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Bulletin Numismatique n°195 18 J ’imagine ce gamin farouche et indompté courant dans les rues de Palerme. Tous, hommes et femmes, soldats, nobles et paysans, tous savent de qui il est le fils ; même si des mauvaises langues auraient dit que sa mère trop vieille pour enfanter aurait été engrossée par un boucher palermi- tain…Mais ce sont des mauvaises langues. On aura dressé sur la place principale de Jesi près d’Ancona une tente pour que sa mère Constance fille de Roger II de Hauteville enfante devant tous. Le lendemain de Noël 1194 avec l’assistance de médecins arabes, le petit Fidiricu venait au monde. Il fut orphelin très tôt pour être placé sous la tutelle du « Monde ». Son père Henri VI de Hohenstaufen, le cruel, fils de Fréderic Barberousse, meurt en 1197. Sa mère Constance fille de Roger II de Hauteville, premier roi de Sicile disparaît en 1198. Federico Ruggero, enfant de 3 ans, roi de Sicile, roi des Romains depuis 1196, prétendant légitime à maintes couronnes, est placé ainsi que son royaume au-delà de son landau sous l’autorité du pape Innocent III. « Fidiri » enfant sicilien apprend dans les rues, dans les forts, les palais et les campagnes de Sicile à parler normand, latin, grec, arabe, allemand et sicilien. La Sicile en ce temps est un bouillon extraordinaire de cultures. Siciliens, Normands, Grecs, Romains, Romains d’orient, Arabes, Juifs, Chrétiens, Musulmans vivent en paix, génèrent ensemble toutes les meilleures énergies dans l’art, la culture, les sciences et les meilleurs façons de tolérer l’autre. C’est dans ce creuset que ce « picciottù Sicilianù » (jeune sicilien) devait devenir le « stu- por Mundi », la merveille, la stupeur du monde. Le 15 août 1209, à 14 ans il épouse Constance d’Aragon qui elle en a trente. Il s’agit bien sûr d’un mariage politique qui arrange le pape. De ce couple en 1211 naît un fils, Henri. FEDERICO, FIDIRICU, FRIEDRICH, FRÉDÉRIC, FRIDERICUS, FREDDY TWO L’AUGUSTE SICILIEN Au XIII e siècle la Sicile est un royaume riche et très puissant. Les prétentions légitimes de ce jeune roi, le droit de son sang inquiètent une autre puissance en mal d’hégémonie, Rome et son pape. L’union de la Germanie avec les terres d’Italie constituerait une puissance formidable qui s’imposerait en Occident. Les papes s’opposeront toujours par tous les moyens à la constitution d’une telle force. En 1198, à la requête du pape Célestin III, Philippe de Souabe, frère du père de Frédéric, est élu roi des Romains. Ce même pape avait demandé que l’enfant ne revendique rien en Germanie… Pourtant son père en était le roi… En 1209, un autre pape, Innocent III, couronne le Welf Othon IV de Brunswick empereur du Saint-Empire romain. Pourtant, en 1211, les princes et les évêques d’Allemagne, la diète d’Empire réunie à Nuremberg, élisent Frédéric roi de Germanie. À cette époque, tout est rivalité, tromperie et tra- hison en ces terres, plongeant l’Empire dans le Chaos. En 1212, pour ne pas déplaire au pape qui ne peut concevoir une union de l’Italie et de la Germanie, Frédéric fait couron- ner son fils Henri roi de Sicile. Au même moment Othon IV perd les faveurs du Souverain Pontife qui l’excommunie. C’est ainsi que Federico qui n’a que 18 ans quitte la Sicile avec quelques cavaliers, traverse Rome, l’Italie, les Alpes pour arriver à Constance trois heures avant l’infortuné Othon IV (qui sera défait en 1214 à la bataille de Bouvines par le roi Philippe II de France). Frédéric rallie les princes sans aucun combat. Il est confirmé comme roi à Francfort le 5 décembre 1212 et est couronné en la cathédrale de Mayence le 9 dé- cembre de la même année. Federico, qui devient Friedrich, fait l’unanimité autour de lui. Il est reconnu par tous les princes et même par le pape. Ainsi, il est sacré une nouvelle fois à Aix-la-Chapelle sur le trône de Charlemagne, le 25 juil- let 1215. Lors de ce dernier couronnement, « Fidiri » endosse le man- teau royal de son grand-père maternel, Ruggero II. Cette tu- nique devait devenir le manteau de sacre des empereurs ger- maniques. Elle couvrira les épaules de 47 empereurs germaniques jusqu’au XVIII e siècle. Le manteau est aujourd’hui conservé à la Schatzkammer (chambre du trésor) de Vienne avec les autres insignes et le trésor des rois de Sicile. En 1220, Frédéric revient en Italie. Il a laissé le gouvernement de la Germanie à son fils qu’il vient de faire élire roi des Ro- mains, Henri le septième n’a que 9 ans. Au nord, le roi de Sicile qui ne peut être partout, a délégué, a concédé beaucoup de ses pouvoirs. Il a accordé au monde ecclésiastique une charte, le Confoederatio cum principibus ecclesiasticis. Plus tard, en 1232 il confèrera aux princes le Statutum in favorem principum. De ce fait ils deviendront les maîtres de la justice sur leurs terres. Un certain ordre est rétabli en Germanie.

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