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Bulletin Numismatique n°195 21 de l’hégire 595 ; au revers la légende arabe « Qustansah inbi- ratrigah Rumah », c’est-à-dire la translittération du nom et titre impérial de Constance et la date de l’ère chrétienne, 1198, écrite aussi en arabe. Les deniers frappés entre 1197 et 1220 présentent des types inspirés de deniers contemporains de l’Orient latin ou por- tant l’aigle, symbole des Hohenstaufen. En réalité, l’organisation de la production et de la distribu- tion de la monnaie fut une des premières préoccupations de Frédéric à son retour comme empereur. Entre 1221 et 1222 il ordonne que les pièces anciennes ou étrangères soient démo- nétisées et que seulement les nouveaux deniers, dits impe- riales , puissent circuler. Un seul type de denier pouvait servir de monnaie, et lorsqu’un type nouveau était introduit, géné- ralement on démonétisait le type précédent. Cette pratique de mutations ou renovationes monetae était bien répandue en Allemagne, au Danemark et en Pologne aux XI e et XII e siècles. En Angleterre, la même pratique avait été mise en oeuvre par les Anglo-Saxons et les Normands jusqu’en 1150 environ. Ce système permettait un fort contrôle de la circulation moné- taire et l’utilisation de la distribution de monnaies nouvelles comme source fiscale, en imposant de nombreux échanges, favorables au roi, pour le type précédent, et en exigeant le paiement des impôts en monnaie nouvelle. Ce paragraphe n’est vraiment pas à mettre entre toutes les mains… Les taris demeurèrent importants même après la création de l’Augustalis en 1231, et même encore au début du règne de Charles I er d’Anjou, contrairement à l’opinion courante qui croit que leur circulation prit fin beaucoup plus tôt. La figu- ration arabo-normande s’efface et l’aigle devient l’élément le plus typique de l’époque frédéricienne. Les deniers de billon des Hohenstaufen en Sicile sont très nombreux. Tous ces deniers portent le nom de l’émetteur, mais pas le nom de l’atelier de production. Quelques types parmi eux portent l’indication dans le champ SICI ou S pour Sicile, ou A ou AP pour Apulie, mais ce sont des exceptions. Dans le catalogue de Spahr de 1976, les deniers des Hohens- taufen sont encore classés en « Messine ou Brindisi ». FEDERICO, FIDIRICU, FRIEDRICH, FRÉDÉRIC, FRIDERICUS, FREDDY TWO L’AUGUSTE SICILIEN Cette monnaie ne fut jamais frappée : il était trop tard pour Grégoire, Frédéric était déjà rentré à Brindisi. Mais le projet était là, et il était important à l’époque de Grégoire IX. De- puis la fin du X e siècle, il n’y avait pas de monnaies portant l’image du pape, ni d’une autre autorité d’ailleurs. Les deniers des villes communales italiennes avaient des types républi- cains par excellence où il n’y avait pas de place pour l’image de « roi ». Seule exception : Venise, où l’image du doge fit son apparition en 1200 sur le monnayage d’argent. Le projet de Grégoire aurait introduit le premier portrait sur un denier de billon de l’Italie méridionale, alors que le denier au portrait de Frédéric, avant 1231, était de Messine et ne circulait pas en Italie méridionale. Deux ans après l’échec du projet du pape, Frédéric fit circuler son Augustalis. Ce fut une belle réponse. En Sicile, depuis la deuxième réforme monétaire de Guil- laume II de Hauteville (environ 1180), le système monétaire était très organisé, avec plusieurs dénominations en or, en argent et en cuivre. Les Normands en Italie méridionale avaient trouvé divers types de monnaies : des taris d’or à lé- gende arabe, purement épigraphiques, mais aussi des mon- naies byzantines avec les images des empereurs, ou de Jésus- Christ et de la Vierge. L’once de trente taris était l’unité de compte majeure ; le tari était la monnaie réelle la plus cou- rante. À côté de cette monnaie royale d’usage général, il y avait des monnaies locales qui reflétaient les particularités ethniques ou régionales de ce royaume. Plusieurs décennies après la formation du royaume, les différentes entités territo- riales avaient encore des systèmes monétaires partiellement indépendants, malgré les efforts d’unification administrative. La production monétaire du royaume était organisée d’une manière centralisée. Les ateliers de Messine et de Palerme pro- duisaient des taris siciliens pour tout le royaume. En 1194, l’empereur Henri VI, père de Frédéric, partait de Gênes pour la Sicile. Il avait une grande quantité d’argent, qu’il avait fait frapper dans l’atelier de Gênes sous forme de deniers génois, car le denier de Gênes était l’un des plus répandus à l’époque et qu’il était bien connu en Sicile. Mais tout de suite Henri s’occupa de la monnaie du royaume : c’était la fin de la mon- naie de cuivre. Le denier de billon devint la seule espèce pour les petits et moyens échanges, alors que les taris d’or siciliens continuaient à avoir le même succès comme monnaie cou- rante. À cette époque, les taris d’or étaient encore produits en Sicile pour tout le royaume, alors que les deniers étaient pro- duits à Brindisi pour la partie nord et à Messine ou à Palerme pour la partie sud. À la mort d’Henri en 1197, Constance retourne tout de suite aux traditions normandes et arabes. Deux types de taris d’Amalfi nous démontrent comment elle choisit cet atelier pour affirmer la continuité normande : le premier type porte à l’avers la légende arabe « Fridrik malik Siqilliyyah » et dans le champ les initiales latines FRE ; au revers la légende « + C. ROMANOR IMP » autour d’une étoile ; sur les deux côtés, une légende arabe nous donne le nom de l’ate- lier Malf et la date 594 de l’hégire (entre novembre 1197 et novembre 1198). La présence du nom de Constance sur la monnaie est tout à fait extraordinaire et nous confirme sa volonté de marquer la continuité dynastique normande. Constance est présente à côté du petit Frédéric pour la der- nière fois sur un autre tari d’Amalfi. À l’avers, cette monnaie porte la légende « + FRE. REX. SICILIE » et en arabe la date

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