Bulletin Numismatique n°258 34 Quand on est confronté à ce type de monnayage, la première question qui se pose est : est-on face à un monnayage continental ou bien insulaire ? Si au premier abord, ce monnayage présente un lien de parenté avec la série 44 pour les quarts de statères dits « au petit serpent cornu » attestés dans la Somme (Liercourt, Digeon ou Morvillers-Saint-Saturnin) dont les poids sont assez lourds, autour de 1,40 g, dans un second temps, il nous faut nous tourner vers l’île de Bretagne (la Grande-Bretagne) actuelle pour trouver des types similaires. En revanche, les quarts de statère « Early Uninscribed QC Gold » sont en général beaucoup plus légers avec une masse comprise entre 1,31 g et 0,80 g pour les seize exemplaires conservés au British Museum. Notre exemplaire avec une masse de 1,34 g serait donc un représentant lourd de cette série. Souvent les exemplaires ont été rognés et se trouvent sur de petits flans, comme ceux reproduits sur les planches du catalogue du British Museum (BIAC, pl. 20-21, n° 503-518) qui se subdivisent en deux catégories en fonction de petites différences dans la représentation du droit (BIAC 503-508 et 509-518). Notre exemplaire est très proche du n° 505, pl. 20. Il présente un taux de 60 % d’or. Dans l’ouvrage de Chris Rudd (ABC, p.48, n° 512, ce type est bien attribué aux « Regini et Atrebates, pour la partie la plus ancienne, anépigraphe, où cet auteur indique que les exemplaires se rencontrent dans le West Sussex et dans le nord du Hampshire. Dans ce cas précis, ils seraient plus représentatifs des Regini (Regni) que des Atrebates. Notre type précisément correspond au type de Bognor Cogwheel (ABC 512). BRETAGNE - ATREBATES ET REGNI (Ier SIÈCLE AVANT J.-C.) (Région du sud de l’Angleterre) Une partie des Atrébates émigrèrent depuis le Continent et vinrent s’installer en Bretagne au IIe siècle avant J.-C. Avec les Regni, ils formèrent un ensemble politico-économique. Ils occupaient les territoires placés au sud de la Tamise dans les comtés de Hampshire, du Sussex et du Berkshire. Ils furent les premiers à frapper monnaie dans l’île. En 57 avant J.-C., Commios, roi des Atrébates continentaux, fut envoyé en Bretagne par César afin de préparer l’invasion de l’île de Bretagne. Finalement, Commios finit par devenir roi des Atrébates insulaires à la fin de la guerre des Gaules. Quart de statère d’or au serpent cornu, c. 60-40 avant J.-C. (Or, 1,34 g, 15 mm, 10 h) A/ Anépigraphe Tête désarticulée à droite, dont on ne voit que les lauriers, les mèches de cheveux et la base du cou ; grènetis. R/ Anépigraphe Cheval à droite ; une roue crantée entre les jambes et des annelets pointés dans le champ. DT cf. 332-333 var. – MAC 63 – VA – BIAC 503-508 & 509-518 – ABC 512 Superbe quart bien venu à la frappe. Flan voilé. Patine de collection. Très rare. SUP 1 450€/ 2 500€ Cette intéressante monnaie est étrangement proche des monnaies de la série dite « au serpent cornu » dont une douzaine de quarts seraient connus ; les provenances seraient localisées dans l’Aisne et principalement la Somme. Pour ce type précis, nous aurions plutôt affaire à une monnaie bretonne frappée par les Atrébates. Pour la série au serpent dont l’avers se rapproche des monnaies atrébates des séries VA. 220-230, il existe différentes variétés selon le motif sous le cheval ; la var. 1 a une croisette et un annelet pointé, la var. 2 a une esse et la var. 3 a un annelet pointé. Bien qu’aucun statère avec ce serpent cornu ne soit connu, la ressemblance avec les statères suessions est frappante. Les provenances font dire à L.-P. Delestrée que cette série est “centrée sur le sanctuaire de Digeon (Somme). Elle semble due à un petit peuple anonyme au sud-ouest des Ambiani et à l’ouest des Bellovaci. (...) Cette série très localisée constitue, en Gaule continentale, les dérivés les plus tardifs du « statère biface » à flan court” (cf. Nouvel Atlas tome I, page 78). « Entre les deux mon cœur balance ». En effet ce type qui se trouve en Bretagne au moment de la guerre des Gaules (5851 avant J.-C.) se rencontre aussi sur le continent. Faut-il rappeler que par deux fois, Jules César (100-44 avant J.-C.) a mené des opérations en Bretagne et 55 et 54 avant J.-C., mais qu’il faudra attendre l’expédition de Claude (41-54) en 43 pour que la Bretagne soit agrégée à l’Empire romain et que cette conquête ne sera jamais complètement réalisée, laissant une partie du Pays de Galles et de l’Écosse aux mains de tribus insoumises. Notre quart de statère peut constituer un exemple de la future « Entente cordiale » entre les deux pays qui malgré le Channel (la Manche) ont toujours connu des échanges, et pas seulement économiques ! Viviane BÉCLIN & Laurent SCHMITT CONTINENTAL OU INSULAIRE : QUART DE STATÈRE DES ATRÉBATES & REGNI
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