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Bulletin Numismatique n°231 44 LES POINTS DE DIVERGENCES Ils sont nombreux ! Le premier, et le plus spectaculaire probablement, réside dans l’affirmation du souverain. Le régime était réduit à sa couronne en 1831, le voilà de retour, dans une forme véritablement régalienne avec l’emploi de l’avers, conçu par Domard et réservé au module de 5 francs, dans sa deuxième retouche – visible au ruban dont la forme et l’emplacement sont différents par rapport à la première version brièvement mise en production en 1831. Avec ces 37 mm de diamètre, on peut considérer que nous ne sommes pas très loin d’une médaille-monnaie, car son poids est assez proche d’une pièce d’argent, de 25 g. Sur une vingtaine de modèles repérés (dont 16 dans les archives de CGB), le poids moyen s’établit à 24,26 g, avec des écarts réduits, de l’ordre de 3% au maximum. Cela ne paraît pas franchement commun. A titre de comparaison, on connaît d’autres médailles commémoratives au module de 5 francs, pour LouisPhilippe. Pour la visite de la Monnaie de Rouen, en 1831 le poids moyen pour la frappe en cuivre s’établit légèrement en dessous de 21g1. Le soin particulier apporté à la frappe mérite d’être souligné : il n’y a pas d’exemplaire identifié avec une cassure de coin, ni à l’avers ni au revers. Tous ces éléments permettent de faire l’hypothèse d’une véritable démonstration de force de l’État, qui s’impose à travers cette médaille, et de manière particulièrement tranchante au regard du modèle précédent… Il est clair que le contrôle de la qualité de la production a été d’un tout autre niveau, ou bien que les standards assignés à la fabrication étaient plus contraignants. A la suite de Jean-Louis Guihard et Gildas Salaün, il nous paraît certain que la frappe a été assurée par l’atelier monétaire nantais, car on imagine mal un coin officiel de 5 francs confié à un entrepreneur privé2. C’est probablement une inflexion majeure par rapport au précédent de 1831. Néanmoins, un petit bémol doit être apporté quant au parfait achèvement de ce projet. En effet, l’examen comparatif de l’avers et du revers fait clairement ressortir l’aspect hybride de la médaille, car le grènetis côté face est totalement absent côté pile, ce qui donne un sentiment de manque d’homogénéité, et d’un assemblage de 2 projets distincts, réalisés par des artistes différents – dont on connaît évidemment l’identité pour l’un, Domard. Si l’on reprend la comparaison avec la médaille rouennaise, nous constatons que celle-ci est exempte de ce petit défaut, puisque les deux grènetis sont identiques. En tout état de cause, l’absence de cet élément nuit un peu à la vocation de « monnaie-médaille », car l’allure du revers penche définitivement vers la médaille. Il faut probablement y voir un changement de plan. Si l’artiste avait eu connaissance de la reprise du module de 5 francs pour l’avers, il aurait 1 Une trentaine d’exemplaires en argent et en cuivre sont accessibles dans les archives de CGB 2 34 GUIHARD J-L SALAÜN G, Un cas particulier : la médaille commémorative de juillet 1832, La nouvelle Monnaie de Nantes, lorsqu’on battait monnaie au muséum, hors série Armor Numis 2006, p,48. pu intégrer ce programme. Il n’est donc pas exclu que la forme définitive soit intervenue tardivement, ou plus certainement encore, qu’elle ait été modifiée juste avant la mise en production. L’hypothèse d’un coin « alternatif » d’avers peut être émise, mais elle mériterait d’être étayée3. Au revers, le dessin comporte donc en motif central la réunion de 5 drapeaux – manifestement tricolores, et surmontés d’un coq, au nom des départements du Grand Ouest : Maine et Loire, Vendée, Loire Inférieure, Morbihan et Ille et Vilaine. En première lecture, il est difficile de comprendre un tel virage symbolique. Il serait juste de considérer que l’on convoque les départements de l’ouest de manière quelque peu incongrue, alors même que juillet 1830 n’a pas grand-chose à voir avec les campagnes bretonnes, ligériennes, ou vendéennes. UN MESSAGE QUI SE VEUT DÉSORMAIS RÉGIONAL, ET PAS SEULEMENT NANTAIS La médaille poursuit, de fait, un nouvel objectif : il s’agit bien d’affirmer l’unité du pays, capable de mobiliser des troupes nombreuses, sous l’égide du roi représenté dans la forme la plus régalienne possible - car, à l’image des 2 médailles reproduites plus bas, il aurait été possible de choisir un autre portrait de Louis-Philippe que celui du module de 5 francs. Ce type de représentations foisonne en 1830 – 32, les modèles, souvent réussis, ne manquent pas. Les fêtes de 1832 sont, de fait, une réponse à l’agitation « chouanne » et légitimiste qui secoue l’Ouest depuis désormais plusieurs mois, presque depuis l’installation de LouisPhilippe sur le trône - nous y reviendrons un peu plus loin. Cet événement a donc une dimension aussi bien municipale que régionale. Pour s’en convaincre, il suffit de lire le discours prononcé par le président de la société royale académique, M. Dubochet, à la mairie, fin juillet 1832. Après avoir narré les journées de 1830, dressé les avantages et atouts du régime de Louis-Philippe, il s’adresse en ces termes aux « Vendéens » : « Vous, habitants de nos campagnes de l’Ouest, abjurez pour toujours les erreurs qui ont suscité des événements déplorables ; retirez toute confiance aux chefs qui vous ont poussés 3 J-L GUIHARD et G SALAÜN ont identifié dans les archives la confection de 2 coins. Ils supposent qu’il s’agit de 2 coins de revers, ce qui est une hypothèse sérieuse quand on considère les péripéties de la médaille de 1831. Il n’est malgré tout pas exclu que l’entreprise Charpentier, qui a été missionnée pour la confection de 2 coins pour une somme de 200 francs, ait prévu aussi un avers dont on a décidé de se passer, et de le remplacer par le coin de 5 francs. LES 3 GLORIEUSES À NANTES, LES MÉDAILLES ANNIVERSAIRES DE 1831 ET 1832 ENTRE COMMÉMORATION ET PROPAGANDE POLITIQUE- PARTIE 3

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