Bulletin Numismatique n°242 38 Dans la prochaine Live Auction du 4 juin 2024, nous vous proposons deux « Histamena Nomismata » de Nicéphore II Phocas (16 août 963 – 10 décembre 969). C’est l’occasion pour nous de revenir sur l’histoire de ce règne, sur le remplacement du solidus par l’Histaménon nomisma et l’introduction d’une nouvelle dénomination monétaire, le tétartèron « tetarteron », plus légère (22 « kératia » carats, poids : 4,05 g). Nous évoquons aussi des termes qu’il faut expliquer comme Pentocrator, nimbe crucigère, chiton et himation pour le droit ou divitision, loros et chlamyde sans oublier croix patriarcale pour le revers ! Au très long règne de Constantin VII (913-959), succéda son fils Romain II (959-963) époux de Théophano et père de Basile II (976-1025) et de Constantin VIII (1025-1028). Dans ce contexte, Nicéphore, fils de Bardas et frère de Constantin et de Léon, appartient à la famille aristocratique des Phocas. Né en 912 sous le règne de Léon VI (886-912), militaire de grande valeur, il entame une carrière qui va le mener jusqu’aux portes du pouvoir. À la fin du règne de Romain II, il remporte de grandes victoires et reconquiert la Crète (960-961) et la plus grande partie de l’Anatolie et de la Cilicie. Ses campagnes le mènent à Alep et jusqu’aux portes d’Antioche (961-963). À la mort de Romain II en mars 963, ses fils sont mineurs et une régence est mise en place. La lutte pour le pouvoir s’engage et Nicéphore, auréolé de ses victoires, fait une entrée triomphale à Constantinople. Cinq mois après la mort du Basileos, le 16 août 963, Nicéphore II Phocas est couronné à Sainte-Sophie avec Basile et Constantin, les fils de Romain II. Peu après, il épouse Théophano, sa veuve. Devenu empereur, il part à la reconquête des territoires perdus en Orient avec succès, mais sans lendemain. Si Antioche est temporairement réoccupée, sa politique en Occident est plus controversée. Il doit faire face au Saint-Empire Romain Germanique sous la férule des Ottonides avec Othon Ier (912-973, roi en 936, couronné empereur en 962). Nicéphore II Phocas est finalement assassiné dans des conditions rocambolesques à l’instigation de Jean Tzimisces, parent de l’empereur et peut-être nouvel amant de l’impératrice le 10 décembre 969. Jean Ier est proclamé basileos le lendemain. Basile et Constantin succéderont à Jean Ier, mort de la typhoïde le 10 janvier 976. Le premier, Basile II, surnommé le « Bulgaroctone » (tueur de Bulgare) régnera pendant près de cinquante ans jusqu’en 1025 et son frère, Constantin VIII pour trois ans jusqu’en 1028. La dynastie macédonienne fondée en 867 avec Basile Ier (867-886) survivra encore jusqu’en 1056 avec le décès de Théodora, dernière représentante de la dynastie ! Cette période nous est bien connue grâce aux sources comme Léon le Diacre, Jean Skylitzès et Michel Psellos avant d’être immortalisée à une époque plus récente par Gustave Schlumberger (1844-1929) grand byzantiniste et numismate qui lui consacra un ouvrage publié en 1923. Nous renvoyons nos lecteurs au Bulletin Numismatique pour une introduction sur le monnayage byzantin de cette période (BN 231, p. 23-24). Nous avons déjà eu l’occasion d’aborder la création du solidus et son maintien jusqu’à la réforme d’Alexis Ier Comnène en 1092. Nicéphore, en transformant le nom du solidus créé par Constantin Ier vers 309/310 en histamenon nomisma? n’a pas modifié ni son poids (4,51 g), ni son titre (pur au-dessus de 95 % d’or). Il a légèrement allégé son poids autour de 4,30 g et créé une nouvelle dénomination, le tétartèron, plus légère de 10 % (4,05 g) et d’un titre un peu plus faible (autour de 95 % d’or au départ) afin de faciliter les échanges commerciaux et le change avec les monnaies musulmanes. Quant aux différents termes utilisés dans cet article, nous renvoyons principalement au glossaire de l’ouvrage de Cécile Morrisson, Byzance et sa monnaie (IVe – XVe siècle), Paris, 2015, p. 193-198. Pour Pentocrator, on fait référence au Christ en majesté (gloire) en buste qui se trouve généralement dans les églises byzantines. Le nimbe crucigère qui coiffe le Christ est une sorte d’auréole qui contient une croix et entoure le visage du Christ. Le Christ est vêtu du chiton, tunique grecque longue avec l’himation qui est un manteau drapé sans manches. Au revers Nicéphore est vêtu du divitision, tunique militaire et du loros, manteau impérial orné de pierreries. Quant à Basile, il porte la chlamyde qui est un manteau attaché sur l’épaule, le plus souvent par une fibule (crucigère), laissant le bras libre de ses mouvements. Enfin la croix partriarcale placée entre les deux personnages signale la fonction d’archevêque en général, en l’occurrence ici, la prédominance de l’Église de Constantinople avant la rupture avec Rome en 1054 (Grand Schisme). L’ensemble de ces termes permet de mieux comprendre la symbolique de ces monnaies qui sont de véritables icônes miniatures. Enfin « last but not least », Nicéphore, nicephoros en grec, est celui qui est victorieux ! Histamenon nomisma, Constantinople, 964-965 (Or, 4,35 g, 19,5 mm, 6) (taille 1/72 L., poids théorique 4,51 g ; 7200 noummia) QUAND UN NICÉPHORE PEUT EN CACHER UN AUTRE !
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