Bulletin Numismatique n°247 38 Dans leur excellente description de la collection Margolis (Bulletin Numismatique n°245, octobre 2024, pp.51-55), nos amis Philippe Théret et Laurent Schmitt rappellent opportunément que Richard Margolis fut l’éditeur de l’ouvrage écrit par George Sobin Jr : The Silver Crowns of France 1641-1793 dans lequel l’auteur décrit tous les écus royaux frappés à partir de Louis XIII puis, à partir de la Révolution, les pièces de 5 francs en argent qui succédèrent à ces écus. Il me paraît très important de rendre hommage à G. Sobin Jr et à son éditeur R. Margolis car cet ouvrage édité en 1974 a joué un rôle essentiel dans le renouveau des études concernant la numismatique royale française, renouveau récemment marqué par les ouvrages remarquables d’Arnaud Clairand (monnaies de Louis XIII à 1795) et de Jean-Yves Kind (catalogue des monnaies d’or royales de la BnF) publiés en 2023 et 20241, qui désormais font autorité et renvoient aux rayons des bibliothèques les Hoffmann, Ciani, Duplessy et autre Droulers. En revanche, les observations perspicaces de Sobin demeurent d’actualité ; son ouvrage, inséparable du catalogue de vente de sa collection (1977), est toujours utiles. À un moment où les deux meilleurs connaisseurs de la numismatique française, Jean Lafaurie et Françoise Dumas, étaient contraints de quitter le Cabinet des Médailles au profit de Georges Le Rider, selon le « bon plaisir » du nouveau président de la République Valéry Giscard d’Estaing, chaperon de toujours de l’éminent helleniste, on pouvait craindre que la numismatique française tombe dans l’oubli. Comme était tombée dans l’oubli la numismatique gauloise pendant un demi-siècle avant que Jean-Baptiste Colbert de Beaulieu ne la réveille avec talent. De fait, Pierre Prieur, alter ego de Lafaurie, avait pris sa retraite et le départ forcé de Lafaurie du Cabinet des médailles l’empêcha de publier son tome III des Monnaies des Rois de France, à l’exception de Louis XV dont il donna un document magistral dans le catalogue de l’exceptionnelle exposition Louis XV (1974-1975), initiée par VGE qui prétendait descendre de Louis XV par la main gauche. Annoncée en 1967, puis sans cesse reculée, la parution du Lafaurie-Prieur était devenue une arlésienne lorsqu’un numismate « flamand » du Nord, Robert Victoor, publia (1973) un ouvrage de vulgarisation dont l’intérêt réside seulement dans les agrandissements photographiques de très beaux et rares exemplaires. C’est alors que parut l’ouvrage de G. Sobin Jr (1974) grâce à Richard Margolis qui accepta de prendre le risque de l’éditer, après avoir encouragé Sobin à l’écrire. Éminent collectionneur, Sobin avait en effet accumulé de nombreuses notes, mais, comme il le dit lui-même dans la préface de son livre (p.VI), celui-ci n’aurait pas vu le jour si R. Margolis ne l’avait pas constamment encouragé, aidé et piloté. J’ai peu connu Margolis, sans doute moins que L. Schmitt, mais les trois ou quatre fois que je l’ai rencontré chez son grand ami Claude Silberstein (ils étaient d’origine russe et de culture juive tous les deux, l’un d’Odessa et l’autre des Pays Baltes) il m’est apparu comme étant un très grand numismate, en même temps très francophile. Ceci explique donc cela. 1 Sans oublier le livre très utile de Stéphan Sombart (2022) consacré aux monnaies de Louis XI à Henri IV 1461-1610. Avec son ouvrage de 1974, complété par son catalogue de 1977 également très riche en informations2, Sobin ouvrait la voie à la reprise de la recherche en numismatique française dont le départ de J. Lafaurie et F. Dumas compromettait sérieusement la poursuite. Un jeune chercheur, diplômé de l’Université se révéla alors plein de promesses, et J. Lafaurie n’hésita pas à l’aider à ses débuts. Frédéric Droulers, puisqu’il s’agit de lui, suscita alors de réelles et grandes espérances. Toutefois, malgré une présence d’une trentaine d’années en numismatique française et un réel travail dans les archives qui mérite d’être souligné, il fut son propre fossoyeur en étant victime d’un orgueil démesuré, d’une méthode de travail aberrante, d’une volonté permanente de rechercher le « scoop » journalistique au détriment de la vérité, de sacrifier délibérément les exigences de la recherche au profit du commerce, etc. Quel gâchis ! Il finit logiquement sa vie dans un établissement de repos, nous laissant dans son abondante production une Encyclopédie en 3 volumes, un Répertoire en plusieurs éditions dont le meilleur reste celle de 1987, un ouvrage sur les trésors monétaires et de nombreux articles dans le mensuel Numismatique et Change disparu en 2016. Droulers disparut en juillet 2023 à l’âge de 80 ans et notre ami Arnaud Clairand lui consacra une belle nécrologie dans le Bulletin Numismatique ; celle que j’avais préparée malgré nos différents3 car, lorsque quelqu’un décède, on oublie tout, ne fut malheureusement pas publiée et ce malgré moi. Merci donc à Philippe Théret et à Laurent Schmitt de nous avoir opportunément rappelé l’existence et l’œuvre de ces deux grands numismates que furent Richard Margolis et George Sobin Jr. Si nous avons aujourd’hui en Arnaud Clairand, Jean-Yves Kind et Stephan Sombart de dignes successeurs de Jean Lafaurie, Pierre Prieur et Françoise Dumas, c’est en partie à eux que nous le devons. Comme moi-même dont les deux livres de Sobin restent des livres de chevet et leur souvenir commun, Silberstein, Margolis et Sobin, dans la boutique de Claude Silberstein, un moment heureux de ma vie. Christian CHARLET 2 Notamment en ce qui concerne les différents de maîtres et de graveurs. Ceux-ci figuraient dans le tome III dactylographié du Lafaurie-Prieur alors consultable au Cabinet des médailles où Sobin travailla bien qu’il y fût mal reçu selon ce que m’a dit Michel Dhénin. 3 Notre amitié vola en éclats lorsque, dans un accès de fureur incontrôlé, il voulut me blesser à coups de grands ciseaux ; empêché par G. Depeyrot et F. Arbez, il assouvit alors sa rage sur la poubelle de Crinon. A PROPOS DE RICHARD MARGOLIS ET DE GEORGES SOBIN JR Richard Margolis en 2004 ©American Numismatic Society
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