Bulletin Numismatique n°250 36 À quoi servaient ces méreaux ? Je fais l’hypothèse qu’il s’agit de jetons échangeables, contre des denrées éventuellement ou du numéraire. Ils sont millésimés, ce qui peut supposer soit une durée de validité d’une année, soit simplement une date d’émission. Nous sommes dans l’hypothèse : difficile de savoir si ces méreaux ont été aussi frappés antérieurement à 1600 et si, entre 1600 et 1643, il y a eu une production annuelle. L’année 1600, date du début du procès de l’Eglise contre le duc d’Uzès, pair de France, est symbolique. Les méreaux réunis à ce jour ont tous été émis sous l’autorité d’Emmanuel I de Crussol (1581 – 1657). On pourrait imaginer que cet instrument a servi la propagande du duc, qui, en ajoutant le nom de la ville à côté de l’écu portant ses armes, affirmait ainsi son autorité et ses prétentions sur le territoire de la cité. Ces objets monétiformes ont certainement été émis en grande quantité, le plomb étant un métal très malléable, un coin pouvait certainement pouvoir en produire plusieurs milliers, d’autant plus que, chaque année, plusieurs coins semblent avoir été utilisés si on compare les méreaux de chaque année entre eux. Une large diffusion au sein de la population permettait une large diffusion de l’idée que l’autorité provenait du duc, d’autant plus s’il s’est agi de largesses. Y a-t-il eu un clin d’œil malicieux au comte de Toulouse avec ce croissant situé non loin de l’étoile sur la plupart des exemplaires ? Celui de 1643 me semble très parlant. Denier raimondin pour Raimond V, marquisat de Provence, billon, frappé pour les comtes de Toulouse A/ + R • COMES, Soleil entre deux besants au-dessous d’un croissant de lune, R/ D/ V /X/ M, Croix de Toulouse coupant la légende – 0,77 g - PA 3723 L’Evêché n’a pas dit son dernier mot dans cette guerre de propagande, avec cependant des moyens plus réduits. J’ai photographié 2 méreaux qui présentent eux aussi la particularité d’être lisses au revers : A/ initiale de la ville d’Uzès en latin (V) surmontée d’une croix. Poids relevés : 3,22 et 2,58 g Le message est parfaitement clair : la croix (l’Eglise) est audessus de la ville, la domine. Au final, raison sera donnée à l’autorité du Duc et cette émission de modestes plombs en illustre le combat. D. BERTHOD Club numismatique de Nîmes 1 : http://www.uzes.com/fr/maison/genealogie.php 2 : Jérôme Friteyre 3 : http://www.nemausensis.com/Gard/Uzes/EmmanuelDeCrussol.html 4 : https://www.colleconline.com/fr/search?groupid=bc341df7-1e3c-4c879c7b-debdeb84c4ecd3b&groupname=M%C3%A9reaux%20 m%C3%A9di%C3%A9vaux BIBLIOGRAPHIE • Vincent Borrel : « De Saint Gilles à Pont-de-Sorgue en passant par Avignon. Les émissions monétaires provençales des comtes de Toulouse du XI au XIIIe siècle. » dans Monnaies et monnayage en Avignon entre Provence et papauté, SENA, Paris, 2022 • Jean Duplessy : Les monnaies françaises féodales Maison Platt, Paris, 2004 • Jérôme Friteyre : « Le monnayage d’Uzès, légende ou réalité ? », Numismatique & Change n°436, avril 2012 • Jacques Labrot : Une histoire économique et populaire du moyen âge, Les jetons et les méreaux, éditions errance, Paris, 1989 • Poey d’Avant : Monnaies féodales de France, Tome II, réédition Chevau-légers, 2002 • Philippe Schiesser : « Le monnayage d’argent frappé à Uzès par Charlemagne », dans Monnaies et monnayage en Avignon entre Provence et papauté, SENA, Paris, 2022 MÉREAUX D’UZÈS, DES OBJETS MONÉTIFORMES MÉCONNUS ET PORTEURS DE REVENDICATIONS
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