroidissement. Tout autant que le charbon nécessaire à maintenir les fours en activité, l’eau faisait défaut. En face de la Monnaie, sur le Pont-Neuf, se trouve alors la pompe de la Samaritaine. Elle alimente en eau dès 1609, essentiellement le Louvre et les Tuileries, en tirant l’eau directement dans la Seine sous le Pont-Neuf. Elle a été entièrement reconstruite entre 1715 et 1719 et restaurée en 1771 pour être finalement détruite en 1813. Toutefois, acheminer l’eau jusqu’aux ate- liers sur l’autre rive de la Seine s’avère compliqué. Les conduites et leur entretien laissent à désirer, au point de ne plus permettre d’avoir de l’eau courante à l’atelier de gravure. Ce qui n’est pas sans conséquences sur les travaux et la four- niture des outils pour le monnayage. Lettre du 25 ventôse An 7 (15/03/1799) de Dupré à l’Admi- nistration : « J’avais satisfait le 6 de ce mois à la demande que vous m’aviez faite le 2 précédent de six paires de carrés de 5 francs pour Bayonne. Il s’en faut à la vérité que le résultat de l’épreuve ait été heureux et c’est un inconvénient que j’éprouve depuis quelques temps, quelque soit la bonté des matières employées et le soin pris pour la fabrication des carrés. Après diverses tentatives, après de nouveaux soins pour l’empêcher, je n’en puis attribuer le motif qu’au manque d’eau favorable à la trempe. J’ai voulu re- médier au défaut de services des conduites en en faisant apporter à bras de la rivière ; mais ce moyen, tout dispendieux qu’il est pour moi, est bien en dessous de ce que produit le jaillissement de l’eau du robinet sur les carrés et son renouvellement perpétuel dans la cuve ; l’eau qui y est apportée chaque jour au contraire s’échauffe par la proximité même des fourneaux et l’effet qu’elle doit produire n’est à beaucoup près plus le même. Je me suis adres- sé pour cet objet au C. Antoine, il m’objecte la stagnation de la pompe de la Samaritaine et cette stagnation amène les résultats

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