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Bulletin Numismatique n°249 34 Le 6 juillet 1545, le bail de la Monnaie de Marseille était octroyé pour six ans à compter de la première délivrance à un marchand de la ville, François Caze, à charge pour lui de battre chaque année 200 marcs d’or et 6 000 marcs d’argent1, et le 27 du même mois, celui-ci déclarait que « pour différence et contreseing de l’ouvraige qu’il fera en ladicte monnoye il a prins et choisy, oultre les différances anciennes et modernes de ladite ville de Marseille, ung triollet à la fin de la légende du costé de la pille dudit ouvrage qu’il fera mectre et apposer à la pille par le tailleur de ladicte monnoye »2. Comme François Perrin et André de Montagut avant lui3, François Caze procéda à la fabrication des monnaies dites « à la croisette » prescrites par l’ordonnance du 19 mars 15414. Il commença par frapper des douzains à partir du 28 octobre 1545, puis des écus d’or le 16 décembre et enfin des doubles tournois le 9 janvier 15465. Mais les frappes cessèrent le 31 janvier 1546 en raison d’une épidémie de peste qui paralysa toute activité dans la région, et l’atelier tomba en chômage pendant un an6. Un nouveau bail lui fut octroyé le 15 janvier 1547 « pour le temps à conclure contenu aux lettres patentes du Roy de sadicte ferme qu’est six années, pour fault desduire », et François Caze décida alors de prendre pour marque « ung E du cousté de la pille et à la fin de la légende » (fig. 1)7. Figure 1 « Et pour ce faire a choysi led[it] m[aistr]e po[ur] sa differance ung E du cousté de la pille et à la fin de la légende ». Dans ce document, le différent E choisi par François Caze est écrit en capitale cursive et non romaine, et a pu de ce fait être confondu avec un C. La comparaison avec le E initial de la phrase ainsi qu’avec tous les autres E du document, écrits aussi en capitales cursives, ne laisse aucun doute sur l’identification de la lettre. Et le 22 mars suivant, François Caze put enfin reprendre la fabrication, tout d’abord au nom de François Ier puis, après le décès de celui-ci le 31 mars 1547, au nom de son fils Henri II8. On a ainsi retrouvé des douzains « la croisette » (Dup. 927 ; fig. 2), des liards « à l’F » (Dup. 930 ; fig. 3) et des deniers tournois « à la croisette » (Dup. 936) au nom de François Ier, ainsi qu’un rarissime écu d’or « à la croisette » (Dup. 968 ; fig. 4), des douzains « à la croisette » (Dup. 996 ; fig. 5) et des liards « à l’H » (Dup. 1004) au nom d’Henri II attribuables à ce second bail. Ces espèces portent au droit, sous l’écu de France, un symbole qui identifie sans ambiguïté l’origine marseillaise de ces monnaies : il s’agit du signe  abréviatif de la conjonction « et », la « différance moderne » qui avait été réservé à l’atelier monétaire du « pays de Prouvence » par l’ordonnance du 14 janvier 1540 imposant de remplacer les points secrets et autres symboles d’identification des ateliers par des lettres de l’alphabet9. La Monnaie d’Aix étant alors fermée, c’est celle de Marseille qui s’était octroyé ce différent en remplacement de sa première « différance ancienne », son traditionnel écusson municipal. On conserva toutefois au revers, en début de légende, la seconde « différance ancienne » de l’atelier, un M qui n’est autre que l’initiale du nom de la ville. En début ou fin de la légende du droit figure le différent E choisi par François Caze en janvier 1547, et dans lequel il faut peutêtre reconnaître, comme l’a proposé H Rolland, un monogramme constitué des initiales de son nom, un F et un C carré () 1 Arch. dép. Bouches-du-Rhône, B 1451, fos 203-203vo et mention dans AN, Z1b 366 (acte de caution du 18 décembre 1545). 2 AN, Z1b 12 bis, fo 2 et Arch. dép. Bouches-du-Rhône, B 1451, fo 205vo ; DOCUMENTS MONÉTAIRES HENRI II, 1914, p. 498. 3 Sur l’activité de ces maîtres, voir ROLLAND 1953 et GANNE 1985. 4 AN, Z1b 62, fos 268vo-283 ; ACTES FRANÇOIS Ier, IV, p. 189, no 11870 ; BnF, MMA, RES-MF-2-6 ; SAULCY, IV, p. 369-370. L’appellation « à la croisette » ne figure dans aucun document de l’époque, et la seule mention du type de ces espèces que l’on trouve dans des textes officiels est pour les douzains, doubles et deniers tournois, qui sont dénommés « à la petite croix » dans plusieurs ordonnances rendues entre 1550 et 1553. Mais comme certains écus d’or au soleil et douzains aux salamandres frappés en 1540 avaient déjà reçu cette appellation en raison de la présence d’une petite croix rajoutée sur les coins comme marque de contrôle, les nouvelles espèces frappées en vertu des lettres patentes de mars 1541 furent par la suite dénommées « à la croisette » afin d’éviter les confusions. À notre connaissance, les appellations « à la croix blanche » ou « à la croix pleine » utilisées parfois dans certains ouvrages ne figurent dans aucun texte. 5 AN, Z1b 894. 6 AN, Z1b 366. Lettre de François Caze aux généraux des monnaies datée du 10 décembre 1546, dans laquelle le maître déclare que la Monnaie est en chômage depuis le 1er février. Ce n’est que le 28 février 1547 que les boîtes des fabrications de 1545-1546 purent enfin être apportées à Paris (AN, Z1b 294). 7 Arch. dép. Bouches-du-Rhône, B 1451, fos 202vo-203. Les quantités à battre chaque année furent portées à 200 marcs d’or, 1 000 marcs de testons, 6 000 marcs de douzains et 500 marcs de liards. Ce bail fut confirmé par des lettres patentes d’Henri II du 3 octobre 1547 (Arch. dép. Bouches-du-Rhône, B 40, fos 289vo-291). 8 Arch. dép. Bouches-du-Rhône, B 210, fos 147-150vo et B 1451, fos 210 et 219. Le registre des délivrances fait apparaître une interruption de près de trois mois dans la fabrication des écus : 345 écus frappés le 22 mars 1547 et 300 le 30 mars, puis 316 le 28 juin et 364 le 2 juillet : on peut donc supposer que les deux premières délivrances ont été faites au nom de François Ier, et les deux suivantes au nom d’Henri II. Pour les monnaies de billon (douzains et liards), on note une interruption des délivrances de 3 semaines entre le 31 mars et le 21 avril, et comme on n’en retrouve pas d’autre aussi longue avant le mois de juillet, on peut penser que c’est en avril qu’on a préparé les coins au nom du nouveau roi ; et que seules les deux premières délivrances de douzains des 30 et 31 mars ont été faites au nom de François Ier, les suivantes et toutes celles de liards étant au nom de son fils. 9 AN, Z1b 62, fos 246-246vo ; ACTES FRANÇOIS Ier, IV, p. 71, no 11323 ; SAULCY, IV, p. 341-342. UN DOUZAIN « À LA CROISETTE » DE FRANÇOIS IER INÉDIT FRAPPÉ À MARSEILLE

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