Bulletin Numismatique n°244 49 La formule pourrait paraître triviale si elle n’était le reflet de la réalité. Le carpentum (pl., carpenta) [est] « une sorte de véhicule pompeux » (d’après Isidore de Séville). Le mot, peut-être d’origine celtique, n’est pas attesté dans la littérature avant le IVe siècle après J.-C. Si nous le rencontrons sur le monnayage associé à Agrippine, la mère de Caius César (Caligula), ce n’est pas la première fois que ce moyen de transport fait son apparition dans le monnayage romain. Nous le rencontrons une première fois, associé à Livie (58 avant J.-C. – 29 après J.-C.), femme d’Auguste, mère de Tibère (14-37), sur un sesterce dynastique, frappé en 2223, mais où le carpentum est tiré par deux mules à droite avec le nom de Julie, après son adoption posthume dans la gens Julia et renommée comme telle. Nous retrouvons ce moyen de transport pour Domitilla, la femme de Vespasien, sous le règne de Titus, pour le bronze (sesterces), frappé en 80 (RIC II², 262-264) ainsi que pour Julie, fille de Titus, morte en 90 ou 91 dont la mémoire fut restituée par Domitien, son oncle et son amant, après son décès sur des sesterces (RIC II², 717 et 760). On le trouve une dernière fois associé à Faustine mère (+ 141), femme d’Antonin le Pieux (138-161) sur des aurei, des deniers (RIC III, 389) et des sesterces (RIC III, 1141). Excepté pour Livie/Julie, ce chariot, toujours tiré par deux mules sur les monnaies, est réservé à des femmes disparues, Augusta, dont la mémoire a été restituée (Restitutio) ou qui ont reçu la consécration (Consecratio) après leur mort. À deux ou quatre roues, ce mode de transport est réservé aux femmes de haute lignée et aux vestales. Sur notre exemplaire au revers, les détails du moyen de locomotion sont particulièrement détaillés et montrent sa richesse et permettent de se faire une idée de la représentation d’un moyen de transport. Le véhicule, tiré par deux mules avec un habitacle posé sur deux roues, est couvert (toile ou toiture), orné de statues à chaque coin et semble présenter sur notre sesterce un autre véhicule à l’intérieur, posé sur des roues ou parfois sur une frise et orné de deux statues qui aurait pu contenir les cendres d’Agrippine ramenées à Rome, au moment de l’accession de Caligula et déposées dans le mausolée d’Auguste. AGRIPPINE MÈRE (15 avant J.-C. – 33 après J.-C.) Vipsannia Agrippina Agrippine est la fille d’Agrippa et de Julie. Elle est donc la petite-fille d’Auguste. En 5 après J.-C., elle épousa Germanicus, le fils de Drusus et d’Antonia. Elle lui donna neuf enfants dont Caligula et Agrippine jeune. Après la mort mystérieuse de son mari en 19, elle se brouilla avec Tibère. Finalement, elle fut arrêtée en 29 et déportée à Pandateria où elle se laissa mourir de faim quatre ans plus tard. Sesterce, Rome 37-41, restitution de Caius César (Caligula) (Ae, 21,94 mm, 34 mm, 6h) (Taille 1/12 L., poids théorique 27,06 g ; 4 as) A/ AGRIPPINA. M. F. MAT. C. CAESARIS. AVGVSTI « Agrippina Marci Filia Mater Caii Cæsaris Augusti », (Agrippine fille de Marc mère de Caius César auguste). R/ S. P. Q. R. / MEMORIAE / AGRIPPINAE « Senatus Populus Que Romanus/ Memoriæ/ Agrippinæ », (Le Sénat et le Peuple romain/ à la mémoire d’Agrippine). Carpentum à gauche, attelé de deux mules. C 1 – RIC 55 – BMC 81 – BN 131 – SIR 5 - RCV 1827 (8000$) Exemplaire sur un flan idéalement centré des deux côtés. Très beau revers, bien venu à la frappe et finement détaillé. Joli buste. Patine marron avec de légers reflets cuivrés. Très rare. TTB+ 1 500€/ 2 500€ Agrippine mère, morte en 33, n’avait pas reçu les honneurs funèbres. Caligula, à son accession, s’empressa de restituer la mémoire de ses parents : Germanicus et Agrippine. Le carpentum était une voiture à deux roues, couverte d’une capote dont les rideaux se tiraient et normalement tractée par deux mulets. Elle pouvait contenir deux ou trois personnes et était le moyen de locomotion des matrones et des femmes de distinction décrit par les auteurs anciens. C’est aussi un char funèbre destiné aux impératrices ou voiture d’apparat (Suétone : Caligula 15 ; Claude 11). Caligula (Caius César) n’est pas le seul à avoir restitué la mémoire d’Agrippine mère. Claude, le frère de Germanicus et donc son beau-frère, le fit à partir de 50 (RIC I², 102). Mais faut-il rappeler qu’il était aussi son gendre, en ayant épousé Agrippine jeune, sa fille et nièce de l’Auguste. Titus fera une émission de restitution en 80 (RIC II, 231 = RIC II², 431) dans le cadre d’une vaste émission consacrée après la mort de son père, Vespasien, et des principaux acteurs de la dynastie Julio-Claudienne, exceptés Caligula et Néron en y ajoutant Galba pour la période des quatre empereurs. Nous souhaitons que vous prendrez le temps d’examiner ce sesterce et que vous ne verrez plus avec les même yeux ce véhicule d’apparat au nom énigmatique, le carpentum. Marie BRILLANT et Laurent SCHMITT SESTERCE D’AGRIPPINE MÈRE : ARRÊTE TON CHAR !
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