Bulletin Numismatique n°243 49 tableau intitulé « Milon dévoré par le lion », aujourd’hui conservé à l’université de Chicago. Pierre Puget (1620-1694), sculpteur et peintre, le montre ainsi, dévoré par le roi des animaux, dans une composition, conservée au Louvre (Milon de Crotone, 1682). Au XVIIIe siècle, Joseph-Benoît Suvée (1743-1807) immortalise Milon en 1763, dévoré aussi par un lion. C’est peut-être ce tableau qui a inspiré Augustin Dupré pour ses esquisses et son projet, à moins que la sculpture réalisée en 1754, et aujourd’hui elle aussi conservée au Louvre, d’Étienne-Maurice Falconet (1716-1791), n’ait servi de modèle à notre jeune artiste. Cependant, le tableau de Charles Meynier (1768-1832) peint en 1795 avec le titre « Milon de Crotone, voulant essayer sa force est surpris et dévoré par un lion », aujourd’hui au musée des Beaux-Arts de Montréal, a pu lui même être inspiré par l’œuvre de Suvée ou le dessin de Dupré, à un moment où celui-ci était devenu graveur général. Si Milon a connu un regain d’intérêt à la période moderne, c’est dès l’Antiquité et de son vivant qu’il a connu la gloire. Cité par Hérodote, Simonide, Diodore de Sicile, Strabon, Pausanias, Pline l’Ancien, Lucien de Samosate, Philostrate d’Athènes, Eusèbe de Césarée, Jean d’Antioche et bien d’autres jusqu’à la Souda pour l’Antiquité, sa renommée a trouvé une résonance dans les œuvres de Rabelais, Shakespeare, ou Emily Brontë. Mais pourquoi et comment Milon de Crotone a t-il connu une telle « aura » à une époque où il n’y avait aucun média moderne capable de véhiculer son image et sa gloire ? Milon a rayonné dans les jeux panhelléniques pendant trois décennies entre 540 et 510 avant J.-C., dans les épreuves de lutte (palé ou orthopalé = lutte debout), l’une des trois disciplines du combat avec le pugilat et le pancrace où il a remporté la couronne (stéphanè) six ou sept fois aux jeux Olympiques (Olympie) à seize ans pour sa première participation et aux jeux Pythiques (Delphes) où il aurait remporté sa première victoire à quatorze ans en 538 avant J.-C., neuf aux jeux Néméens (Némée) et dix aux Jeux Isthmiques (Corinthe). Il a remporté six fois le titre de « périodonikès » sorte de grand « Chelem », vainqueur du circuit des grands jeux panhelléniques, Olympiques créés en 776 avant J.-C., Pythiques créés en 586 avant J.-C., les Néméens vers 580 et les les Isthmiques en 573 avant J.-C, le tout entre 532 et 512 avant J.-C. Il aurait reçu le titre de « paradoxonikès » vainqueur extraordinaire, à l’image d’Héraclès (Hercule). Comme tout sportif, il aurait été finalement vaincu en 512 avant J.-C., par Timasithéos de Delphes au pancrace et pas à la lutte. Milon, fils de Diotimos, est né dans une famille aristocratique et a reçu une éducation soignée. D’une force considérable (herculéenne) et d’un appétit hors du commun, il a commencé sa carrière dans la catégorie des « paides » (juniors) avant de passer chez les adultes. Si son parcours et son histoire ont été retracés et parfois enjolivés, les sources originales sont peu nombreuses à l’époque archaïque. Il est considéré comme un disciple de Pythagore de Samos (580-495 avant J.-C.), Philosophe pré-socratique et mathématicien, resté célèbre pour les élèves grâce à son théorème que nous continuons d’apprendre et de pratiquer au collège. Exilé, il trouva refuge en Italie du Sud, à Crotone, ville fondée en 709 avant J.-C. Milon aurait épousé sa fille. En 510 avant J.-C., Milon prit la tête de la troupe qui détruisit Sybaris, cité rivale de Crotone, coiffé de la léonté (dépouille de lion) à l’image d’Héraclès et d’un gourdin (massue) et aurait péri peu après. disponible sur la boutique Cgb.fr Milon aurait finalement été victime de « l’Hybris » (la démesure) et ainsi marquerait le contrepoint à sa force « herculéenne » qui ne pouvait mener qu’à une fin tragique, le contraire de l’esprit olympique de gagner pour l’honneur de sa cité, quel qu’en soit le prix, le contraire du principe de l’éducation de tout jeune grec : « kalos kalathos ou kalos kai agathos » (beau et bon) ! Laurent SCHMITT et Philippe THÉRET Lf 2021 : 75€ AUGUSTIN DUPRÉ & MILON DE CROTONE : UN CLIN D’ŒIL OLYMPIQUE !
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