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Bulletin Numismatique n°200 23 mentaires. De Saulcy a sans doute ici travaillé trop vite alors qu’il avait accès aux archives ducales : A. Dieudonné lui re- proche parfois, respectueusement à l’égard du savant éminent qu’il fut, un excès de précipitation. D. Flon a sans doute cédé à la facilité en suivant de Saulcy. A-t-il lu le texte de l’édit du 9 août qu’il publia ? On peut se le demander. Et pourquoi écarte-t-il sans motif l’excellente correction apportée par Jacques Lhéritier dans la RN de 1933 (p. 210-219) ? En la circonstance, le saint-cyrien se montre mieux inspiré que le polytechnicien académicien et l’économiste nancéen. Mais alors, à quel moment est frappée la pièce de lorraine de XXX deniers aux deux L droits, qui comme les deux précé- dentes (30 et 15 deniers) aux deux L cursifs, ne montre pas de millésime ? Nous allons le savoir, l’étude des documents d’ar- chives venant suppléer cette absence de millésime. Dès l’automne 1710, ces deux pièces lorraines non millési- mées créent, en addition aux testons de Léopold I er frappés à Nancy, des désordres monétaires importants dans les Trois- Évêchés ainsi que dans les provinces françaises voisines de la Lorraine ducale : Champagne, Alsace, Franche-Comté. Les intendants s’en plaignent par écrit auprès du contrôleur géné- ral Desmaretz. Le 1 er avril 1711, ce n’est pas un « poisson d’avril », l’intendant des Trois-Évêchés à Metz, de Saint- Contest, écrit à Desmaretz une longue lettre de récrimina- tions (Boislisle 1897, t. III, n° 368, p. 1023-1024). Après avoir décrit les préjudices causés par la circulation des pièces lorraines dans les Trois-Évêchés, il demande la fabrication d’une pièce française de 15 deniers pour contrecarrer les effets négatifs de l’espèce lorraine semblable créée en août 1710 comme on l’a vu plus haut. Le 5 mai 1711, un arrêt du Conseil du Roy rendu à Marly, ordonne la continuation de la fabrication des pièces françaises de XXX deniers dans les ateliers de Lyon et de Metz. Contrai- rement aux écrits de Jean Lafaurie, Edgar Wendling et F. Droulers, trompés par une confusion figurant dans les états des chiffres de fabrication, cet arrêt ne crée pas la pièce fran- çaise de XV deniers. Mais l’examen des travaux préparatoires à la rédaction de cet arrêt (dossier conservé aux Archives na- tionales) montre qu’à cette date du 5 mai Desmaretz et ses collaborateurs envisagent de créer une pièce de XV deniers de billon sur le modèle de celle de XXX deniers créée en sep- tembre 1709. Le 19 mai, lorsque le Conseil accorde au trai- tant Claude Frigault un résultat concernant la continuation de la fabrication des pièces de XXX deniers, aucune mention concernant les pièces de XV deniers ne figure dans ce résul- tat : la décision n’est pas encore prise. Mais le 23 mai 1711, d’Audiffret, envoyé spécial de Louis XIV en Lorraine, la ville de Nancy étant occupée par les troupes françaises depuis 1702, avertit Desmaretz que le Conseil des Finances lorrain vient de décider la création confidentielle de nouvelles pièces de XXX deniers, « entièrement semblables aux nôtres hors qu’au lieu de fleurs de lys, il y aura de fort petites croix de Lorraine ». Cette description est exactement celle de la pièce de XXX deniers aux deux L droits (fig. 4). Desmaretz réagit immédiatement, avant la fin du mois de mai, sur deux plans. D’une part, il écrit aux quatre intendants précités en leur ordonnant d’arrêter l’introduction des espèces ducales dans leurs provinces respectives. D’autre part, il fait signer d’urgence par le roi, dans les derniers jours de mai, un édit peu connu créant la pièce de XV deniers. Ce texte, dont le colonel Lhéritier, alors débutant en numismatique, avait découvert l’existence en 1928 sans en saisir la portée, était resté inédit jusqu’à ce que je le publie en 2014 avec le concours de Ludovic Trommenschlager : il avait échappé à J. Lafaurie, E. Wendling et F. Droulers ! (cf. BSFN , septembre 2014, p. 221-228). Sans attendre l’enregistrement de cet édit qui sera effectué le 15 juin par le Parlement de Metz, sans aucun enregistrement à Paris d’où l’ignorance des numismates précités, Desmaretz donne l’ordre dès le 7 juin à l’intendant de Metz de faire frap- per la pièce française nouvelle de XV deniers (fig. 5). Celle-ci n’aura cours que dans les Trois-Évêchés et la Sarre et jamais au Canada, contrairement à une affirmation de Victor Guillot- teau écrite en 1942 dans son V.G. des Monnaies françaises et recopiée par certains auteurs. La quantité à frapper sera préle- vée sur le quota messin des pièces de XXX deniers. Le 14 juin, l’intendant de Metz confirme les propos de Audiffret concer- nant la nouvelle pièce de Lorraine de XXX deniers. Selon les états de fabrication, c’est le 21 août 1711 qu’aurait débuté la frappe des pièces messines de XV deniers. Suite à cette contre-attaque royale, Léopold I er ne créera pas de pièce de XV sols aux deux L droits pour accompagner sa nouvelle pièce de XXX deniers. Sans doute au courant du projet de création de la pièce française de XV deniers, par es- pionnage à la Cour de France tout comme il était espionné à Nancy et Lunéville par d’Audiffret, il décide, par un arrêt du 25 mai 1711 de son Conseil des Finances, postérieur de deux jours à la lettre d’Audiffret du 23, de reprendre la fabrication LES DIFFICILES RELATIONS MONÉTAIRES FRANCO-LORRAINES À LA FIN DU RÈGNE DE LOUIS XIV (ANNÉES 1700-1715) Fig.4 - mai 1711 Fig.3 - 9 août 1710

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