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Bulletin Numismatique n°206 39 L’atelier où elle fut conçue, l’importance de son tirage de- meurent également inconnus. Et que voulut traduire l’œuvre ? La composition complexe de cette pièce naquit-elle librement de la pensée créatrice d’un artiste ou reposa-t-elle sur les pres- criptions qui lui furent transmises ? sur un cahier des charges imposé ? Michel Hennin (1777-1863) en donna la description et la reproduction (dessin gravé) dans son Histoire numismatique de la Révolution française, ou Description raisonnée des mé- dailles, monnaies et autres monumen[t]s numismatiques relatifs aux affaires de la France, depuis l’ouverture des États-généraux jusqu’à l’établissement du gouvernement consulaire, A Paris, Chez J. S. Merlin, 1826, en deux volumes in-quarto 5 . La médaille est décrite dans le tome I, p. 125, sous le n° 172, et reproduite dans le tome II, planche 20. M. Hennin la dé- signe sous le nom d’ Autel patriotique de Leyssard . Il fait ainsi, de celui-ci, l’avers. Au revers, il indique « une figure assise », qu’il ne définit pas. Elle est représentée tête nue sur la gravure, alors qu’elle semble casquée. Deux exemplaires de la médaille sont conservés aux Archives de l’Ain 6 . Un troisième – en parfait état – a été proposé, sur Ont également signé : Cochet, lieutenant, Arpin et Bardet, « soldats citoyens de la garde nationale de cette parroisse ». [Archives de l’Ain, 8 L 101.] 5 • Michel Hennin recensa les médailles et les monnaies éditées entre le début des États Généraux (3 mai 1789) et l’établissement du gouvernement consulaire (18 brumaire an VIII / 9 novembre 1799). (Introduction, p. VII.) Il décrit plus de 800 pièces, classées selon l’ordre chronologique. Elles sont reproduites dans les 100 planches environ du second volume. « L’auteur a eu à sa disposition tous les élémen[t]s propres à rendre son travail aussi parfait qu’il est possible ; les collections de Paris, celles des villes principales de la France et de l’Étranger, lui ont été communiquées. Il a joint à ces matériaux, des notes, résultats de recherches longues et difficiles, quelque récen[t]s que soient les faits auxquels elles se rattachent. ». Au nombre des collections qu’il étudia « celle de M. l’abbé Jean-Baptiste Marduel, vicaire de Saint-Roch, et ci-devant de Saint-Nizier de Lyon, ville où il a recueilli beaucoup de monumen[t]s de cette partie de la France. Ils ont eu [cet abbé et le lieute- nant-colonel Maurin] la complaisance de me communiquer celles des mé- dailles de leurs collections qui ne se voient pas ailleurs. » Autre collection- neur : « M. Jacques-Antoine Lambert, de Lyon, amateur de médailles et d’antiquités ; c’est à ce dernier que je dois une partie des renseignemen[t]s relatifs aux médailles frappées à Lyon. » (P. XIX) Les planches ont été gravées par M. Jacques-Marie Veran. (P. XX) L’exemplaire étudié par M. Henin a 38 mm de diamètre et est surmonté d’une bélière. • L’historien E. Dubois évoqua et décrivit rapidement cette médaille. [Biblio- thèque Eugène Dubois, Notes sur Leyssard – Histoire (généralités) (28 pages), sans date (avant 1942), Médiathèque Élisabeth et Roger Vailland, Bourg-en- Bresse, cote 590010 P 210, pp. 14-15.] 6 Un exemplaire biface de la médaille, y a été déposé par Dominique Saint- Pierre, homme politique et historien : « Cette pièce se trouvait dans une col- lection de pièces et de médailles […] de mon grand-père, Amand Saint- Pierre (1879-1932), notaire à Belley, mais né et élevé à Nantua (maison du cloître, actuellement maison Blanc). Elle avait probablement été récupérée par ses ancêtres catholards [désignation familière des nantuatiens catholiques apparue lors des guerres de religion] (Larochette, Collet, Griot, Gruffas). » [Courriel reçu de D. Saint-Pierre, 3 novembre 2012.] • En janvier 2014, un exemplaire monoface (l’autel patriotique) est entré dans les collections des Archives de l’Ain, par achat auprès du Centre Numis- matique du Palais Royal, Paris (1 er ). C’est peut-être un essai. Les inscriptions y sont particulièrement lisibles, malgré un défaut de moulage. Mais la perfec- tion n’était sans doute pas nécessaire à ce moment de la préparation. Un pa- son site, par la Société CGB Numismatique (Paris 2 e ) 7 . Ils permettent les observations suivantes : • À l’avers : La majesté de la figure assise, la dédicace à J.