Bulletin Numismatique n°249 26 UN SESTERCE DE COMMODE INÉDIT : UN CAS D’ÉCOLE ! L’ouvrage de Jean Lacourt vient de paraître au mois de décembre et L. Schmitt en a fait le compte-rendu dans le dernier Bulletin Numismatique (BN 248, p. 20-21). Cet ouvrage, rappelons-le, clôt une série de cinq volumes d’une série consacrée uniquement aux sesterces des Antonins entre Nerva et Commode avec plus de 1 500 pages, 120 planches et 2 400 photos de droit et de revers. Dans la boutique Romaines de Cgb.fr sous le numéro brm_916905, mis en ligne très récemment et qui n’a pas pu être porté à la connaissance de l’auteur, un sesterce complètement inédit de Commode, ce qui est rarissime et qui montre encore une fois que la numismatique romaine permet des découvertes tout à fait spectaculaire, est proposé à la vente. Ce nouveau sesterce est un cas d’école et s’inscrit tout à fait dans le programme de travail que les Amis des Romaines (ADR) se sont donné, à savoir, connaître et faire connaître. Nous allons disséquer ce sesterce afin d’expliquer pourquoi il est rare et inédit. Nous en profiterons au passage pour fournir différentes informations sur cette pièce qui peut paraître difficile d’accès au premier abord. En premier lieu, examinons sa légende qui est inhabituelle avec la forme abrégée COMMOD pour Commodus. Elle fait son apparition tardivement dans le monnayage en 187 et est surtout utilisée entre 189 et 191 sur le monnayage concerné comme le signale J. Lacourt (p. 24, code des avers S et p. 6977 du catalogue). Notre type avec cette légende particulière est frappé en 190, peut-être en début d’année à l’occasion de la septième Libéralité (congiaire pour les citoyens et donativum pour les soldats). Les autres éléments de la légende de droit, outre les tria nomina (Marcus Commodus Antoninus), indiquent le titre de P(ius) (pieux), abrégé, reçu entre le 10 décembre 182 et le 3 janvier 183, celui de FELIX (heureux) accordé après l’élimination de Perennis en 185, auquel s’ajoute celui de Britannicus donné dans la seconde partie de l’année 184 après la victoire sur les Bretons et enfin le titre de P(ater) P(atriae) (Père de la Patrie) qu’il a reçu en 177 (après le 17 juin) associé à son père Marc Aurèle. Ces différentes informations n’apportent aucune précision complémentaire sur la date précise de l’émission de la monnaie, hormis qu’elle ne peut être antérieure à 185. En revanche le buste associé à la légende est quant à lui beaucoup plus rare puisqu’il présente une tête laurée et barbue à droite, classique, auquel s’ajoute un pan de paludamentum (manteau impérial) visible sur l’épaule gauche (buste O*2) de la classification des bustes de Pierre Bastien. Ce type de droit n’est recensé dans l’ouvrage de J. Lacourt (Sb1, p. 77) qu’avec l’unique légende de revers : GEN AVG FELIC P M TR P XV IMP VIII COS VI/ S C Si nous passons maintenant au revers, dans le même ordre d’idée, nous découvrons la septième Libéralité de l’Auguste (LIBERAL AVG VII) associée aux titres plus conventionnels de cette émission qui rappelle que Commode est P(ontifex) M(aximus) (grand pontife), chef de la religion romaine depuis le début de son règne personnel, le 17 mars 180, après la disparition de son père. Il indique ensuite la quinzième puissance tribunitienne (TR P XV) qu’il a prise pour la première fois entre le 27 novembre et le 9 décembre 176 à l’âge de 15 ans et qui lui sera ensuite renouvelée au 10 décembre de l’année. La quinzième puissance tribunitienne débute le 10 décembre 189 pour se terminer le 9 décembre 190. Commode a reçu sa huitième acclamation impériale en 186 (IMP VIII), tandis qu’il revêt son sixième consulat (COS VI) en janvier 190 qu’il partage avec Septime Sévère et Pescennius Niger. Enfin la monnaie porte la mention S C (frappée avec l’accord du Sénat), vieille survivance accordée par Auguste. Ce type avec Liberalitas (la Libéralité), drapée, debout à gauche, tenant l’abaque de la main droite et la corne d’abondance de la main gauche, est recensé associé seulement à la tête laurée seule de l’auguste (buste O*) (Lacourt, p. 74, Sa19.1, RIC III/ 563). Dans son lexique (p. 216-217), J. Lacourt rappelle que Liberalitas est « la divinité allégorique personnifiant les actes de générosité, la disposition à faire des dons. Presque toujours associée à des scènes de congiaires ». L’abaque (abacus) qu’elle tient dans sa main droite est une sorte de « boulier compteur » qui permet de verser la somme exacte du congiaire distribué à chaque récipiendaire. Notre sesterce avec ce buste si particulier (O*2) associé à ce revers est donc bien inédit et le buste en lui-même semble de la plus grande rareté, souvent oublié ou occulté dans les descriptions monétaires, car ignoré ou mal interprété le plus souvent, alors que comme l’égide, il est un des éléments pouvant accompagner le buste impérial. LA CHRONIQUE DES AMIS DES ROMAINES, ADR N° 004
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