Bulletin Numismatique n°248 22 Dominique HOLLARD, Le trésor et la patère de Rennes, Collection « Cartel », BnF, Paris, 2024, 62 pages, broché, 13,5 x 21 cm, nombreuses illustrations couleur dans le texte. Code : Lt 86. Prix : 12€. Laurent Comparot a déjà eu l’occasion de rendre compte de cette nouvelle collection « Cartel » de la Bibliothèque de France (BnF) en 2023 qui a déjà eu les honneurs du Bulletin Numismatique (BN 235, p.22). Aujourd’hui nous voudrions attirer votre attention sur le dernier volume publié de la série, consacré au trésor et à la patère de Rennes, une des pièces mythiques du Cabinet des Médailles (CdM) aujourd’hui nommé Département des Monnaies et Médailles Antiques (DMMA). Ce petit ouvrage d’une soixantaine de pages a été rédigé par Dominique Hollard, jeune retraité, précédemment en charge des collections de monnaies antiques (romaines et celtiques). Ce trésor fut découvert à la fin du règne de Louis XV à Rennes, en mars 1774, lors de travaux dans une maison appartenant aux chanoines de la ville. Sauvé in extremis de la fonte, il est l’un des premiers, sinon le premier trésor qui bénéficia d’un questionnaire circonstancié sur les circonstances de sa découverte. Offert au Roi, peu avant sa mort, il devint rapidement une des pièces maîtresses du Cabinet du roi. En effet celui-ci était composé d’une part d’une patère en or pesant plus de 1,3 kilogramme, d’un diamètre de 25 centimètres avec un médaillon central de 14 centimètres de diamètre (emblema) représentant dans sa scène centrale le triomphe de Bacchus (Dionysos ou aussi Liber Pater en latin) sur Hercule complété par une frise circulaire qui reprend la même thématique. Le sujet central présente Hercule assis sur un rocher, appuyé sur sa massue avec la léonté (dépouille du Lion de Némée, symbole du premier des travaux d’Hercule) tenant de la main droite une coupe (patère) en face de Bacchus assis sur un siège (trône sans dossier), tenant un rhyton retourné vide (vase à boire) ; à ses pieds, se trouve la panthère, son animal emblématique. Ils sont entourés par un jeune bacchant jouant de la flûte double (aulos) de Silène barbu, de trois Ménades couronnées de pampre, encadrant Pan jouant de la syrinx (flûte de pan). La frise qui entoure le motif central complète la scène. Elle est composée de vingt-quatre personnages simple ou doubles et débute à 12 heures avec Hercule, ivre soutenu par deux bacchants, qui préside une procession de (thiase) qui se termine par le char de Bacchus tiré par un bige de panthères femelles que précède Pan, tenant le lagobolon (bâton de pâtre, utilisé pour la chasse au lièvre). Une frise circulaire extérieure entoure la scène (marli). Mais le plus surprenant pour un numismate est de découvrir une série de seize aurei, chacun étant entouré d’une bordure ouvragée, alternés des dynasties des Antonins (96-192) et des Sévères (193-235). Si nous suivons un schéma horaire, la série débute par Caracalla Auguste, puis Marc Aurèle, Faustine Jeune, Antonin le Pieux, Géta césar, Commode, Faustine mère, Septime Sévère, de nouveau Caracalla Auguste, suivis d’Antonin, de Faustine Mère, d’Antonin, de Commode jeune, de Septime Sévère, de Julia Domna et enfin d’Hadrien. L’ensemble est harmonieusement disposé et rehaussé par les cabochons qui enserrent les pièces d’or. Bustes enfantins alternent avec les bustes féminins des Augusta et ceux barbus des Augustes. Seul échappe à cette iconographie, un aureus de Géta César. Pour compléter cette description, cette coupe (patère ou phiale) iconique n’est pas faite pour être utilisée. Elle est posée sur un pied de trois centimètres et demi de hauteur avec un diamètre de 8,6 centimètres. La coupe n’est pas faite pour être vue de derrière, mais montrée posée sur une table ou bien encore accrochée au mur comme c’est le cas dans sa présentation actuelle. L’ensemble des monnaies est placé chronologiquement entre 136 pour la plus ancienne (Hadrien) et 208 pour la plus récente (Géta) avec dix portraits pour les Antonins : Hadrien (1) Antonin le Pieux (3), Faustine mère (2), Marc Aurèle (1), Faustine Jeune (1), Commode (2) ; six pour les Sévères : Septime Sévère (2), Julia Domna (1), Caracalla Auguste (enfant) et Géta César (1). Peut-on remarquer au passage l’absence d’un Trajan de Lucius Vérus, de Lucille ou de Crispine pour la dynastie des Antonins avec le fondateur Nerva ! Mais on l’oublie souvent dans cet ensemble de Rennes, si on évoque la patère, on oublie un peu trop facilement qu’un trésor mixte l’accompagnait : 93 monnaies d’or déposées sur la patère, bijoux monétiformes (4 aurei de Postume (260-269) montés en bijoux) une chaîne en or (longueur de 76 cm et masse de 19,90 g) et une en or (largeur 4,4 cm et 2,5 de hauteur, masse 49,80 g). Sur l’ensemble des aurei, on trouvait deux pièces de Néron après la réforme monétaire de 64, trois aurei des Flaviens, 46 pour les Antonins et enfin 26 autres pièces pour les Sévères entre le fondateur de la dynastie et Alexandre Sévère, enfin 18 aurei de l’Anarchie Militaire se terminant par Aurélien. Le trésor a fait l’objet d’un article de fond dans la Revue Numismatique en 1943 par Pierre Le Gentilhomme (RN 1943, p. 11-43). Notre belle recension pourrait s’arrêter là, mais c’est sans compter les vicissitudes qu’a rencontrées cette trouvaille depuis sa découverte. Elle a failli être portée à l’atelier de Nantes, celui de Rennes étant fermé depuis 1772, afin d’y être fondue et transformée en espèces sonnantes et trébuchantes. Le trésor, déposé au Cabinet du roi, fut dérobé une première fois, sous le Consulat en 1802 et finalement retrouvé en 1804 et étudié, à ce moment-là, Millin (1802). Mais le plus terrible restait à venir. En 1831, un voleur, E. Frossard, peut-être guidé par la vicomtesse de Nays-Candau, amie de la reine Marie-Amélie, femme de Louis-Philippe Ier, s’introduisit et cambriola les lieux dérobant l’ensemble de la série des monnaies romaines. Si les aurei furent immédiatement fondus par le frère du cambrioleur, bijoutier, les autres objets furent cachés et c’est grâce à Vidocq que les objets volés furent retrouvés dans l’une des piles du pont de la Tournelle à Paris. Les monnaies d’or avaient disparu ainsi que l’un des bijoux monétaires de Postume. Les autres objets composant le trésor regagnèrent alors le Cabinet des Médailles. Mais l’histoire n’est pas finie pour autant. Pendant les travaux de réaménagement du quadrilatère Richelieu, les principaux « Trésors » de la BnF, dont la patère de Rennes participèrent à des expositions nationales et internationales dont nous gardons la trace avec le magnifique catalogue : « Le luxe dans l’Antiquité. Trésors de la Bibliothèque nationale de France », Arles et Gand, LE COIN DU LIBRAIRE, LE TRÉSOR ET LA PATÈRE DE RENNES
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