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Bulletin Numismatique n°203 41 s’arrête. Elles sont toujours un support extraordinaire d’ex- pression, d’histoire, de commémoration, d’expression artis- tique, qui ne s’arrêtera pas, et ce même si, de par l’histoire, la monnaie circulante métallique disparaissait, ce qui n’est pas mon souhait ni… De toute façon, je n’y crois pas. 8 -CGB : Vous avez grandi entouré d’artistes et étudié vous- même les lettres et les beaux-arts. Vous exprimez-vous à tra- vers d’autres arts que la gravure ? Joaquin Jimenez : Oui, j’ai longtemps peint, j’ai commencé à faire des décors, de la sculpture, et ma mère était pianiste. Je suis issu d’une famille aussi de musiciens. J’ai donc pratiqué la musique. Je le conseille à tous les enfants. Dans la mesure du possible, on devrait obligatoirement l’enseigner, parce que la musique structure aussi l’esprit dans une autre langue, qui offre une autre expression. Je n’en fais plus moi-même, il y a longtemps que j’ai abandonné mon instrument, le violoncelle. Mais mon épouse est pianiste et, pour l’anecdote, pour financer mes cours quand j’étais plus jeune, et après encore, j’ai chanté dans des chœurs d’opéra en tant qu’amateur. J’étais donc musicien, familier des partitions, et avec les copains des Beaux-Arts, on allait ainsi dans les chœurs d’opéra pour payer nos études. En tant qu’amateur on côtoyait des profession- nels, ce qui nous donnait une petite idée du chemin à parcou- rir. C’était de bonnes leçons, ça… Vous voyez, en débutant avec des décors, j’ai commencé dans le très grand et terminé dans le tout petit ! 9 -CGB : Êtes-vous vous-même collectionneur ? À quelles monnaies va votre préférence ? Collectionnez-vous d’autres objets ? Joaquin Jimenez : Je ne suis pas vraiment collectionneur dans l’âme. Ma carrière dans la Monnaie est une rencontre plus qu’un souhait de dé- part. J’ai commencé en passant les concours. J’en ai gagné un certain nombre et j’en ai fait mon métier, les directeurs suc- cessifs de la Monnaie m’ayant demandé de l’intégrer. Mais, même si je m’intéresse de très près à la question, je ne suis pas collectionneur. Je collectionne bien sûr quelques pièces qui m’intéressent, pas forcément les miennes, mais des monnaies étrangères ou des choses intéressantes techniquement ou ar- tistiquement, de l’étranger comme de chez nous. Ce sont un peu des coups de cœur. Et les coups de cœur passent très vite. Pour répondre à votre question, je pourrais citer la pièce avec le ciel translucide et le clair de Terre, qui célèbre le 50 e anni- versaire des premiers pas sur la Lune, ou celle commémorant la chute du mur de Berlin. J’aime aussi particulièrement la série de monnaies réalisée récemment avec Guy Savoy. Mais, à vrai dire, ce qui m’intéresse, c’est la prochaine. J’arrive très, très bien à oublier celle que j’ai faite hier. Le fait d’être dans la poche des Français me laisse à peu près indifférent. Je sur- prends souvent en le disant, mais c’est vrai. Ce qui m’intéresse n’est pas ce que je suis devenu, mais ce que je fais. Et c’est la définition même de la poésie. Le poète est celui qui fait, qui travaille. L’artiste ne se qualifie pas d’artiste lui-même. Il est dans le travail. On le dit parfois éthéré, épris d’un absolu de liberté, etc., mais il n’en est rien. Il est dans le travail. 10 -CGB : Quelles ambitions un graveur général de la Mon- naie de Paris peut-il encore nourrir ? Joaquin Jimenez : Avoir le titre de graveur général ne va rien changer à ce qui me nourrit. Finalement, ce n’est qu’un nom sur une fonction que j’avais déjà. Mon seul souci est de veiller à ce que, lors de mon départ, la Monnaie, s’agissant de l’atelier de gravure, soit dans un état aussi bon, voire meilleur - si toutefois c’est possible, car il y existe déjà un niveau d’excellence exceptionnel. Je suis pour une obsolescence désirée. C’est une notion importante pour moi. Je le dis aux jeunes graveurs : dans tous les do- maines, il faudra un jour tuer le père. C’est pourquoi je les fais participer énormément à la création, etc. Ce sont eux qui auront les clés du monde de la gravure dans quelques années. Et je suis persuadé qu’il sera largement aussi bien que le mien. C’est mon but. C’est qu’après moi, ce soit mieux. C’est mon idée de l’obsolescence, que je souhaite voulue. C’est pour- quoi, chez moi, tout est ouvert. Je donne tout ce que je sais. C’est la vie. Quelle meilleure récompense que de savoir ceux que vous avez formés, qui viennent derrière vous, sont heu- reux d’être. Interview réalisée par Philippe Cornu 10 QUESTIONS À JOAQUIN JIMENEZ, GRAVEUR GÉNÉRAL DE LA MONNAIE DE PARIS ©Monnaie de Paris

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