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Bulletin Numismatique n°209 25 QUATRE ÉNIGMATIQUES JETONS LORRAINS AU NOM DE LOUIS XIV ministrative temporaire : l’intendance de Lorraine, de Bar et des Trois-Evêchés. D’où une énigme : pourquoi Louis XIV a-t-il éprouvé le besoin de faire frapper à son nom et à son image ces jetons, au titre d’une administration temporaire d’occupation appelée à disparaître prochainement, la restitu- tion des duchés à Charles IV étant prévue ? Le premier de ces cinq jetons, millésimé 1659 (n°7557), est antérieur au traité des Pyrénées, les jetons étant habituelle- ment frappés au moment des étrennes. Il montre à l’avers Louis XIV à cheval « foulant des armes » selon Feuardent 11 . De fait, le cheval est représenté marchant sur plusieurs objets militaires : étendards, casque à plumes, armes… Ce motif du roi à cheval n’est pas nouveau : il avait été jusqu’alors réservé à un jeton non millésimé du Conseil du roi 12 et le revers de ce jeton lorrain montre bien le motif réservé aux jetons du Conseil du roi, à savoir les colliers des ordres royaux de Saint- Michel et du Saint-Esprit. Toutefois, un élément nouveau est ici ajouté sur cet avers : ce sont les objets militaires foulés par le cheval. Leur présence signifie que le roi a vaincu ses enne- mis, en l’occurrence le duc de Lorraine et ses alliés espagnols. Nous avons ici l’image d’un roi victorieux , image qui n’appa- raît par sur le jeton du Conseil. Ce jeton est incontestablement frappé au titre de l’intendance (temporaire) de Lorraine, du Barrois (Bar) et des (Trois) Évê- chés car on y lit la légende : DE LINTEND(AN)CE. DE. LORRAINE. BARROIS. ET. EVESCHEZ. Cette légende s’ajoute à celle des jetons du Conseil NIL. NISI. CONSI- LIO 13 accompagnée des deux colliers des ordres du roi, Saint- Michel et Saint-Esprit comme indiqué plus haut. Nous sommes ainsi en présence d’un jeton du Conseil modifié en faveur de l’intendance de Lorraine, de Bar et des Trois-Evê- chés. (fig. 1, exemplaire de la collection Florange) À la suite de ce jeton, Feuardent classe les quatre autres, mil- lésimés 1660 (n°7558 et 7559) et 1661 (n°7560 et 7560A), également à l’intendance de Lorraine, de Bar et des Trois-Evê- chés alors que, comme nous le verrons plus loin, la légende d’attribution à cette intendance est un peu moins explicite. Fig. 2 11 Ce jeton montre Louis XIV victorieux à l’égard de ses ennemis que son cheval piétine. Il n’a pas encore le caractère impérialiste et dominateur à l’égard de la Lorraine soumise à l’obéissance du roi que montrent les jetons suivants de 1660 et 1661. 12 Cf. FEUARDENT 1995, tome I, n°260-261 et tome IV, gravure n°146. 13 FLORANGE 1937, p. 19 n°130 et planche IV. Fig. 3 Les deux jetons millésimés 1660 montrent des revers iden- tiques alors que leurs avers sont différents. Pour le n°7558 14 , nous avons à l’avers le portrait de Louis XIV au buste juvé- nile, lauré drapé et cuirassé à l’antique, portant déjà la per- ruque (cf. supra) (fig. 2), tandis que pour le n°7559 15 nous avons les deux bustes affrontés de Louis XIV et de Marie-Thé- rèse (fig. 3). Examinons les deux revers communs qui sont très significatifs. Pour Feuardent, on y voit un « soleil éclairant la campagne » accompagné des légendes NEC. POTIOR. NEC. PAR qui signifie « il n’y en a pas d’autre qui soit plus puissant ou égal à celui-ci » et, à l’exergue, DE. LINT. D. LORR. BARRS. ET. EVESCHEZ. 1660. La légende NEC. POTIOR. NEC. PAR se rapporte naturellement au soleil qui est représenté à la fois rayonnant et flamboyant. Ce soleil, c’est naturellement Louis XIV, le Roi-Soleil qui n’a d’égal et il n’y a aucun autre personnage qui soit plus puissant que lui. La « campagne », selon Feuardent, que ce soleil irradie et sur laquelle il rayonne, ne peut être que le territoire lorrain occupé par l’armée du Roi-Soleil et soumis à l’obéissance de celui-ci. De ce territoire émergent de-ci de-là des protubérances qui peuvent s’appa- renter à des sommets d’église. Ensuite, pour Feuardent, la légende figurant à l’exergue « DE. LINT » etc. signifie « de l’intendance », par analogie avec la légende du jeton précédent n°7557. Toutefois, en prenant en considération l’ensemble des motifs et des légendes, tant des avers que des revers, on peut se demander si « DE. LINT » signifie seulement « de l’intendance » ou si ce mot en abrégé ne cache pas en même temps un second sens, figuré 16 . 14 FLORANGE 1937, p. 44 n°437 (non photographié), photo VSO iNu- mis 51 n°11055. 15 Ce jeton manque à la collection Florange. La photo est celle de Feuardent, tome 4, planche XIII n°252 (7559). 16 Cette abréviation est en effet équivoque et l’on sait que le XVII e siècle était friand de légendes à double sens.

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