Bulletin Numismatique n°256 16 OU COMMENT UN AUREUS DE TITUS POURRAIT COMMÉMORER AUSSI BIEN LA VICTOIRE SUR LA JUDÉE QUE CELLE SUR LES BRETONS REMPORTÉE PAR AGRICOLA ! Dans le dernier catalogue ROME 63 qui vient de paraître, série de catalogue qui fêtera son trentième anniversaire en décembre 95, en pleine page 63, sous le numéro brm_978006, la pièce antique la plus chère, actuellement proposée à la vente. Nous vous proposons de découvrir pourquoi et en quoi ce type d’aureus n’a peut-être pas livré l’ensemble de ses secrets. Derrière le trophée du revers et les captifs qui lui sont attachés pourrait bien se trouver une double vérité : la pièce pourrait commémorer une double victoire ou au contraire, ce type de revers ne commémore réellement qu’un événement que nous avons tendance à occulter, subjugué par ce qui reste le fait d’armes le plus exceptionnel de Titus, à savoir la prise de Jérusalem le 8 septembre 70 ! En réalité, lors du début du règne personnel de Titus, qui commence le 24 juin 79, au moment du décès de son père, Vespasien, au cours de la deuxième émission de l’atelier de Rome, qui débuterait après le 1er juillet 79, nous avons un premier type de trophée, associé à un unique captif placé à droite, agenouillé (RIC II²/ 200, n° 29-31, pl. 85, pour l’aureus et le denier. D. Hendin, Guide to Biblical Coins, ANS, New York, 2021, p. 412, n° 6609a). Le trophée est dressé, constitué d’un bouclier rond, d’une cuirasse, d’un casque, d’armes entrecroisées. Le captif est agenouillé, vêtu d’une longue tunique et semble nu-tête. Ce type est associé à la neuvième puissance tribunitienne prise le 1er juillet 79 à la quatorzième salutation impériale pour Titus, reçu dans la seconde moitié de l’année 79, après le 7 février et d’une dixneuvième pour Vespasien. Ce type se retrouve lors de la troisième émission personnelle de Titus, cette fois-ci associé à la quinzième salutation impériale sur laquelle nous allons revenir, associé avec le même revers (RIC II²/ 203, 48-50 = Hendin 6609b, toujours pour l’aureus et le denier). Quant à notre type avec l’adjonction d’une quinzième salutation impériale, les monnaies sont datées après le 8 septembre 79 (KT, p. 106 = CIL XVI, 24 ; AE 2004, 1259 & AE 2006, 1865). La neuvième puissance tribunitienne court du 1er juillet 79 au 30 juin 80. Titus a revêtu un huitième consulat qu’il a exercé du 1er au 13 janvier 80. Notre aureus a été frappé entre le 1er janvier et le 30 juin 80. Outre l’aureus et le denier avec la tête laurée de Titus à droite (O*) (RIC II²/ 206, 100 et 102, pl. 86), nous avons le même type de revers, mais avec la tête à gauche pour les deux dénominations (RIC 101, notre exemplaire et 103, le denier, pl. 86). Au revers nous trouvons une nouvelle représentation où le trophée dressé est constitué de boucliers oblongs, d’une cuirasse surmontée d’un casque ; le trophée est accosté cette fois-ci de deux captifs, assis dos à dos, la femme à gauche voilée et drapée ramenant son voile de sa main droite devant son visage, à droite du trophée l’homme est barbu, à demi-nu, vêtu de braies, les mains liées dans le dos. Tous deux sont dans l’attitude de la tristesse. En plus de cette première combinaison, les deux personnages peuvent se trouver intervertis. Cette variété est signalée pour le denier avec la tête de Titus à droite (RIC II²/ 206, 104, pl. 86) ou à gauche (RIC II²/ 206, 105, pl. 86). D. Hendin et de nombreux ouvrages et catalogues considèrent que ce type, frappé dans la première moitié de l’année 80, commémore la dixième année de la victoire sur les Juifs et la prise de Jérusalem le 8 septembre 70. Cependant une autre hypothèse peut être mise en avant, suggérée par les auteurs britanniques, comme D. Sear (RCV 2493) en particulier, qui y verraient plutôt la commémoration d’une victoire sur les Bretons, liée à la quinzième salutation impériale décernée à la fin de l’année précédente. Si l’attitude de la femme, n’est pas sans rappeler celle de la Judée (triste) des monnaies de Vespasien et de Titus, l’homme avec son habillement, le fait qu’il est barbu, nu jusqu’à la taille, le fait qu’il porte comme unique vêtement des braies, pourraient plutôt faire penser à un « barbare nordique », breton, scot ou picte, voire calédonien. Faut-il rappeler qu’Agricola, originaire de Forum Iulii = Fréjus (Cn. Iulius Agricola, 13 juin 40 – 23 août 93), bien connu par son gendre Pline le Jeune (58-120) qui lui a dédié un de ses ouvrages au titre éponyme en 98, a été légat d’Auguste propréteur de Bretagne de 78 à 85. Consul suffect en 77 avant son départ afin de prendre son commandement, il remporte de nombreuses victoires dans le Pays de Galles et le nord de l’Angleterre en poussant son entreprise jusqu’en Écosse. Désavoué par Domitien jaloux, successeur de Titus, il est remplacé et se retrouve exilé jusqu’à son décès. Avec notre pièce, nous avons deux possibilités tout aussi valides l’une que l’autre. La première placerait cet aureus dans la LA MONNAIE ANTIQUE LA PLUS CHÈRE SUR LA BOUTIQUE ROME DE CGB.FR
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