Bulletin Numismatique n°242 30 Quel est le point commun entre la ville grecque de Thurium (Thourioi) et Auguste ? Cherchez un peu et nous vous donnerons la solution à la fin de cet article. En revanche quel est le point commun entre Sybaris et Thurium ? Le lecteur pourrait s’interroger sur la pertinence de cette question. Le mot sybarite est devenu un nom commun, même si il est moins utilisé aujourd’hui pour désigner une personne adonnée aux plaisirs de toutes sortes. Avant 510 avant J.-C., c’était aussi le nom des habitants de Sybaris, cité grecque fondée en 720 avant J.-C. par des colons Achéens dans la plaine fertile du golfe de Tarente. C’était la cité la plus riche de la région. Le luxe des Sybarites était proverbial. Membre de la Ligue italiote (ou achéenne) que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer dans nos colonnes, Sybaris dominait 25 cités et faisait partie d’une symmachie (union monétaire, la plus ancienne dans l’Antiquité), peut-être initiée par Pythagore (Samos, 580 a. C. – Métaponte, 495 a. C.), oui celui du théorème et qui s’était installé en Italie du sud. L’épisème (symbole) de la cité qui est représenté au droit de son monnayage était un taureau debout à gauche, détournant la tête. Mais quel rapport y a-t-il avec notre sujet ? J’y viens. La cité de Sybaris était florissante et dominait la région et les cités voisines. Son opulence et la « mollesse » des Sybarites (habitants de la cité) et leur style de vie soulevèrent la réprobation. Finalement, les Crotoniates (habitants de Crotone, dont Milon athlète fameux, vainqueurs à tous les grands Jeux Grecs dont les Olympiades entre 530-510 a. C.), leurs anciens alliés, détruisirent la cité en 510 avant J.-C. Fin de l’histoire ? Non, car les exilés refondèrent leur cité disparue vers 467 avant J.-C. (Sybaris II) mais la cité retomba sous la domination crotoniate après un siège. En 453 avant J.-C., une nouvelle tentative fut entreprise afin de recréer la cité (Sybaris III). Une nouvelle fois ce fut un échec, mais des exilés sybarites envoyèrent des ambassades à Sparte et à Athènes afin de demander leur aide. Une fois cette aide obtenue, les nouveaux venus (colons) se virent refuser les mêmes droits que les autres. C’est à ce moment que Thurium fait son apparition. Opposés à la refondation d’une nouvelle Sybaris, une partie des habitants et leurs alliés grecs fondèrent une colonie panhellénique en 446 avant J.-C. Devant l’intransigeance des Sybarites, Athéniens et Péloponnésiens se débarrassèrent de leurs alliés et fondèrent à côté de l’ancienne cité, Thourioi (Thurium en latin) en 443 avant J.-C. Quant à l’ancienne Sybaris, elle devait disparaître à la fin du Ve siècle avant J.-C. Cette nouvelle polis (ville) comportait des contingents venus de l’ensemble du monde Égéen (Achéen, Éolien, Ionien et Dorien), mais avec un important contingent de Mésséniens, habitants du Péloponnèse, chassés par les Spartiates. Athènes se considérait comme la protectrice et la cité mère de la nouvelle ville, raison pour laquelle au droit nous trouvons la tête d’Athéna et au revers, le taureau, emprunté au monnayage de l’antique cité achéenne, Sybaris. Un conflit entre les différentes ethnies grecques éclata en 434 avant J.-C., et seule la consultation de l’oracle de Delphes sauva la cité de nouvelles destructions. D’abord neutre pendant la première phase de la guerre du Péloponnèse (431-404 a. C.), Thourioi se rallia à Athènes après le désastre de Sicile en 413 avant J.-C. (expédition de Nicias). À partir de la fin du IVe siècle avant J.-C., Thourioi se trouva confrontée aux Lucaniens (peuple d’origine osque) et aux visées de Syracuse et du tyran Denys l’Ancien. Thurioi réunit autour d’elle une confédération afin de juguler ces deux dangers en 393 avant J.-C. D’abord victorieuse en 390 avant J.-C., elle dut s’incliner. La ville fut prise par les Brettiens (autre tribu osque) à la fin des années 350 avant J.-C. Elle recouvra son autonomie avec l’aide d’Alexandre I le Molosse, roi d’Épire (334-331 avant J.-C.) qui trouva finalement la mort en combattant les Lucaniens et les Brettiens. Au moment de l’intervention de Pyrrhus, autre roi d’Épire en Italie du sud (281-275 avant J.-C.), la cité tomba après son départ sous la domination des Brettiens en 268 avant J.-C. Thourioi fit alliance avec Rome, ce qui lui fut profitable. Elle rallia Tarente en 212 avant J.-C. et la cause carthaginoise. La cité fut finalement détruite par les Carthaginois avant qu’Hannibal ne quitte l’Italie du sud pour rejoindre l’Afrique. Fin de l’histoire ? Non, car la cité fut reconstruite, refondée en 194 avant J.-C. sous le nom de Copia par les Romains avant de reprendre son ancien nom latinisé (Thurium) sous lequel nous la connaissons, mais ne retrouva jamais sa splendeur passée. Mais le lien avec Auguste, quel est-il ? Le jeune Caius Octavius (futur Auguste), fils de Caius Octavius et d’Atia, nièce de Jules César, naquit à Thurium le 23 septembre 63 avant J.-C., sous le consulat de Cicéron, mais c’est une autre histoire ! Dans la Live Auction du 4 juin nous vous proposons un dinomos (deux statères ou tétradrachme) et un nomos (statère ou deux drachmes) de la cité . En réalité, c’est le nomos qui est la pièce la plus ancienne frappée peu de temps après la fondation de la nouvelle cité. Quant à la seconde, elle est fabriquée dans la première moitié du IVe siècle avant J.-C. Nomos, statère ou didrachme, Thurium, Lucanie, 443400 avant J.-C. THURIUM (THOURIOI) : DU MONDE GREC À AUGUSTE !
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