cgb.fr Bulletin Numismatique 250

Bulletin Numismatique n°250 49 L’assassinat en 1820 du duc de Berry, neveu du roi Louis XVIII qui n’avait pas d’enfant, avait entraîné la venue au pouvoir des ultra-royalistes désireux de remporter, sous la Restauration, des succès militaires qui effaceraient le souvenir des victoires de Napoléon Ier auquel Louis XVIII avait succédé. L’occasion fut offerte à ces ultras, dominés par l’écrivain Chateaubriand, sous la forme d’une rébellion survenue en 1822 en Espagne contre le roi Ferdinand VII, renversé de son trône et fait prisonnier par les insurgés. À la demande des ultras, auxquels Louis XVIII avait du sacrifier Decazes et confier le gouvernement de la France2, la Sainte Alliance des monarchies européennes, créée en 1815 pour maintenir l’ordre établi en Europe après les guerres napoléoniennes, confia alors le soin à la France d’aller rétablir l’ordre en Espagne et de remettre Ferdinand VII sur son trône. L’intervention française fut annoncée par Louis XVIII le 28 janvier 1823. Une armée de plusieurs dizaines de milliers d’hommes fut alors réunie et placée sous le commandement du duc d’Angoulême, frère aîné du défunt duc de Berry, afin d’obtenir la reddition des insurgés ainsi que la libération de Ferdinand VII, en détention à Cadix. Cette armée, après être entrée dans Madrid, la capitale espagnole, le 24 mai, pénètre dans Cadix le 30 août et libère Ferdinand VII après s’être emparée de la forteresse du Trocadéro protectrice de Cadix. Louis XVIII décède un an plus tard en septembre 1824. La France étant de nouveau engagée en 1827 dans des opérations militaires en Méditerranée orientale, c’est alors qu’est organisée la parade militaire commémorative de la victoire du Trocadéro. Trente ans plus tard, en 1858, Napoléon III y crée la place éponyme dite du Trocadéro. Enfin, comme indiqué plus haut, c’est vingt ans plus tard que le palais du même nom est construit pour accueillir l’Exposition Universelle de 1878. Parfaitement reconstitué sur le revers de la médaille gravé par Alphée Dubois, le palais du Trocadéro était un édifice éclectique d’inspiration néo-byzantine et néo-mauresque, évoquant l’Andalousie3 où les Maures développèrent pendant plusieurs siècles leurs civilisations jusqu’à leur éviction de l’Espagne en 1492. LA DESCRIPTION DE LA MÉDAILLE Elle est en bronze, avec le poinçon abeille4 suivie de l’inscription « BRONZE » insculpée sur la tranche. Elle mesure 50,5 mm et pèse 59,88g. Elle se présente ainsi : • À l’avers : Tête de la République représentée sous les traits de Cérès, déesse des moissons5. Ses longs cheveux sont ramenés derrière la tête en chignon terminé par des tresses. 2 Contre l’avis de Louis XVIII qui lui accordait toute sa confiance, le duc Decazes, Premier ministre, avait été renversé par les ultras qui lui reprochaient l’assassinat du duc de Berry, insuffisamment protégé. 3 Cadix est le port de l’Andalousie sur l’Océan Atlantique. 4 Différent du directeur de fabrication de la Monnaie, Alfred Renouard de Bussière (1860-1879). 5 D’où le mot « céréales », cultures que l’on moissonne. Cérès porte une couronne garnie de trois épis de blé, trois rosaces, ainsi que des feuilles de chêne et de laurier ; sa chevelure est attachée par des rubans derrière la tête tandis qu’un ruban lui tombe le long du cou, ce dernier étant entouré d’un collier de perles. Sur la visière de la couronne est gravé le mot « CONCORDE ». Le portrait est entouré de la légende « REPUBLIQUE FRANCAISE », ces deux mots étant séparés par une étoile à 6 branches, placée au-dessus de la tête, une rosace terminant l’inscription. Sous le portrait figure le nom du graveur « OUDINE » ainsi qu’un différent très petit6, à droite de la signature. L’ensemble est entouré d’un grènetis. •Au revers : le Palais du Trocadéro, une demi-rotonde accostée de deux tours carrées, construit en 18787 pour l’Exposition Universelle avec, par-devant, ses jardins et cascades8 sous lesquels figure une plinthe portant l’inscription « PALAIS DU TROCADERO ». Au-dessus de ce palais, deux inscriptions : « EXPOSITION UNIVERSELLE » et en dessous « PARIS 1878 ». Sous l’ensemble formé par le palais et ses jardins, sous la plinthe portant la légende « PALAIS DU TROCADERO », on peut lire trois inscriptions : d’abord en deux lignes, « ADMIN.ON (contraction d’Administration) DES MONNAIES ET MEDAILLES » puis, tout en bas en plus petit, le nom du graveur du revers « ALPHEE DUBOIS ». Un cercle entoure le tout. La mention « Administration des Monnaies et Médailles » précise que cette médaille fut frappée par la Monnaie de Paris sous son nom de l’époque où elle était un service du ministère des Finances. Comme nous l’avons dit plus haut, il ne s’agit pas d’une rare médaille. En revanche, outre un grand portrait de la Cérès créée en 1848-1849 par Eugène-André Oudiné, elle nous fait connaître ce que fut le palais du Trocadéro9, pendant son existence éphémère d’un bon demi-siècle (18781937)10. On remarquera aussi que les Expositions universelles étaient alors l’occasion de travaux de prestige, celle de 1889 qui suivit celle de 1878 nous laissant comme monument significatif la Tour Eiffel qui a échappé au sort du palais du Trocadéro de 1878 et que personne ne songe à détruire aujourd’hui. Christian CHARLET 6 Ce différent peut être le chiffre 7 ou le chiffre 9, notre exemplaire présente le chiffre 5. Parfois, la médaille ne présente pas de différent mais une variation dans la signature : «.OUDINE. » 7 Le palais du Trocadéro fut construit par l’architecte Gabriel Davioud et l’ingénieur Jules Bourdais. 8 L’emplacement existe toujours mais le jardin fut recréé pour l’Exposition des Arts et Techniques de 1937. Le jardin fut aménagé par l’architecte RogerHenri Expert. L’agencement des zones végétales reprend un style Second Empire avec ses pentes sinueuses, ses petites cascades et ses rochers. La fontaine du Trocadéro prend des allures plus monumentales avec une série de bassins en cascade dominant un grand bassin dont les canons à eaux forment cinquante-six gerbes qui cours dans huit escaliers d’eau. 9 Ainsi que l’origine de ce nom insolite qui demeure encore aujourd’hui : place du Trocadéro, station de métro Trocadéro. 10 Composé d’une salle des fêtes, il fut surtout occupé par le musée des Monuments français, créé par l’architecte Viollet-le-Duc. Son utilité ne parut pas suffisante pour qu’il survive à l’Exposition Internationale des Arts et Techniques de 1937, il fut démoli puis remplacé par l’actuel Palais de Chaillot. LA MÉDAILLE DE L’EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878 AU PALAIS DU TROCADÉRO À PARIS

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