Bulletin Numismatique n°243 30 Pourquoi avons-nous choisi deux tétradrachmes syrophéniciens de l’atelier d’Antioche, l’un pour Septitme Sévère, l’autre pour Caracalla dans la boutique « Provinciales » ? Ils présentent tous les deux la particularité d’avoir la Tyché d’Antioche. La Tyché dans l’Antiquité gréco-romaine représente la Fortune (Fortuna). Elle symbolise la prospérité et de la cité d’un état ou d’une ville, ici en l’occurrence, Antioche. La cité d’Antioche a été édifiée par Séleucus Ier (323-312-281 avant J.-C.), fondateur de la dynastie séleucide (323-63 avant J.-C.) qui créa cette nouvelle ville en 300 avant J.-C. après la victoire d’Ipsos sur Antigone Ier Monophtalmos (le Borgne) en mémoire de son père Antiochis. Antioche devait devenir une des cités les plus importantes de la région, la capitale du Royaume de Syrie sous la monarchie séleucide et la troisième ou quatrième ville en importance sous l’Empire romain. La statue originale de la Tyché d’Antioche est due à Eutychidès de Sicyone, élève de Lysippe qui vécut au IVe siècle avant J.-C. Elle montre la Tyché assise sur un rocher, coiffée de la couronne murale, voilée et drapée ; à ses pieds se trouve la représentation sous la forme d’un jeune homme nageant, de l’Oronte, le fleuve qui coule au pied de la ville. Elle inspira de nombreuses copies dans les villes de Syrie et de l’Orient méditerranéen. La statue originale fut détruite lors du séisme survenu en 115 sous le règne de Trajan. Une copie en marbre fut réalisée d’après le modèle original sous le règne d’Hadrien. La représentation sur les monnaies de la période sévérienne est la copie de la deuxième statue de la Tyché d’Antioche, réalisée à la demande d’Hadrien après la destruction de la première. Ces deux rares tétradrachmes frappés à Antioche entre 202 et 205 présentent la particularité d’être tous les deux mis sous coque (slab, NGC pour le grading). Le monnayage sévérien débute tardivement à Antioche qui, lors de la guerre civile, au moment de la proclamation de Septime Sévère, avait pris le parti de son adversaire, Pescennius Niger (avril 193 – avril 194). La seconde épouse de Septime Sévère, princesse syrienne, était originaire d’Émèse, fille du grand prêtre du culte de la Pierre Noire. Après les défaites de Cyzique (fin 193), de Nicée (début 194), la perte de l’Égypte à compter du 13 février 194 et la défaite finale d’Issos le 31 mars 194, Pescennius Niger s’est retranché à Antioche où il est finalement éliminé. En représailles, outre la Damnatio memoriae du vaincu et l’élimination de ses amis et alliés, Antioche est punie pour avoir soutenu le séditieux et son atelier est fermé. Il est remplacé dans la région par les atelier impériaux d’Émèse (193/4-195), de Laodicée ad Mare (sur Mer) (194-202/ 204) et d’Alexandrie (194-195). La situation change après le voyage de Septime Sévère et de sa famille, Julia Domna, Caracalla et Géta. Septime Sévère revêt son troisième consulat et Caracalla son premier à Antioche, le 1er janvier 202, date qui coïncide avec la réouverture de l’atelier provincial. Si le tétradrachme de Septime Sévère a bien été frappé peut-être à cette occasion, celui de Caracalla qui porte la mention du deuxième consulat permet de dater notre tétradrachme de 205, lors de son second consulat pris à Rome le 1er janvier 205. Antioche redevient l’atelier principal de la région au dépend de Laodicée. Septime Sévère naît en 146 à Leptis Magna en Afrique (Libye). Après une brillante carrière militaire sous les règnes de Marc Aurèle et de Commode, il est consul suffect en 185. Au moment de la mort de Pertinax, il est gouverneur de Pannonie supérieure. Acclamé empereur le 13 avril 193, il élimine rapidement Dide Julien, son compatriote (28 juin), et associe au pouvoir Albin comme césar avant de combattre Pescennius Niger en Orient. En 195, il entre fictivement dans la famille antonine en se faisant adopter post-mortem. Il bat et fait exécuter Niger et mène une brillante campagne en Arabie. En 197, il se débarrasse de son dernier adversaire, Albin, qui s’est proclamé auguste. Sévère prépare l’établissement de sa dynastie en donnant en 194 le titre d’Augusta à Julia, sa femme, de César à Caracalla, en 196, puis d’Auguste en 198 lorsque Géta, son second fils, devient César, puis Auguste SEPTIME SÉVÈRE & CARACALLA : DEUX TÉTRADRACHMES POUR ANTIOCHE
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