Bulletin Numismatique n°254 50 TABLE RONDE À L’INSTITUT NATIONAL DE L’HISTOIRE DE L’ART TABLE RONDE DU 28 MAI À L’INSTITUT NATIONAL DE L’HISTOIRE DE L’ART : PERCEPTION ET UTILISATION DE L’ART CHEZ LES ROSICRUCIENS, LES FRANCS-MAÇONS ET LES ILLUMINATI DANS L’EUROPE DES LUMIÈRES. À l’occasion de la réouverture du musée de la FrancMaçonnerie, le 14 décembre dernier, les doctorantes en Histoire de l’Art Lucille Calderini, Marine Roberton et Charlotte Rousset ont eu l’initiative d’organiser une table ronde en hommage aux différentes sociétés dites secrètes dans l’Europe des Lumières. Réunissant trois spécialistes issus de disciplines distinctes, architecture, numismatique et histoire culturelle, cette rencontre a décidé de prendre comme ligne directive la place de l’iconographie des symboles au sein des sociétés discrètes comme les Rosicruciens, les Francs-maçons ou encore les Illuminaten, et comment ces dernières ont usé de l’art de l’image et de l’objet pour construire leurs identités symboliques. La diversité des approches présentées par les intervenants a révélé une constante : l’importance capitale de l’iconographie, ou plus précisément de la représentation des idées, dans ces mouvements. Que ce soit par l’architecture, davantage connue grâce aux dessins, des Rosicruciens, la production codifiée des jetons maçonniques, ou encore la prolifération moderne des symboles apocryphes attribués aux Illuminatis, cette table ronde a montré que l’image n’est jamais neutre dans les sociétés ésotériques : elle est message, identité et mythe. Figure 1: Le Temple de la Rose-Croix, gravure du Speculum Sophicum Rhodostauroticum (Miroir de la sagesse des Rose-Croix) de Teophilus Schweighardt Constantiens (pseudonyme de Daniel Mögling), 1618 William Pesson, architecte, historien de l’architecture et membre du collectif Arcas, fut celui qui a ouvert la table ronde avec une réflexion passionnante sur les formes bâties ou en réalité, davantage rêvées des Rosicruciens. Contrairement à l’histoire classique de l’architecture, où un modèle bâti fait école et donne naissance à un style, l’architecture rosicrucienne ne découle pas d’un modèle, mais d’une pensée, d’idées. Cette architecture ésotérique se déploie avant tout dans l’imaginaire, l’illustration et les écrits alchimiques, comme en témoigne le célèbre Miroir de la sagesse des Rose-Croix, par Daniel Mögling (1618), dans lequel le temple représenté est à la fois mobile, ailé et symbolique, un édifice métaphysique davantage qu’un projet architectural réel. C’est ici l’idée qui précède la forme, et non l’inverse. D’où la rareté d’exemples bâtis concrets, à l’exception d’œuvres marginales comme le Goetheanum de Steiner. Cette logique inversée, propre aux sociétés discrètes comme les Rosicruciens, complexifie la lecture de leur architecture et souligne l’importance de l’hermétisme et de la symbolique dans leur conception de l’espace. Le second intervenant, Laurent Schmitt, bien connu des lecteurs de notre revue, a consacré sa présentation à un sujet central pour les numismates : les jetons maçonniques du XVIIIe siècle. Numismate confirmé et président d’honneur de la Société d’Étude Numismatique et Archéologique (SÉNA), il a rappelé à juste titre que ces objets ne doivent pas être confondus avec les jetons symboliques ou pseudo- maçonniques produits avant l’émergence des loges modernes. Comme la chronologie présentée par Laurent Schmitt le rappelle, la franc-maçonnerie spéculative, dans sa forme contemporaine, naît en 1717 à Londres avec la création de la première Grande Loge, F :. M :.. En France, la plus ancienne loge attestée date de 1728.
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