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Bulletin Numismatique n°230 45 Il s’agit évidemment du point après la date, 1831, et de son absence sur le second modèle. D’autres éléments changent légèrement, c’est le cas du F de fête nationale par exemple – à gauche, le haut du F est aligné sur la fin du R d’anniversaire, il est au milieu du R à droite. La date paraît aussi plus grosse dans la version de droite. Pour autant, elles sont peut-être moins signifiantes et faciles à repérer que ce point après 1831 – encore et toujours une variation que l’on retrouve parfois sur les 5 Francs Union et Force9. Nécessairement, des écarts aussi manifestes génèrent tout un lot de questions, qui requéraient le coup d’œil d’un expert reconnu. Jean-Luc Maréchal10 a bien voulu prêter son concours. Au premier abord, les différences paraissent si importantes et flagrantes qu’on peut se demander si 2 ateliers différents ne sont pas intervenus. Cela aboutit en tout cas à deux modèles à l’esthétique différente, le revers « une feuille » étant probablement plus équilibré et mieux réussi que l’autre. En tout état de cause, le ou les auteurs n’ont pas relevé un poinçon global d’une première matrice, ce qui n’est pas anormal pour une médaille dont la production est bien plus limitée qu’une monnaie. Ils ont posé directement des poinçons, mais n’ont pas repris les mêmes. C’est très visible pour la couronne, dont le profil diffère nettement. Pour les branchages de laurier et de chêne, ce sont des poinçons de feuilles séparées, mais qui n’ont pas été reposés à l’identique. Ce sont des éléments assez communs dans les « boîtes » des artisans graveurs. En revanche, et c’est une anomalie : les fruits du laurier sont issus d’un poinçon qui sert pour l’or en héraldique. C’est un élément qu’il faut économiser, et son utilisation doit être parcimonieuse. Le contraste est saisissant, de surcroît, car certains poinçons paraissent trahir un outillage un peu fatigué : on fait donc cohabiter des éléments de qualité et de standard opposés. En tout état de cause, le processus dans la phase de conception opérationnelle laisse quelque peu dubitatif. La question se pose, évidemment, de l’association entre ces 2 avers et 2 revers différents et des combinaisons. Sans être définitif dans la conclusion, car l’étude ne porte que sur une trentaine d’exemplaires, on trouve les répartitions suivantes – et qui d’emblée semblent disqualifier l’hypothèse de deux ateliers distincts, puisqu’on n’aurait pas ce type de schéma : 14 médailles « 2 feuilles » avec point 11 médailles « une feuille » avec point 9 médailles « une feuille » sans point 2 médailles « 2 feuilles » sans point Cette dernière variation pose question. Elle paraît de premier abord plutôt contradictoire avec l’hypothèse que nous proposons ici : il s’agit d’une fabrication qui démarre avec la première combinaison proposée, à savoir la « 2 feuilles » avec 9 Par exemple sur certains exemplaires an 7L, ou encore an 10 Q. ibidem page 197 et s. 10 Ancien maître graveur à la Monnaie de Paris. On lui doit, notamment, quelques bien jolies médailles, il est le « papa » de la 10 francs Génie de la Liberté (dernière monnaie gravée en taille directe avec la 20 Francs Mont St-Michel ; première pièce bimétallique en France). Pour un aperçu de son grand talent : https://10francsgenie.fr/ point. Puis on change le coin d’avers, et on continue avec le même revers, qui finit lui-même par être remplacé. Deux indices plaident en faveur de ce scénario. Il s’agit d’abord d’un élément constant, systématique sur les « 2 feuilles » : si l’on regarde à nouveau l’avers présenté supra, un trait au niveau du globe de la couronne est présent, et il semble avoir la même forme, ou presque sur l’ensemble des exemplaires repérés. Il s’agirait alors d’une cassure de coin, qui, chose étonnante, semble avoir relativement peu évolué tout au long de la production. La frappe aurait donc continué avec ce coin défectueux le temps de reproduire, sans doute à la hâte, un remplaçant. Mais les ennuis ont continué, car le revers « avec point » a commencé à se fissurer, et sans doute assez rapidement. On peut donner une idée de l’évolution avec la juxtaposition de ces 3 flans. Sur les 14 exemplaires « 2 feuilles / avec point », seuls 4 revers se présentent sans cassure. Évolution de la cassure, avec le premier exemplaire sans cassure, au milieu une cassure déjà bien formée, et à droite, le trait est bien net. À noter que les 2 premiers exemplaires sont à avers « 2 feuilles » et celui de droit est à avers « 1 feuille ». Là encore, il a fallu, sans doute assez rapidement, procéder à la production d’un second coin, cette fois sans point, qui semble lui aussi avoir donné quelques signes de fatigue, encore plus rapidement, puisque nous n’avons pas identifié de flan sans cassure. Le trait démarre juste après le D, une seconde marque court sous « juillet 1830 », jusqu’au bord du flan, avant de remonter vers la barre soulignant le millésime. Exemplaire « une feuille », avec la cassure de revers bien formée et visible Enfin, on voit apparaître, à la marge, 2 exemplaires « 2 feuilles /sans point », dont nous pensons qu’ils se situent en fin de production. La raison de ce placement chronologique est la cassure du revers, encore plus accentué – on peut identifier une cassure qui court sur l’autre partie du flan, partant de la barre sous le millésime jusqu’au R d’anniversaire, en traversant le premier E de fête. À ce stade, et avec un nombre d’exemplaires limité, il est difficile d’expliquer pourquoi la matrice d’avers initial aurait été ressortie – on peut présumer, néanmoins, que la matrice « une feuille » a « péri à la frappe », mais pour une raison que nous ignorons. LES 3 GLORIEUSES À NANTES, LES MÉDAILLES ANNIVERSAIRES DE 1831 ET 1832 ENTRE COMMÉMORATION ET PROPAGANDE POLITIQUE - PARTIE 2

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