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Bulletin Numismatique n°195 19 Le nouveau pape Grégoire IX saisit ces retards comme un manquement ; pour ne pas avoir honoré sa promesse il ex- communie l’empereur le 28 septembre 1227. L’excommuni- cation en plus de fermer les portes du paradis à Frédéric, dé- liait en fait tous les vassaux de leur allégeance envers leur suzerain. En 1228, « l’imperatorem excommunicavit », Frédéric le dis- gracié conduit, la sixième croisade. L’homme est un Sicilien. Depuis l’enfance, il côtoie des religions, des esprits, des façons de vivre et de penser qui lui ont appris à composer avec des hommes qui ne partagent pas ses convictions. Ainsi, il se lie d’amitié avec le sultan du Caire Malik al-Kamel. Par son art et son savoir, usant de diplomatie et de stratégie, sans tuer, sans massacrer, sans bataille, Fréderic II reconquiert les terri- toires du royaume de Jérusalem perdus depuis la conquête par Saladin. Le 18 mars 1229, « Federico lù Sicilianù » se cou- ronne lui-même roi de Jérusalem, de Bethléem et de Naza- reth. Le 1 er mai 1229 il rentre en Italie, sa croisade est un scandale, il est victorieux… mais il n’a pas fait couler le sang du musulman, son ami… À sa cour, il va accueillir des savants du monde entier, nourrir son intérêt pour les mathématiques, les beaux-arts, la poésie, l’astronomie, l’astrologie, la métaphysique et l’architecture. Le beau langage pratiqué à sa cour sera transporté en Toscane pour contribuer à la naissance de la langue italienne. Pour asseoir son pouvoir, il fait édifier 250 édifices, tours, forts et châteaux dont il trace parfois les plans lui-même. Retenons le Castel del Monte qui n’est ni un palais, ni une forteresse… Passionné par les sciences et la médecine, il autorise des expé- riences et la dissection de cadavres humains. Il impose aux médecins un cursus d’étude sanctionné par un examen, il fixe leurs honoraires et dissocie les professions de médecin et de pharmacien. L’ère frédéricienne voit un commerce prospère, une activité artistique brillante, un monde religieux tolérant. On sent la volonté impériale d’intervenir en toute chose. Fré- deric est convaincu que l’empereur est responsable de l’ordre du monde. La numismatique mène à tout. Fréderic était passionné par la fauconnerie et l’ornithologie, il est l’auteur d’un traité qui reste une référence en la matière ( De arte venandi cum avibus ). Cela m’amuse de signaler qu’en page 18v on trouve le dessin d’un cacatoès qui était bel et bien en sa possession. Or cet oiseau ne vivait à l’époque qu’en Australie, en Papouasie- Nouvelle-Guinée et sur cer- taines des îles d’Indonésie, ré- gions qui ne seront découvertes que 400 ans plus tard. Le fait qu’un cacatoès arrive en Sicile prouve qu’il existait un réseau d’échanges commerciaux qui s’étendait de l’Australie à l’ouest du Moyen-Orient et au-delà » . FEDERICO, FIDIRICU, FRIEDRICH, FRÉDÉRIC, FRIDERICUS, FREDDY TWO L’AUGUSTE SICILIEN Arrivé à Rome, le nouveau pape conçoit qu’il puisse être roi de Sicile, de Germanie et accéder à la pourpre. Ainsi, en août, Honorius III évêque de Rome, couronne Frédéric qui devient empereur du Saint-Empire romain. Empereur aux conditions de renouveler son serment d’allégeance envers le pape, d’assu- rer le versement d’un tribut annuel de mille pièces d’or par le Royaume de Sicile, d’abdiquer le trône de Sicile et par-dessus tout de mener une croisade pour libérer les lieux saints. En Italie, l’empereur s’évertue à réorganiser la Sicile en un Etat moderne avec une administration centralisée. En élabo- rant la Constitution de Melfi (1231) qui est un recueil des lois destinées à tout l’Empire, il entend rénover le droit. No- tons qu’au XIII e siècle, la loi se fait encore souvent selon le « droit coutumier » particulier en chaque région. La Consti- tution comporte en fait 250 articles qui prétendent réglemen- ter tous les domaines. Ce Liber Augustalis n’a pour autre but, sous couvert d’une uniformisation des systèmes politico-judi- ciaires, que d’empêcher la mainmise des petits seigneurs sur les villes et leurs corps de métiers. Sa volonté de peser sur la vie de ses sujets et de ses villes ne fut pas reçue avec bonheur dans toute l’Italie. Ainsi, longtemps, il dut guerroyer contre la Ligue Lombarde. Les villes du nord de l’Italie ne voyaient dans « l’aigle noir », symbole des Hohenstaufen, que domina- tion et tyrannie. Blasons peut-être utilisés par Frédéric II. Les 3 lions sont pour la maison Hohenstaufen. L’aigle pour le Saint-empire romain. Deux têtes : Rome + Germanie, 3 têtes : Rome + Germanie + Jérusalem. Fond or classique, argent peut-être spécifique du Royaume de Sicile ? Le pape, enserré entre les royaumes d’un même « souverain ambitieux », éprouvait bien du mal à exercer un quelconque pouvoir, une quelconque influence. Il fallait pour desserrer l’étau, éloigner cet oiseau noir. L’empereur avait juré d’aller libérer les lieux saints et d’abdiquer en Sicile. Le soulèvement des communes lombardes, des soucis de santé avaient contraint l’empereur de différer son départ et il avait montré encore moins d’empressement de renoncer à la Sicile.

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