cgb.fr

Bulletin Numismatique n°195 20 Décidément, ce monde n’était définitivement pas celui que nous pensons… Frédéric, n’est pas qu’un homme de paix et de tolérance. Il règne, l’empereur entend qu’on se soumette et qu’on lui obéisse. Il a une conception de la fonction royale telle qu’il ne peut concevoir qu’on ne puisse accepter son autorité. Ainsi il pourra se montrer brutal, violent, rude, intransigeant, impi- toyable… En 1235, Henri VII son fils-roi en Germanie veut se défaire de la tutelle de l’impérial papa. Ce dernier accourt, humilie son rejeton déloyal, le déshérite, le dépose, l’emprisonne pen- dant sept ans, l’exile ; Henri meurt pendant un transfert d’une chute de cheval en 1242… La Germanie par la suite sera gouvernée par des représentants fidèles… (mon oeil !) Après avoir maté la rébellion en Allemagne, il passe les Alpes avec son armée pour en découdre avec la Ligue Lombarde. Depuis 1226 Bologne, Plaisance, Vérone, Brescia, Faenza, Mantoue, Vercelli, Lodi, Bergame, Turin, Alessandria, Vicen- za, Padoue et Trévise avaient constitué une alliance militaire à l’instigation de la ville de Milan pour se défendre de l’hégé- monie impériale, pour s’émanciper de son autorité. En no- vembre 1237, Frédéric, dans une des batailles les plus san- glantes du siècle, près de Cortenuova, écrase la coalition et met à mort son chef Pietro Tiepolo fils du Doge de Venise… Au début du XIII e siècle, il existe toujours en Sicile une im- portante population musulmane. Les musulmans de Sicile possèdent une grande mosquée, de petites mosquées servant d’écoles coraniques, et un tribunal présidé par un cadi, c’est- à-dire un juge religieux. En 1220 un dénommé Ibn Abbad dit « Mirabetto » se rebelle contre l’autorité du roi. La révolte est réprimée très durement. Devant le nombre de morts, il finit par se rendre et est mis à mort. Sa fille reprend le flambeau de la révolte et conduit à un nouveau carnage. La mort de l’hé- roïne sonne le glas de la communauté musulmane du Royaume de Sicile. Jugeant dangereuse l’idée de garder une telle population si près du Maghreb qui pourrait leur venir en aide en cas de nouvelle révolte, et connaissant les trop vivaces traditions indépendantistes des montagnards et des paysans du Val di Mazzara, Frédéric fonde une cité au nord de l’Apu- lie (les Pouilles actuelles) qu’il appelle Lucera. Entre 1223 et 1245 près de 40 000 musulmans de Sicile y sont déportés par vagues successives. La ville leur est dédiée au grand dam du pape qui n’accepte pas qu’une ville toute entière soit livrée à cette engeance de Satan… D’un côté, comme l’explique Ste- fan Weinfurter, Frédéric nettoie l’île des Musulmans. Soit il les repousse, soit il les déplace, soit il les tue ! De l’autre côté, en leur accordant une ville, il transforme des ennemis féroces en alliés fidèles qui iront jusqu’à lui constituer une garde per- sonnelle, imperméable aux sentences du pape. Imperator Fridericus secundus, Romanorum Cæsar semper Au- gustus, Italicus Siculus Hierosolymitanus Arelatensis Germani- cus, Felix victor ac triumphator. FEDERICO, FIDIRICU, FRIEDRICH, FRÉDÉRIC, FRIDERICUS, FREDDY TWO L’AUGUSTE SICILIEN La Constitution de Melfi, le Liber Augustalis, commence en ces termes. Cette titulature romaine montre que FRIDERI- CUS se voit en empereur romain. Il est AVGVSTE. Au XIII e siècle en Occident, le monnayage est caractéristique du Moyen Âge : pauvre, laid, fruste. L’empereur souhaite par ses monnaies ressusciter la splendeur de la Rome antique, donner du lustre à son règne. Ainsi pour sa propre gloire il se fait maître en propagande. Pensait-il déjà à un Risorgimento ? L’idée d’une Italie unifiée avec Rome en son cœur l’aura effleuré. Peut-être, sûrement, plus que l’Ita- lie ? Je pense personnellement que Frédéric est en fait un moteur puissant de modernité. Son primum movens est d’améliorer tout ce qui peut l’être… La création de l’Augustalis en 1231 est l’expression même du renouveau que Fréderic souhaite imposer au monde : il s’agit d’un « aureus » splendide avec un portrait superbe. Le portrait est révolutionnaire dans son classicisme. Jusqu’à cette date, les figurations de Frédéric avaient été traditionnellement médié- vales, sur les deniers et sur les sceaux. Si j’osais, j’avancerais que la renaissance semble poindre dans cette finesse de réali- sation. https://www.coinarchives.com/w/lotviewer.php?LotID=4301092&AucID=451 7&Lot=1161&Val=f216e7646c1036ca432d2011359fec20 Royaume de Sicile. Fréderic II.1198-1250. AV Augustale (19.5mm, 5.28 g, 6h). atelier Messine. émise entre 1231 et 1250 D/ • CESAR AVG • • IMP ROM •, buste lauré et drapé à droite / + (César auguste, empereur de Rome) R/ FRIDE RICVS, Aigle tête à droite, ailes déployées. Grierson, Coins of Médiéval Europe C9; MIR 59; Spahr 98; MEC 14, 514; Friedberg 134 (Brindisi). Classical Numismatic Group-Triton XXIII, Lot 1161 Cette monnaie sera émise à Messine et à Brindisi avec une masse de 5.31 g. pour 20½ carats (854/1000) de fin. Sa va- leur légale est de 1/4 once sicilienne d’or. Il existe des demi- Augustalis. Il en aurait été produit un demi-million. L’image impériale sur la monnaie comme instrument d’affir- mation du pouvoir n’est pas une nouveauté. Dans la perma- nente lutte entre Frédéric et le Pontifex romanus, il faut rap- porter un portrait monétaire, prévu en 1229 mais jamais réalisé. Frédéric, excommunié, était à la croisade, dans le même temps, le pape Grégoire IX avait envahi le royaume de Sicile. Ayant pris Gaète, le 21 juin 1229, l’un des privilèges accordés à la ville fut la frappe de deniers papaux selon les instructions suivantes : monnaies d’argent ayant sur un côté l’image de la tête de saint Pierre avec le nom de la ville, et sur l’autre côté l’image du pape et son nom. X 1,5

RkJQdWJsaXNoZXIy MzEzOTE=