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Bulletin Numismatique n°222 34 On sait que par l’édit donné à Chambord en septembre 1685, Louis XIV créa un système monétaire spécial à la Flandre devenue française et aux « Pays conquis » limitrophes. Ce système était composé de cinq espèces d’argent, de poids, de titres et de valeurs différents de ceux des espèces d’argent du royaume : 80 sols (au lieu de 60 pour l’espèce du royaume), 40 sols (au lieu de 30), 20 sols (au lieu de 15), 10 sols (sans équivalent dans le royaume) et 5 sols (comme dans le royaume, avec le même poids mais un titre moins élevé). La pièce de 80 sols fut rapidement appelée « écu de Flandre » et ses divisions « demi-écu », « quart d’écu », « huitième d’écu » et « seizième d’écu ». Ces monnaies spécifiques à la Flandre et aux « Pays conquis » furent démonétisées en France en 1709-1710. Toutefois, le roi d’Espagne Philippe V, petit-fils de Louis XIV, leur ayant donné cours dans les Pays-Bas espagnols en 1701, ces monnaies continuèrent d’être acceptées dans les Pays-Bas, devenus autrichiens en 1714, pendant tout le XVIIIe siècle. Elles furent alors appelées caramboles par les futurs Belges, terme repris par Salzade dans son Dictionnaire des monnaies de 1767 publié à Bruxelles en français1. Figure 1 Pourquoi n’y eut-il pas de monnaies d’or équivalentes, entre 1685 et 1689, période de la première émission des espèces d’argent avant que celles-ci ne soient réformées ? À la suite de Pierre Prieur, qui n’avait pas trouvé la réponse en 1948 dans son étude d’ensemble sur la création de l’atelier de Lille et la fabrication de ces espèces spéciales dites « caramboles », Jérôme Jambu a formulé une hypothèse intéressante en 2017 dans le BSFN de la Société française de numismatique. Cet auteur explique en particulier comment l’autorisation fut donnée le 5 juillet 1687 à la Monnaie de Lille de convertir des matières d’or reçues au change en louis d’or dits aujourd’hui « louis à la perruque » (Gadoury) ou encore « louis d’or à la perruque et aux huit L » (catalogue MDC juin 2022). Toutefois, on peut regretter que J. Jambu n’ait pas illustré son texte par une photographie de ce louis d’or extraordinaire de Lille alors qu’un exemplaire photographié se trouvait dans la prestigieuse collection Louis Théry, vendue en 1964 par J. Vinchon, l’intéressé ayant omis de consulter le catalogue de cette collection (n°388, Lille 1687, avec L couronné et la mention « atelier extrêmement rare ») (fig.1). Apparemment, cette monnaie n’avait pas été revue depuis 1964 puisque J. Jambu ignorait son existence en 2017. C’est 1 « Pays conquis » ; Hainaut, Cambrésis, seigneurie de Tournai, villes d’Artois, etc. Voir Chr. CHARLET, Le monnayage de Louis XIV spécifique à la Flandre française (1685-1705), catalogue raisonné des espèces frappées, Revue du Nord, 406, juillet-septembre 2014, pp.527-572. pourquoi l’apparition d’un nouvel exemplaire Lille 1687 avec L couronné est un événement majeur qu’il convient de signaler. En 2019, fut découvert en Bretagne à Plozévet2 dans le Finistère (29) un trésor comprenant un certain nombre de louis d’or de Louis XIV dits « à la perruque » (émission de 1685-1689) et « à l’écu » (émission de 1690-1693, première réformation). Plusieurs de ces monnaies sont ensuite parvenues à Monaco pour figurer dans la vente aux enchères de prestige de la Maison MDC les 3 et 4 juin 2022, no465, 467468, 470 à 474, 477 à 491, 494. Dans cette liste figurait sous le n°474 le louis d’or 1687 Lille, différent L couronné, précité (fig.2). Figure 2 Cette pièce, presque FDC, dans son état de fabrication, sans aucune trace de circulation, est plus belle que l’exemplaire Théry signalé plus haut. Estimée à 7 000€, elle a été acquise au prix de 7 000€ (+ frais) par un numismate professionnel parisien. Elle pèse 6,72g et mesure 23 mm. Elle est gradée MS63 par NGC. Le trésor de Plozévet avait fait l’objet d’une vente en province après sa découverte sans qu’il y ait eu à ma connaissance une autre publication3. Grâce à la vente MDC à Monaco, on peut à présent comparer les deux exemplaires connus, Théry 1964 et MDC Monaco 2022, de cette monnaie exceptionnelle dont J. Jambu a retracé la genèse en 2017. Christian CHARLET BIBLIOGRAPHIE Pierre PRIEUR, La fabrication des écus caramboles et la Monnaie de Lille sous le règne de Louis XIV, Revue numismatique, 1947-1948, pp.57-117. Jérôme JAMBU, Pourquoi le louis d’or « de Flandre » n’a pas été créé, Bulletin de la Société française de numismatique (BSFN), avril 2017 n°72/04, pp.114-118. GADOURY (blanc) 2018 n°249 Collection Louis Théry, vente aux enchères Jean Vinchon, 21-22 avril 1964, n°388 avec photo. Vente aux enchères MDC à Monaco, 3-4 juin 2022, n°474. 2 Localité située à l’Ouest de Quimper, à l’extrémité de la Bretagne, entre Quimper et la pointe du Raz. Le nom de Plozévet est écrit par erreur Plovezet dans le catalogue, la commune de Plovezet n’existant pas. Outre les louis dits « à la perruque » et dits « à l’écu », un double louis dit « à l’écu », deux louis dits « à la tête nue 1668 et 1671 » ainsi qu’un louis dit « à la mèche longue » 1650 Limoges figuraient dans le catalogue MDC. 3 Vente Deloys n°105 du 29 septembre 2021. UN EXTRAORDINAIRE LOUIS D’OR 1687 DE LOUIS XIV, FRAPPÉ À LILLE, RETROUVÉ ET VENDU RÉCEMMENT À MONACO

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