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Bulletin Numismatique n°229 39 LES 3 GLORIEUSES À NANTES, LES MÉDAILLES ANNIVERSAIRES DE 1831 ET 1832 ENTRE COMMÉMORATION ET PROPAGANDE POLITIQUE - PARTIE 1 ger les personnes et les propriétés et non dans celui d’organiser la résistance aux ordres du gouvernement ». Le Maire refuse cette délégation. Les manifestants se réunissent place Graslin, où une rumeur se répand, laissant supposer que deux cents cuirassiers arrivent pour renforcer les garnisons du général Despinois. Un petit groupe se forme sous l’impulsion du médecin Ange Marie François Guépin4. Ce dernier ordonne de couper une des arches du Pont de Pirmil, afin d’empêcher les hypothétiques troupes armées venant de Fontenay, de gagner la ville. Cet acte exécuté en à peine 35 minutes, est suivi par l’élévation de multiples barricades à divers endroits de Nantes, ainsi que par l’occupation des rues principales et des autres ponts nantais. On décide également de ramener les bateaux sur la rive droite du bras de la Loire, toujours avec l’intention d’empêcher les forces armées d’atteindre la ville. L’insurrection gagne rapidement toute la ville. Des groupes armés sillonnent les rues et la place de la Bourse devient le quartier général des émeutiers. Certains décident de se rendre à la prison du Bouffay pour délivrer leurs camarades. Le général Despinois transfère alors les prisonniers au Château qui lui semble plus sûr. Le soir, 150 insurgés environ se dirigent place Louis XVI, devant l’Hôtel-d’Aux, où sont retirés le maire, le préfet et le général Despinois. Les manifestants hissent leurs bonnets au sommet de leurs baïonnettes. Ils se retrouvent face à un piquet de gendarmerie à cheval ainsi qu’à un détachement de 125 soldats du 10e régiment. C’est alors que soudainement, un coup de feu se fait entendre, suivi d’une seconde détonation, déclenchant aussitôt les tirs des forces armées. Chaque camp s’imaginant être attaqué par l’adversaire, l’affrontement tourne immédiatement à la fusillade générale. On totalise du côté des soldats, 6 tués et 18 blessés et du côté des civils, 4 tués et 45 blessés dont 6 succombent quelques jours plus tard. Ce drame a pour effet d’augmenter la colère du peuple, qui décide d’occuper la ville entière, et ses différents postes de police. Le général Despinois relâche alors les prisonniers du 29 juillet, et ordonne le repli des troupes dans les casernes. 31 juillet : le retour au calme Le samedi 31 juillet 1830 est un jour de deuil à Nantes, le recueillement et la tristesse des citoyens offrant un contraste saisissant avec leur ardeur de la veille. La population découvre placardées dans la ville des affiches annonçant les décisions et les mesures prises durant la nuit par les membres du Tribunal et de la Chambre de Commerce, qui se sont substitués aux autorités de la ville : « Les Membres du Tribunal et de la Chambre de Commerce à leurs concitoyens. Les circonstances se présentent de plus en plus graves. C’est pour les habitants de Nantes une nécessité 4 Ange Guépin (1805-1873) est un médecin (1er ophtalmologue à Nantes), écrivain, homme politique français républicain et socialiste. Il s’implique particulièrement dans les révolutions de 1830, 1848. Il occupe des positions officielles (conseiller municipal, conseiller général). Il est imprégné du féminisme (il défend l’accès des femmes à l’éducation) et montre un souci constant pour l’amélioration des conditions de vie des plus précaires (projet de banques départementales de bienfaisance, fondation de société de secours mutuel, etc.) d’autant plus urgente de maintenir les mesures prises, pour garantir la paix et la tranquillité de notre ville. Attendons avec calme que les évènements se développent, ce n’est pas à Nantes, ville isolée à l’extrémité de l’ouest de la France, qu’il convient de prendre l’initiative. Nantes, ville populeuse et commerçante, a pour premier besoin celui d’être tranquille et paisible. Les membres du Tribunal et de la Chambre de Commerce prient avec instance tous les habitants de se conformer aux mesures qu’ils adoptent dans l’intérêt de tous, de n’arborer aucun signe qui pût être une occasion de trouble ; de ne proférer aucun cri qui exaspérât les passions et compromît la tranquillité que nous avons tous juré de maintenir. Nantes le 1er août 1830, deux heures de l’après-midi. » Ils décident également de reconstituer la garde nationale afin d’assurer le bon ordre et la tranquillité de la ville. On invite alors tout homme sachant se servir d’une arme à venir constituer une garde urbaine pour veiller à la sécurité publique. Dès 9h du matin, la foule ayant pris connaissance de cette demande, envahit la place de la Bourse. Le 1er août, on apprend par l’intermédiaire des journaux, que Paris a gagné la Révolution et qu’un gouvernement provisoire a été mis en place. Charles X abdique le 2 août avant de fuir la France pour se retirer en Écosse Dix hommes ont péri au cours de la fusillade du 30 juillet : Auguste Chauvet, Jean-Marie Dolbeau, Agnan Julien Barnabé Lasnier, Mathurin Aristide Potin, Maurice Racineux, Jean Rezeau, Napoléon Rigaud, Émile Camin, Pierre Samuel Voruz, Hubert Robert. Bien que venant de milieux différents et occupant des professions différentes, la plupart venaient toutefois d’un milieu ouvrier, comme la très grande majorité des manifestants ayant pris part à l’insurrection. SE MOBILISER À LA MÉMOIRE DES VICTIMES Louis-Hyacinthe Levesque, le maire de Nantes, ayant choisi de s’éclipser, c’est Philippe-René Soubzmain (1770-1843) qui le remplaça à la tête de la municipalité nantaise, dirigeant la Commission qui administrait alors la ville. Il fut élu maire le 13 août 1830, mais ne resta à l’Hôtel de ville que jusqu’en 1831, avant de devenir vice-président de la Chambre de Commerce de 1837 à 1838. Les choses rentrèrent peu à peu dans l’ordre, comme en témoigna la réouverture des portes du théâtre, ainsi que la prise en main de la Garde Nationale par le vieux commandant Dumoutier lequel pourtant à la retraite, avait été sollicité par une députation de citoyens. Afin d’aider les victimes de cet épisode dramatique de la ville de Nantes, deux souscriptions furent lancées quelques jours plus tard : la première en faveur des blessés, des veuves et des enfants de ceux qui avaient péri la veille et la seconde pour l’élévation d’un « monument expiatoire qui rappelle aux générations futures les noms des braves défenseurs de nos libertés ». Plusieurs personnalités furent à l’initiative de ce projet

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