Bulletin Numismatique n°252 52 Au retour de Napoléon de l’Ile d’Elbe, Louis XVIII quitte Paris dans la nuit du 19 au 20 mars 1815 pour gagner Abbeville et la frontière du Nord afin de se réfugier dans les États du nouveau souverain de Hollande, Guillaume 1er. Il arrive à Gand le 30 mars. Il va y demeurer quatre-vingt-quatre jours. Les quatre cents à cinq cents millions en or ou en argent monnayé que le roi a pu emporter avec lui sont rapidement dépensés pour payer les frais de la maison royale, les traitements des agents officiels et officieux, et l’entretien de la petite armée d’Alost organisée pour faire la guerre à Napoléon. Très vite, à la mi-avril, le roi commence à manquer d’argent. Il décide alors, avec l’appui du comte d’Artois, de faire appel, comme les autres puissances du Congrès de Vienne, à l’or anglais et d’ouvrir des négociations avec le gouvernement britannique. Louis XVIII a pour ambassadeur à Londres le comte de Chatre. Dans les premiers jours de mai, une entente est trouvée et le ministre des Finances d’Angleterre écrit à Wellesley Pole, directeur de la Monnaie de Londres de 1814 à 1823, une lettre en date du 10 mai dont voici la traduction : « Ministre des Finances. 10 mai 1815. A l’honorable William Wellesley Pole, directeur de la Monnaie… J’ai été chargé par les hauts fonctionnaires du Ministère des Finances de Sa Majesté Britannique de vous prévenir que le Comte de Chatre, ambassadeur de Sa Majesté Très-Chrétienne à la Cour d’Angleterre, a transmis au Comte de Liverpool et au Chancelier de l’Echiquier le consentement et l’approbation de Sa Majesté Très-Chrétienne à la mesure d’effectuer la frappe de louis d’or à la Monnaie Royale d’Angleterre, à la condition que ces monnaies fussent frappées au poids et au degré de fin accoutumés. Le Comte de Liverpool a donné à ces hauts fonctionnaires l’assurance que Son Altesse Royale le Prince régent avait accepté volontiers de lui prescrire l’exécution immédiate de cette mesure. Je suis en conséquence chargé par Leurs Seigneuries de vous faire part de cette décision, et je vous prie de prendre les dispositions nécessaires pour arriver à la frappe de louis d’or avec la quantité d’or qui sera fournie à la Monnaie dans ce but par le commissaire en chef. Vous voudrez bien en même temps déterminer les conditions qui vous paraîtront utiles pour assurer leur fabrication suivant le poids et le degré de fin voulus. J’ai l’honneur… Signé GEO. HARRISON Secrétaire du Ministère des Finances. » [RBN/1901, pp 9-11]. Le 7 juin, la fabrication commence dans les ateliers de la Monnaie royale de Londres. Elle cessera le 31 octobre après 13 délivrances et un total important de 871 581 exemplaires. Les frappes permettront de fournir les subsides réclamés par Louis XVIII mais également de payer les troupes qui doivent occuper les provinces belges et envahir la France, avec une monnaie ayant cours sur ces territoires. Dès le début du mois de juillet 1815, ces pièces circulent en France mais sont retirées de la circulation dès le 7 décembre 1815. Toutefois, les pièces anglaises diffèrent des françaises. La trace de l’ordre prescrivant d’apposer sur les coins les différents d’une fleur de lys à gauche de la date et d’une lettre R à droite n’a pas été retrouvée dans les archives même si la question a été soigneusement débattue. En effet le 27 mai, Pole écrivait au maître-adjoint : « je crois que certaines de nos hautes autorités considèreraient comme une falsification que nous portions sur le louis la marque de Paris » et un an plus tard, en réponse à une accusation de contrefaçon, Pole spécifie à la Chambre des Communes que le « différent officiel » de France n’a pas été apposé sur les pièces mais une marque et un symbole « personnels ». Le motif, qui a amené l’apposition de la lettre R, lettre habituelle de l’atelier d’Orléans, qui n’est plus en état d’activité à cette époque, reste donc à expliquer. Mais il ne faut surtout pas y voir une allusion à la maison d’Orléans, qui serait du plus mauvais goût étant donné son implication dans la mort de Louis XVI. Côté revers, on trouve également une différence concernant les olives dans les branches. Revers de la 1815 R avec une olive Revers des 20 Francs frappées en France avec deux olives Comme autres différences, on peut noter des formes et tailles différentes des olives, de même pour le nœud entre les deux branches Avers de la 1815 R sans signature Avers des 20 Francs frappées en France Côté avers, la différence majeure est l’absence du nom de Tiolier placé sous le buste. Le graveur anglais, Thomas Wyon junior qui fût en charge de la copie, n’inscrit pas davantage son nom. La copie du coin de droit faite par Wyon est assez moyenne, ainsi que la qualité de frappe, et il est particulièrement difficile de trouver un exemplaire en état supérieur à SUP 58, bien que le type en lui-même ne soit pas intrinsèquement rare. Une épreuve uniface inédite en étain, provenant de la collection Margolis, figurait dans la vente Stack’s&Bowers du 19/01/2025 (lot n°3301). 20 FRANCS LOUIS XVIII PAR TIOLIER VERSUS 20 FRANCS LOUIS XVIII PAR WYON
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