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Bulletin Numismatique n°240 30 La sortie récente du troisième volume des monnaies celtiques (CMC 3 Le sud-ouest de la Gaule) du Département des Monnaies, Médailles et Antiques (DMMA, nouvelle appellation du Cabinet des médailles) de la Bibliothèque nationale de France (BnF) est l’occasion pour nous d’aborder un sujet qui nous tient à cœur : l’antique Elusa (Eauze), et le monnayage des Élusates qui lui est associé, à travers une drachme de ce peuple qui prend place dans la prochaine Internet Auction du 9 avril 2024. D’ailleurs, c’est le revers d’une drachme de ce peuple que les auteurs de l’ouvrage ont choisi pour orner la couverture. Notre drachme appartient au 11e groupe classé sous le vocable « groupe aquitain », dérivé de la série au cheval et au rapace conducteur (CMC 3, p. 100-106 pour l’étude, p. 229-234, n° 758-789 pour le catalogue, p. 309-310 pour les dessins, et p. 361-362 pour les planches). En effet, pour chaque groupe, série, sous groupe, et numéro, il vous faudra à chaque fois procéder à la même opération afin d’avoir une vision globale sur une monnaie. Dans ce groupe aquitain, dans la première série, nous avons aussi sept variétés principales. Notre drachme appartient à la quatrième variété (CMC 3/ 11.1.4, unité au cheval sexué et au rapace triangulaire) qui ne comporte que des drachmes. Pour ce type, le DMMA possède 22 exemplaires et le MAN (musée d’Archéologie nationale) deux. Sur les 22 exemplaires du DMMA, la plus grande partie des exemplaires provient de la collection de Saulcy, acquise en 1873 (CMC 3/ 763, 766, 768 à 771 et 775 à 779 dont les masses varient entre 1,74 g et 3,24 g, le poids médian étant compris entre 2,75 g et 3,00 g) et sont issues du dépôt de Manciet dans le département du Gers (32), lequel aurait contenu de 200 à 700 monnaies. Mais la pièce la plus ancienne (CMC 3/ 364) est entrée au Cabinet des médailles en 1758. Ce type se rencontre d’après les auteurs du CMC dans les départements du Lot-et-Garonne (47), du Gers (32), des Pyrénées-Atlantiques (64) et de la vallée de la Garonne. Pour notre exemplaire, si la tête disloquée au droit représentée par plusieurs traits, virgules et globules est bien identifiable et conforme aux « stigmates » de la variété, en revanche le revers est beaucoup moins bien venu à la frappe et en dehors de deux globules marquant le corps de l’équidé on a du mal à reconnaître au-dessous, entre les jambes, le carré bouleté aux angles renfermant un trait vertical. L’état de conservation de notre exemplaire ne permet pas d’établir une liaison de coin de droit ou de revers avec l’un des exemplaires conservés dans les collections nationales. Cependant l’étude de Laurent Caillegarin (CMC 3, p. 100-106) constitue désormais la pierre angulaire pour l’étude de ce monnayage. C’est la raison pour laquelle l’auteur ne tranche pas entre les différents peuples de la Novempopulanie, même s’il évoque l’attribution aux Sotiates fournie par S. Scheers plutôt qu’aux Élusates, en contradiction avec les auteurs du DICONUM, M. Feugère et M. Py, (p. 358-359) qui maintiennent bien ce monnayage aux Élusates en s’appuyant sur la carte de répartition des Trésors et des trouvailles isolées. Les Élusates étaient un petit peuple d’Aquitaine qui occupait une partie de l’actuel département du Gers, correspondant à l’ancien comté du Condomois (Comdom). Leur capitale était Elusa (Eauze, Gers). Ils furent soumis en 56 avant J.-C. par Publius Licinius Crassus, lieutenant de César, le fils de Crassus qui mena campagne en Aquitaine. Sources : César (BG. III, 27). Tandis que les Sotiates occupent le sud du département du Tarn-et-Garonne et se trouvent placés entre les Élusates et les Nitiobroges. Si le peuple des Sotiates n'est pas lui-même évoqué dans les Commentaires, Adietuanus, leur chef, l'est (III., 22). Il fut soumis par Publius Licinius Crassus, le fils de Crassus, en 56 avant J.-C. Rallié aux Romains, le chef sotiate reçut le titre de Rex. Il ne se serait rendu au lieutenant de César qu'après la capitulation de Sos, capitale de son peuple. Drachme « au cheval » (Ar 2,75 g, Ø 17 mm, 8h) A/ Anépigraphe Tête disloquée à gauche, formée de grosses virgules juxtaposées. R/ Anépigraphe Restes de cheval passant à gauche, marqué par deux gros globules, élément décoratif sous le poitrail et déformation de l’oiseau au-dessus du dos. LT 3587 – Saves 512** - Sch/ SM 136 – Sch/L 80 – Z 121125 – CMC 3/ 11.1.4 Jolie drachme bien centrée. Droit agréable, bien venu. Revers un peu plus usé et à la frappe un peu molle. Patine grise. TTB+/TB+ 250€/400€ Simone Scheers (Lyon) donne ces drachmes aux Sotiates, op. cit. p.57. Se rencontrant fréquemment dans le Gers, elles étaient précédemment attribuées aux Élusates. L’auteur, d’après la bibliographie récente et l’étude des trésors et des découvertes, restitue ce monnayage à l’oppidum de Sos. Ces monnaies pourraient bien constituer un jalon chronologique ancien du monnayage aquitain. Ce type, originaire de la région d’Éauze, se rencontre dans les trésors de Manciet (1846) et de Castelnau-sur-l’Auvignon (1881) qui contenaient peut-être deux mille monnaies dont un certain nombre de drachmes élusates. Grâce aux dernières découvertes de Villaronga, signalées par J.-C. Richard dans le BSFN. de février 2002, l’énigmatique symbole au-dessus du cheval du revers peut désormais être interprété comme étant une déformation stylisée de l’oiseau présent sur les «premières monnaies élusates lourdes». Pour leur composition, Taillebois indique un titre d’argent variant de 65 à 78%, tandis que Blanchet indique un poids entre 2,30 et 3,45 grammes (pour le trésor de Laujuzan). Il n’y a pas de variété bien marquée de cette monnaie, si ce n’est sa métrologie. Dans Moneta 28, les monnaies de ce type sont partagées en trois séries, n° 296-298, selon leur métrologie ; les auteurs précisent que « les prototypes en sont apparus en même temps que les imitations des monnaies d’Ampurias et de Rhoda, au cours du troisième siècle avant J.-C. Les premières émissions semblent avoir été taillées à 4,80 g environ. Ces séries sont suivies par des émissions peut-être alignées sur une taille à c. 3,5 g, datable de c. 200-118 avant J.-C. Enfin la frappe se poursuit avec une taille à c. 3,00 g, c. 118-110 avant J.-C. » cf. Moneta 28, pages 234-238. Avec cette drachme, vous découvrez tout ce qui peut se dire sur ce type monétaire sans en avoir épuisé ni la bibliographie, ni la richesse iconographique. Nous pensons qu’après la lecture de cet article, vous ne pourrez plus jamais regarder une drachme de ce type qu’elle soit Élusates ou Sotiates de la même manière, et que peut-être, celle-ci vous donnera envie de vous attacher à l’étude de ce monnayage, aujourd’hui si bien documenté, mais qui reste néanmoins énigmatique et conserve encore une partie de sa magie et de ses secrets. Viviane BÉCLIN et Laurent SCHMITT UN STATÈRE ÉLUSATES À L’ÉPREUVE DU CMC 3

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