Bulletin Numismatique n°253 29 La présence d’un tétradrachme de Syracuse dans la prochaine Live Auction du 3 juin 2025 nous permet de revenir sur l’œuvre d’un jeune et brillant numismate : Erich Boehringer (1897-1971) qui n’avait que trente-deux ans quand il publia une monographie consacrée au monnayage de la cité sicilienne : « Die Münzen von Syrakus, Berlin, 1929, VI + 297 p. 32 pl., 733 entrées avec 364 coins de droit et 500 coins de revers et plusieurs milliers de tétradrachmes recensés ainsi que les monnaies divisionnaires qui les accompagnent entre 510 et 420-415 avant J.-C. Cette étude de coin, si elle n’est pas la première publiée par l’école allemande, reste un modèle du genre toujours utile et utilisée aujourd’hui, parfois complétée, mais jamais obsolète. Pour notre type, nous avons neuf exemplaires pour le coin de droit, ce qui est un taux de couverture excellent (quand ce taux est supérieur à 3, on considère que l’échantillon est valide). De nouveaux exemplaires sont venus enrichir voire compléter l’ouvrage, sans jamais le remplacer. SICILE – SYRACUSE (Ve SIÈCLE AVANT J.-C.) HIÉRON Ier (TYRAN DE SYRACUSE) (478-467 AVANT J.-C.) Le gouvernement de Syracuse, fondée en 733 avant J.-C. par des colons corinthiens, fut assuré à partir de 485 avant J.-C. par Gélon, tyran de Géla depuis 491 avant J.-C. Il avait remporté une victoire aux Jeux olympiques de 488 avant J.-C. (course de chars) et rappela cette victoire en la représentant au droit du monnayage de Syracuse alors que le revers était occupé par la tête d’Aréthuse. Cette nymphe, dans la mythologie, résidait dans l’île d’Ortygie, en face de la ville de Syracuse, sous la forme d’une fontaine d’eau douce, (Virgile, Eclog. IV.1, X.1). Alphée, un satyre, représentant un dieu-rivière dans le Péloponnèse, près de Phylace en Arcadie, avait poursuivi Aréthuse. À sa prière, Artémis la transforma en rivière et seule la mer permit à la nymphe d’échapper au satyre. Cette légende permit d’expliquer un phénomène hydro-géographique : une rivière souterraine passe sous la mer pour déboucher dans l’île d’Ortygie. En 480 avant J.-C., les Carthaginois envahirent la Sicile mais furent vaincus par Gélon à Himère. En 478, Gélon mourut et son neveu Hiéron lui succéda. Tétradrachme, Sicile, Syracuse, 480-475 avant J.-C., groupe 3, série 8b (Ar, 17,41 g, 24,50 mm, 9h) (étalon attique, poids théorique : 17,28 g, 4 drachmes ou 24 oboles) A/ Anépigraphe Bige au pas à droite, conduit par un aurige tenant les rênes et le kentron ; le bige est couronné par Niké volant à droite ; double ligne d’exergue ; grènetis circulaire perlé. R/ ΣYPAKO-ΣION (de Syracuse).. Tête d’Aréthuse à droite, les cheveux relevés et retenus par un diadème de perles, entourée de quatre dauphins. Boehringer 152 pl. 6 (A/ 67 - R/ 105) (9 ex.) – ANS - Randazzo 322, pl. 13– MIAMG 4862 var.(R2) (3750€) – HGCS 2/ 1306 Bel exemplaire, centré des deux côtés. Joli portrait d’Aréthuse ainsi qu’un bige bien venu à la frappe. Patine grise. Très rare. TTB+ 1 200€/ 2 200€ Mêmes coins que les exemplaires du trésor de Randazzo n°322 pl. 13 et n° 323. Même coin de revers que l’exemplaire du trésor de Randazzo n° 324, pl. 13. Cet exemplaire provient de MONNAIES 36, 23 octobre 2008, n° 49. Ce tétradrachme du groupe 3 (série VIIIb) est contemporain de la fabrication du Demareteion (Décadrachme) d’après les travaux de Carmen Arnold-Biucchi, The Randazzo Hoard 1980 and Sicilian chronology in the early fith centuy B.C., ANSNS 18, New Yok, 1990, cf., p. 32 et 63. Sur ce trésor partiel dont 479 pièces furent déposés à l’ANS pour étude et inventaire, le trésor comporte au total 539 tétradrachmes dont 309 de Syracuse, 10 de Rhégium, 8 d’Agrigente, 29 de Géla, 29 de Catane, 14 de Lénontini, 136 de Messine et 5 de Naxos compris entre 510 et 450 avant J. -C., 450 étant le Terminus Post Quem, TPQ du trésor. La série 8b est une émission importante car elle marque une transition entre les monnaies archaïques et le monnayage classique de la cité . Ce type est postérieur à la mort de Gélon, tyran de Syracuse (478 AC.), remplacé par son neveu Hiéron. Le droit est bien le bige et non pas la tête d’Aréthuse comme le décrivaient les ouvrages anciens. Pour ce type E. Boehringer avait répertorié neuf exemplaires dont huit en musées (Berlin, Copenhague, Münich, Naples (3 ex.), Paris (coll. de Luynes),Vienne). Le coin de droit (A/ 67) n’a pas été réutilisé pour d’autres tétradrachmes alors que le coin de revers (R/ 105) est lié aussi au n° 153 (A/ 68) et fait partie de la collection du musée de Wintherthur. Pour l’ensemble de la période, E. Boehringer avait recensé 928 tétradrachmes avec 139 coins de droit et 203 de revers avec un indice charactéroscopique de 6,68 (F. de Callataÿ). Avec ce tétradrachme, nous découvrons un pan de l’histoire de la cité de Syracuse entre Tyrannie et Démocratie, période charnière pour l’histoire de la Sicile, confrontées par des conflits entre les cités grecques et le danger carthaginois qui se profile à l’horizon avant les grands chamboulements de la fin du Ve siècle. Marie BRILLANT & Laurent SCHMITT SYRACUSE ET BOEHRINGER, TOUJOURS D’ACTUALITÉ !
RkJQdWJsaXNoZXIy MzEzOTE=