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Bulletin Numismatique n°229 38 Il est fréquent de présenter les mouvements révolutionnaires qui ont émaillé l’histoire de France tout au long du 19e siècle, principalement, sinon uniquement, sous l’angle des événements qui se sont produits à Paris. Il est incontestable que ceux-ci sont déterminants, et qu’ils ont façonné le destin du pays. Néanmoins, ces périodes de contestation se sont propagées en Province, et parfois avec des résultats sanglants1. À Nantes, les 3 glorieuses de juillet 1830 en sont un exemple poignant, et les médailles présentées ici en constituent un témoignage parlant, avec 2 types très différents, produits en 1831 et 1832. Le changement radical entre ces deux années mérite une mise en perspective historique, et un essai visant à éclairer la symbolique de ces deux modules, avec, en toile de fond, la déclinaison locale des 3 glorieuses en 1830 puis la dernière des guerres de Vendée. Par ailleurs, l’examen approfondi d’une petite quarantaine d’exemplaires de la version de 1831 conduit à proposer une classification, car des variations assez manifestes d’avers et de revers sont identifiables. LES 3 GLORIEUSES À NANTES, DU 29 AU 31 JUILLET 1830 Tout d’abord, il est essentiel de souligner qu’en dehors de Paris, Nantes est la seule ville endeuillée par des décès à l’issue d’affrontements entre l’armée et les manifestants. On 1 Dans un article intitulé, Croix et médailles de Juillet décernées dans les départements, paru dans La Révolution de 1848 et les révolutions du XIXe siècle, Tome 15, Numéro 76, Juin-juillet-août 1918 pp 60-75, Gabriel Vauthier relève malgré tout le rôle limité des révolutionnaires en province. On peut ainsi lire en p.74 : « S’armant du texte de la loi qui exigeait qu’on eût pris une part active à la Révolution, le gouvernement n’accorda pour les départements que 35 croix et 57 médailles ». Sur le plan quantitatif, notamment, il existe d’autres sources, mais l’ensemble pointe vers une implication plutôt circonscrite de la province, en dehors de Nantes. déplore 10 morts2, une quarantaine de blessés dont 8 ne se remirent jamais totalement de leurs blessures, au cours de la journée paroxysmique du 30 juillet 1830, alors que les combats sont terminés à Paris depuis la veille. Les sites web de Patrimonia Nantes et des archives de la Ville de Nantes nous restituent la chronologie des événements de cette fin juillet3 : « 29 juillet : les premières arrestations à Nantes À l’époque, la presse provinciale ne publie les nouvelles venant de Paris que plusieurs jours après que les évènements ont eu lieu en raison de la lenteur des moyens de transport et des dispositifs d’imprimerie. Alors qu’à Paris, les premières manifestations se produisent dès le 27 juillet, Nantes ne prend connaissance des fameuses ordonnances que le 29 juillet au matin. Parmi les plus grands journaux nantais de l’époque, on retrouve le quotidien libéral L’Ami de la Charte, fondé en 1819 par l’imprimeur Victor Mangin, Le Breton et le Journal de Nantes. La colère ne cesse de croître tout au long de la journée. Plusieurs groupes, composés principalement d’ouvriers et de jeunes bourgeois libéraux consternés par les nouvelles lois, se réunissent spontanément vers 18h, devant les portes du Théâtre de la ville, place de la Comédie, afin d’exprimer leur mécontentement. On entend alors crier « À bas Charles X, vive la Liberté, vive la Charte ! ». Vers 21h, les autorités demandent aux forces armées, déjà présentes sur les lieux, de prendre des mesures, et leur ordonnent de débarrasser la place de ces manifestants. Loin d’être intimidés, ces derniers se munissent de pierres et autres projectiles. Les forces armées procèdent à l’arrestation d’une quinzaine de personnes, parmi lesquelles on put compter deux serruriers, deux boulangers, un capitaine, deux commis-négociants, un horloger, un tonnelier, deux menuisiers, un poêlier, un tailleur, un scieur de long, un tailleur de pierre, et un terrassier. 30 juillet : l’insurrection gagne toute la ville Le lendemain matin, dès l’aube, impatients d’apprendre les évènements qui se déroulent à Paris, de nombreux groupes se réunissent rue Bertrand de Molleville (aujourd’hui rue Santeuil) où se trouvent les bureaux de poste. Un voyageur du nom de Gonnet les informe qu’une lutte violente s’est engagée à Paris entre les insurgés et les forces armées. Cette nouvelle a pour effet immédiat de galvaniser les ardeurs révolutionnaires de la foule. Une délégation se rend à la mairie et somme le maire LouisHyacinthe Lévesque de faire libérer les prisonniers de la veille, et de rétablir la garde nationale « dans le but unique de proté2 Il conviendrait d’y ajouter les 6 militaires décédés et 18 blessés, mais qui ne semblent pas comptabilisés, par qui que ce soit… 3 En dehors d’articles de presse, plusieurs sources directes offrent des récits qui se recoupent presque exactement : deux textes nous proviennent d’Ange Guépin, rédigés en 1831 et 1832. Le discours prononcé par J.-A. Dubochet, président de la société royale académique à l’hôtel de ville de Nantes en 1832 comporte une première partie qui égrène les événements. Ce texte est exploité ultérieurement. Enfin, un ouvrage très postérieur aux événements donne un écho intéressant à ces journées cruciales et des commémorations qui ont suivi, en particulier en 1831 : souvenir d’un vieux nantais, 1808-1888, par Léon Brunschvicg (ou Brunschwicg sur le texte original, trouvé sur Gallica). LES 3 GLORIEUSES À NANTES, LES MÉDAILLES ANNIVERSAIRES DE 1831 ET 1832 ENTRE COMMÉMORATION ET PROPAGANDE POLITIQUE- PARTIE 1

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