-L. Mathieu, l’exergue au bas forment indiscutablement l’avers. Assise, tournée vers la gauche de cette face, c’est sans doute Athéna-Minerve, avec, sur la droite, au niveau du sol, la chouette, l’animal qui l’accompagne et la caractérise. Athéna, déesse guerrière, incarne la « défense de la cité », et « le cou- rage […] dirigé par les lumières de l’esprit » : c’est en cela qu’elle est aussi la déesse de la sagesse 8 . Sa main gauche s’ap- puie sur les armes de France (trois fleurs de lys), auxquelles « tient une branche de laurier » (M. Hennin) ; sa droite serre et lève une couronne de feuilles de laurier ou de chêne (une couronne civique ?). Les auteurs du Trésor de Numismatique et de Glyptique, recueil des médailles de la Révolution française depuis l’ouverture des États-Généraux jusqu’à la proclamation de l’Empire, penchent pour la France. (Notice p. 31 et photographie planche XXVII n° 6.) 9 Le symbolisme de cette face se prête assurément à plusieurs lectures : l’image est ambivalente, à la fois appel à la mytholo- gie antique par l’armement et la présence d’un animal dési- gnatif et idéalité contemporaine comme le suggère le bouclier orné des lys de la monarchie 10 . Au-dessus de ce personnage, un œil placé dans un triangle de taille réduite, la pointe en bas, évoque l’Être Suprême. Sous son siège : un compas et une équerre croisés. CGB Nu- mismatique vit là non pas un signe inscrit dans cet espace réduit, mais plutôt le décor de cette assise. Ces deux outils de bâtisseurs semblent être une référence maçonnique. Mais doivent-ils être ainsi interprétés ? L’équerre – élément fixe – évoque la rectitude et l’exactitude ; le compas – élément mo- bile – manifeste la créativité, l’ouverture, la recherche spiri- tuelle. La médaille de Leyssard participe indiscutablement d’un riche courant esthétique et philosophique. Élisabeth Liris a remarqué que la symbolique révolutionnaire était syncré- tique, vivante, évolutive : « grandes sont donc [aujourd’hui] les difficultés de compréhension » 11 . Et Louis Trénard a rap- porté : « On ne voit plus [alors] sur les cimaises, sur les ten- pier manuscrit remplace l’avers manquant : ce court texte tronqué – peu li- sible et incomplet : serait (ligne 1), affaire (ligne 2) – s’achève sur une date (ligne 3), 10 avril 1790. Précisait-il une étape de la réalisation ? • La société Boule, Paris 9 e , a vendu, le 16 octobre 2015, un bel exemplaire (n° 715) en étain, avec sa bélière, de même diamètre (38 mm). 7 Selon la fiche technique établie par CGB Numismatique, le poids de cette médaille en étain, avec sa bélière, est de 26,96 g ; son diamètre, de 38,5 mm (43 mm avec sa bélière). Il est précisé qu’elle ne comporte aucun poinçon. 8 Cf. Léger-Félicité Sonthonax, discours prononcé le 19 fructidor an VII (5 septembre 1799), à Paris, en hommage au Général Joubert : « […] [L]es poètes ont fait de Minerve la déesse de la guerre, comme pour faire sentir combien il est nécessaire que le courage soit dirigé par les lumières de l’es- prit. » [Archives de l’Ain, brochure de 26 pages, p. 21, Dossier 2 L 185, sous-dossier Fête en l’honneur du Général Joubert (an 7 – an 8).] 9 A Paris, Au Bureau du Trésor de Numismatique et de Glyptique, Chez Rittner et Goupil Éditeurs, 1836. 10 Michel Vovelle remarque que, dans l’imaginaire révolutionnaire, se cô- toient « la liberté, l’égalité, la nature, l’union, d’autres [idéalités] encore, dont la raison seule reçut un culte éphémère. » [Michel Vovelle, La mort du père : mort du roi et mort de Dieu , pp. 237-240, in : L’État de la France pendant la Révolution (1789-1799) , Paris, Éditions La Découverte, 1988.] 11 Elisabeth Liris : Le symbolisme révolutionnaire (pp. 167-170), in : L’État de la France pendant la Révolution (1789-1799), opus cité. UNE MÉDAILLE PATRIOTIQUE LEYSSARD (1790)

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