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Bulletin Numismatique n°229 44 Si le soleil et le beau temps sont, le plus souvent, de rigueur à Monaco, que dire de la numismatique sinon que son succès et son rayonnement croissant apporte un plus à cette image. Car la numismatique est devenue en Principauté une activité culturelle de haut niveau, en même temps qu’économique, qui apporte à ce micro-pays, cette ville-état de 38 000 habitants concentrés sur 200 ha (2 Km2) une touche supplémentaire d’excellence. Monaco veut être le pays de l’excellence en de nombreux domaines. La numismatique est un de ceux-là : d’où son caractère privilégié en Principauté. Avant la Révolution française, les princes Honoré II (16041662) et Jacques Ier (1731-1733) avaient été numismates et collectionneurs de monnaies comme l’ont rappelé les Annales monégasques, la Revue d’histoire de la Principauté éditée par les Archives du Palais princier (n°6, année 1982, pp.121141). En 1885, bien secondé par son collaborateur numismate Charles Jolivot, le prince Charles III (1856-1889) avait présenté à l’Exposition universelle d’Anvers une série de monnaies monégasques qui constituait alors la collection princière. L’annuaire de Monaco, publication officielle, avait alors fait connaître cet événement. Mais c’est le prince Rainier III, d’heureuse mémoire1, qui donna à la numismatique ses lettres de noblesse à Monaco à travers son formidable règne de 56 ans (1949-2005), dépassé en durée seulement par celui de la reine Elisabeth II d’Angleterre (70 ans), à laquelle des liens étroits l’unissaient en philatélie (fig.1). figure 1 Éminent philatéliste, Rainier III était également un excellent numismate. D’une part, il développa considérablement la collection princière de monnaies et il favorisa, à côté de celleci, une collection du gouvernement monégasque ; aujourd’hui les deux collections sont réunies, depuis plusieurs années, sous l’égide de la collection de S. A. S. le Prince de Monaco. D’autre part, profitant du rétablissement de la monnaie monégasque, fort habilement obtenu auprès de la France par son grand-père et prédécesseur le prince Louis II en 1943-19452, il développa dès son avènement les émissions monétaires. Réussissant petit à petit à grignoter les vestiges de comportements coloniaux à l’égard de son pays3, il réussit à obtenir un 1 Le centenaire de sa naissance doit être fêté avec éclat l’an prochain 2023 sous l’égide du Comité d’organisation présidé par la princesse Stéphanie de Monaco, sa fille cadette. 2 Voir Christian et Jean-Louis Charlet, Les monnaies des princes souverains de Monaco, préface du prince Rainier III, Monaco 1997. 3 Le prince Rainier III fut constamment soutenu dans ses efforts par le président de la République française François Mitterrand, profondément alignement des émissions monétaires monégasques sur les émissions françaises à partir de 1959. Cette politique de prudente et pacifique «décolonisation», à petit pas, dans le domaine monétaire, a finalement porté ses fruits. Bénéficiaire d’eaux territoriales en 1986, admise à l’ONU comme état indépendant et souverain en 1993 puis au Conseil de l’Europe en 2004, la Principauté de Monaco a contracté de nouveau rapports avec la France en 2002 et 2005, par un nouveau traité et une nouvelle convention de coopération administrative qui ont remplacé les textes «coloniaux» imposés en 1918 et en 1930. Sur le plan monétaire, la Principauté fut admise dans la Zone Euro dite Euroland dès la création de celle-ci en 2002. En 2011, elle a recouvré totalement son indépendance par la fixation d’un quota annuel propre de fabrication des euros monégasques. La principauté bénéficiait ainsi du même régime que tous les autres états de la Zone Euro, y compris la République de Saint-Marin, alors que, depuis la Libération de 1945, la quantité annuellement frappée de monnaies monégasque était limitée à un pourcentage de la production française (quota français dans la Zone Euro depuis 2002). Ce pourcentage avait été défini dans les années 1945-1950 en application des textes ci-dessus critiquables de 1918 et de 1930. Mais le plus beau geste de Rainier III en faveur de la numismatique fut naturellement, en décembre 1995, avec ouverture au public en janvier 1996, du très beau musée des Timbres et des Monnaies. Construit sur les Terrasses de Fontvieille, il jouxte le Jardin animalier, le Musée de la Collection de Voituresde S. A. S. le prince de Monaco, ainsi que l’Espace Léo Ferré4 (anciennement Salle du Canton) qui est la plus grande salle municipale d’accueil de la Principauté. Ce petit musée (600 m2 environ), qui est à la dimension de Monaco (200 ha, 38 000 habitants, près de 60 000 emplois) est de très haute qualité. Cette caractéristique lui a permis d’obtenir, pour ses expositions numismatiques de prestige (2008, 2011, 2012, 2015, 2020), des exceptionnels concours et prêts du Cabinet des médailles de la BnF, du Kunsthistorisches Museum de Vienne (Autriche, ancienne collection impériale), de la Monnaie de Paris, des Cabinets des Médailles de Marseille et de Lyon, de la Bibliothèque-Musée de Carpentras, de grands collectionneurs privés, etc. Les visiteurs ont pu ainsi admirer, entre autres, des décadrachmes de Syracuse (Evainète et Kimon), les multiples d’or de Louis XIII dits « 10 louis », la 500F or 1935 de Louis II frappée à 2 exemplaires pour le mécène Carlos de Beistegui, la Bulle monacophile, qui avait, en qualité de Garde des Sceaux, représenté la France au mariage princier de 1956. L’artisan du traité de 2002, véritable testament politique de F. Mitterrand en faveur de la Principauté, fut Hubert Védrine, secondé par Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius pour les questions concernant l’Euro. Hubert Védrine a présidé en mars 2022 le Colloque international sur la Méditerranée organisé au Musée Océanographique de Monaco. 4 Léo Ferré (1915-1999), artiste, chanteur et compositeur, né et enterré à Monaco, est la seconde gloire culturelle de Monaco après le célèbre sculpteur Bosio (1768-1845). Outre cette ancienne «salle du canton», une place de Monaco porte son nom et elle est ornée de sa statue en buste. Léo Ferré resta toujours fidèle à la Principauté malgré sa carrière internationale. UNE NOUVELLE FOIS LA NUMISMATIQUE TRIOMPHE ET RAYONNE À MONACO

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