Bulletin Numismatique n°244 59 Nous avons eu l’occasion dans les colonnes du Bulletin Numismatique (BN 244) d’évoquer les prototypes des statères d’or au nom de Phillippe II de Macédoine qui furent largement frappés dans les ateliers macédoniens puis dans ceux d’Asie Mineure entre la seconde moitié du IVe siècle avant J.-C. et le début du siècle suivant. Mais comment ces prototypes grecs sont-ils arrivés en Gaule ? Dans les armées du monde grec, de nombreux mercenaires servaient ceux qui leur offraient une solde et leur autorisaient le pillage après la victoire sur les vaincus. Les Celtes et les différentes tribus thraces ou scythiques furent de ceux-là en tant que cavaliers ou archers ou bien encore troupes auxiliaires qui venaient épauler la phalange. À partir de la fin du IVe siècle avant J.-C. dans les conflits qui opposèrent Diadoques et Épigones, successeurs d’Alexandre le Grand en Europe ou en Asie, chacun d’entre eux eut recours à ce moyen supplétif afin de compléter leurs effectifs. Le troisième siècle avant J.-C. fut marqué par la poussée d’envahisseurs venus des bords de la mer Noire ou des Balkans qui se répandirent dans l’ensemble du monde grec. Ptolémée Keraunos, roi éphémère de Macédoine après Lysimaque, trouva la mort en les combattant. Ces « Barbares » poussèrent leur avantage en s’emparant du sanctuaire sacré de Delphes en 277 avant J.-C. et le pillèrent. Il fallut la ténacité d’un Antigone Gonatas pour les arrêter et les refouler, ce qui lui apporta le trône de Macédoine en récompense de sa victoire. D’autres hordes envahirent l’Asie Mineure et se répandirent sur le plateau anatolien jusqu’à Ancyre (Ankara). Ces envahisseurs, les Galates, se fixèrent sur place et la région qu’ils occupaient devint la Galatie et la Phrygie. Ceux qui après ces raids repartirent avec du butin avaient dans leurs bagages des monnaies d’or et d’argent dont nos fameux statères d’or des « Philippe » qu’ils utilisèrent avant de les copier, d’abord servilement, puis de les imiter en s’inspirant de leurs croyances avec une libre interprétation des modèles et des types, à l’origine de la diversité des copies, origine de « génie gaulois » que devaient redécouvrir deux mille ans plus tard, les Surréalistes dont André Breton qui s’empara de ces « images » et les collectionna dans les années 50-60. C’est ainsi que notre statère a été directement copié sur un prototype de l’atelier d’Abydos (Troade) et que le modèle dont il s’inspire fut frappé sous Philippe III entre 319 et 318 avant J.-C. jusqu’à l’extrême fin du IVe siècle avant J.-C. Notre exemplaire semble avoir été emprunté à la neuvième série du classement de H. Troxell de l’atelier d’Abydos (n° 126, pl. 24) qui présente au revers un épi de blé couché à droite et un monogramme (AP) sous le bige auquel s’est adjoint un petit foudre sous les jambes des chevaux. GAULE, INCERTAINES (IIIe-Ier siècles avant J.-C.) Statère de Philippe II, imitation celtique type de « Montmorot » groupe 3, classe I, IIIe siècle avant J.-C. (Or, 8,33 g, 19 mm, 7 h) A/ Anépigraphe Tête laurée à droite, imitant la tête d’Apollon. R/ ϕΙΛΙΠοΙΥ (de Philippe). Bige galopant à droite, les chevaux bondissant ; l’aurige, audessus de la roue du char, tient un fouet ; monogramme AP sous les chevaux. LT 3614 – DT Série 800, 3002-3003 – Z 393 - Sch/L 300 Sills 71-72 Lambert II 1864, pl. II, n° - MONNAIES 28, n° 685 Beau statère bien centré des deux côtés. Portrait de style fin au droit, bien venu à la frappe. Un petit coup est à noter à huit heures au droit, ainsi que sur l’aurige au revers. De fines rayures. Le poids de notre exemplaire avec 8,33 g est dans la moyenne et son titre est supérieur à 93 % d’or. Notre exemplaire présente une homotypie de contiguïté avec l’exemplaire de la vente Burgan du 6 décembre 1992, n° 132. Très rare. TTB+/ TTB 4 500€/7 000€ Ce statère est une dégénérescence du type d’Abydos, avec l’épi de blé en différent au revers (hors flan sur la grande majorité des imitations gauloises). L’attribution aux Helvètes est possible, mais pas certaine, pas plus que celle aux Arvernes ou bien encore une hypothétique attribution aux Carnutes. La concentration des trouvailles, pourtant dispersées, serait plutôt dans l’est de la France. Ce type dit « de Montmorot » (39, Jura) a une large dispersion (cf. Sills p. 27-30 et carte page 28). Les provenances signalées sont en France (14 ex.), en Suisse (4ex.), en Allemagne (1 ex.), au Luxembourg (1 ex.) et aussi en Grande-Bretagne (2 ex.). Les classes établies sont en fonction du module ; classe 1 pour le statère, classe 2 pour l'hémistatère et classe 3 pour le quart. Dans son étude, J. Sills répertorie 41 statères de ce type, tant dans les musées que ceux passés en vente ; il semble avoir isolé 13 coins de droit et 27 coins de revers. Nous renvoyons notre lectorat à l’excellent article de Sylvia Nieto-Pelletier et Julien Olivier, Les statères aux type de Philippe II de Macédoine, RN 2016, volume 173, p. 171-229, en particulier à la page 207 pour l’illustration de notre type. Notre statère d’or appartient à la série 800 du DT III, dérivée de l’atelier d’Abydos et les auteurs l’ont placé dans le centreest et l’est de la Celtique pour sa répartition géographique (DT III, p. 39). Pour L-P. Delestrée et M. Tache : « Le grand ensemble constitué par les dérivés de l’atelier d’Abydos affecte une région assez bien définie, de la Haute-Loire au Rhin supérieur, en particulier, le type de Montmorot avec le monogramme AP ». L’émission est proche du prototype par sa typologie et la masse n’est pas encore très éloignée du modèle (étalon attique, poids théorique, 8,60 g). Le monogramme et les différents, le foudre dans le champ et l’épi à l’exergue sont bien présents. La légende est présente bien que légèrement modifiée avec l’adjonction d’un iota avant l’upsilon. Ce type a été frappé précocement dans le IIIe siècle pour une imitation gauloise, peut-être entre 270 et 250 avant J.-C. Vous l’aurez compris, vous avez là l’occasion d’obtenir l’une des imitations celtiques les plus précoces du prototype grec de l’atelier d’Abydos. Ne laissez pas passer cette opportunité pour un témoignage important de la diffusion du monnayage grec en Gaule et de sa réinterprétation par les graveurs gaulois. Viviane BÉCLIN et Laurent SCHMITT QUAND LES GAULOIS IMITENT PHILIPPE II DE MACÉDOINE
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