cgb.fr

Bulletin Numismatique n°245 19 Dans l’Internet Auction du 29 octobre 2024, nous découvrons sous le numéro (bgr_947009) une hémidrachme pour Masicytes en Lycie appartenant à la ligue lycienne, frappée entre la fin du Ier siècle avant J.-C. et le début du Ier siècle après J.-C. Ce monnayage a fait l’objet il y a plus de quatre décennies d’un ouvrage d’Hyla A. Troxell, The Coinage of the Lycian League, ANS NNM 182, New York, 1982, XVII + 255 p., 44 pl. Dans cet ouvrage, l’auteur a découpé le monnayage de la ligue lycienne autour de cinq périodes chronologiques entre 167 avant J.-C. et 40 après J.-C. Mais aujourd’hui, ce n’est pas le sujet. Ce qui retient notre attention, c’est son revers et l’appellation qui est donnée à ce type de monnayage. Nous devrions plutôt évoquer plusieurs termes concernant ces monnaies. Le mot lui-même ne se rencontre ni dans, le Dictionnaire numismatique Larousse sous la direction de Michel Amandry, 2e édition, Paris, 2006, ni dans, le Lexique des 2700 mots de la Numismatique, sous la plume de Michel Galléazzi, N&C, Revigny-sur-Ornain, 2006. Cependant, au mot Rhodes (p. 498), nous trouvons : « Vers 190 avant J.-C., Rhodes inaugure son monnayage plintophore. Ses drachmes pré-plintophoriques seront imitées très abondamment à partir des années 180 en Asie Mineure, en Carie, et en Grèce du Nord et en Grèce centrale avant la troisième guerre de Macédoine, pour payer les mercenaires de Persée ». En effet, ce type de monnayage débute au moment où la guerre fait rage en Asie Mineure, opposant, Antiochus III (223-187 a. C.) aux Romains, marquée par la bataille de Magnésie du Sipyle (189 a. C.) et la paix d’Apamée (188 a. C.) qui met fin à la domination séleucide dans cette région et qui consacre l’émergence de la domination attalide et de Rhodes qui a soutenu les Romains. Cependant, nous n’avons toujours pas d’explication pour le mot plintophore. Ce qui caractérise les monnayages plintophoriques c’est le sujet du revers qui se trouve inscrit dans un carré creux qui prend la forme d’un cadre (plinthe) quelle que soit la cité concernée. Mais nous n’avons pas résolu la seconde partie de notre équation, qui s’applique à la datation qui est censée prendre fin en 167 a. C., d’après le dictionnaire. Ce monnayage plintophorique débute en Lycie après la chute de Persée, au moment où Rhodes perd une partie de sa Pérée (Carie continentale) et offre son indépendance à la Lycie, qui se regroupe en Ligue et comporte plus d’une vingtaine de cités sur l’ensemble de la période. Plintophorique, c’est aussi un étalon monétaire qui est dérivé du chiote (Larousse, p. 120) utilisé à Rhodes. C’est en l’occurrence un étalon léger, basé sur une drachme de 3,00 g et sa principale division, l’hémidrachme de 1,50 g environ. H. Troxell indique dans son ouvrage que les hémidrachmes sont nommées « Kitharephoroi » en grec, Citharéphore en français, et qui se caractérisent par le symbole de l’ensemble des cités de la Ligue qui se trouve être une cithare. La cithare est un instrument de musique de l’antiquité grecque qui doit être distingué de la chelys (construite à partir d’une carapace de tortue pour la caisse de résonnance) et la lyre, reposant quant à elle sur cadre sur lequel s'appuient les cordes qui sont pincées avec un plectrum (médiator). Cet instrument de musique est l’épisème (signe distinctif) d’Apollon. Sur notre exemplaire, nous avons trois cordes montées sur le cadre. Nous avons l’explication de notre pièce qui est donc une hémidrachme (demi-drachme ou 3 oboles) dont la caractéristique est d’avoir la cithare (lyre) placée dans un cadre, surmontée de la légende « Λυκιων », des Lyciens. L’instrument est accosté des lettres M-A, pour l’une des cités de la Ligue, Masicytes qui est en fait ici un district. Dans le champ inférieur gauche, nous trouvons un asphlaton (symbole caractérisant une victoire navale et qui se trouvait placé à la poupe des navires de guerre grecs). Masicytes était la région centrale montagneuse au sud de la Lycie à l’est du Xanthos. Myra était la capitale fédérale de la ligue lycienne et le principal lieu émetteur pour Masicytes. Myra est citée par Strabon parmi les six villes importantes de Lycie. La ville tirait son nom de la rivière éponyme Myros et était située à son embouchure, en bord de mer. La cité, importante d'un point de vue économique, ne semble pas connue monétairement avant 168 avant J.-C. Son monnayage dura jusqu’au IIIe siècle de notre ère. Le monnayage de la quatrième période comporte 7 émissions ou séries, comportant des drachmes et des hémidrachmes et des quarts de drachme « Hemikitharephoroi ». La fabrication des monnaies pour Masicytes débute dès la 1re série et se poursuivra jusqu'à la 7e série. Notre drachme appartient à la 7e et dernière série qui comporte d’après le RPC I, 3412, 92 pièces avec 62 coins de droit. Pour notre variété (RPC 3412c) avec ce symbole, l’asphlaton, les auteurs du Roman Provincial Coinage ont recensé 8 exemplaires. Notre exemplaire correspond aussi au n° 151, p. 161 du classement d’H. Troxell qui avait recensé 10 exemplaires avec 9 combinaisons, 9 coins de droit et 9 coins de revers. Ce type est frappé entre la fin du Ier siècle avant J.-C. et le début du Ier siècle après J.-C. C’est une monnaie grecque par ses types et légendes, mais déjà une monnaie provinciale par sa datation. Claude (41-54) mettra fin à la Ligue lycienne. Nous espérons que cet exercice vous aura permis de découvrir un monnayage riche et intéressant et que vous ne regarderez plus jamais un plintophore, qu’il soit rhodien, carien, lycien ou macédonien avec les même yeux. Et d’autre part, chaque fois que vous verrez une lyre ou une cithare, souvent confondues, vous penserez à Apollon et aux citharéphores ! Marie BRILLANT et Laurent SCHMITT VOCABULAIRE : PLINTOPHORE OU CITHARÉPHORE ?

RkJQdWJsaXNoZXIy MzEzOTE=