Bulletin Numismatique n°241 58 Il n’y a pas plus courant que les monnaies de Marseille avec la tête du Lacydon ou d’Apollon à gauche ou à droite qui sont légion et se rencontrent très facilement. Ce monnayage est pratiquement inépuisable et les variétés relevées innombrables. Cependant l’exemplaire que nous soumettons à votre sagacité est infiniment plus rare et c’est même la première fois que nous le proposons à la vente. Si au revers, les lettres M et A aux extrémités bouletées des 3e et 4e cantons semblent anodines, il n’en n’est pas de même pour le droit. Notre exemplaire appartient à une série qui a fait couler beaucoup d’encre au niveau de sa chronologie. Ces oboles sont placées très haut par Claude Brenot en 1981 entre 390 et 218 avant J.-C., datation confirmée dans son catalogue des monnaies du musée des Beaux-Arts de Lyon en 1996. Tandis que Georges Depeyrot abaisse cette chronologie dans les années 215-200 avant J.-C. Guy Maurel quant à lui, en place la fabrication entre 220 et 150 avant J.-C. Enfin les auteurs du Dicomon (Michel Feugère et Michel Py) s’appuient sur le TPQ du trésor I d’Entremont (obole avec ΠΑΡ) et en placent la fabrication entre 200 et 125 avant J.-C. C’est bien cette dernière datation qui doit être retenue pour notre exemplaire. Les trois oboles de la Bibliothèque nationale de France pèsent respectivement 0,53, 0,52 et 0,52 g et 0,59 g, ce qui semble indiquer un fabrication antérieure à 121 avant J.-C., date après laquelle la masse des oboles va s’alléger. L’ensemble de ces oboles avec inscription dans le favori plutôt que la barbe indiquée par Depeyrot portent les lettres MA, ΠΑΡ ATΡI auxquelles Maurel ajoute les signatures AOH, EΠ, KIN ετ TAO (Maurel 2022, 425-432) et qui sont interprétées comme des marques de « graveurs ». Pour notre type, les auteurs du Dicomon ne signalent pas de trouvaille isolée pour un type qui semble rester, encore aujourd’hui, l’un des plus rares des oboles massaliètes ! MARSEILLE – MASSALIA (Ve – Ier siècle avant J.-C.) Marseille, la « Massalia » des Grecs, fondée par les Phocéens en 600 avant J.-C., est née de la volonté des Grecs de promouvoir des comptoirs commerciaux afin de rivaliser avec les Carthaginois et les Étrusques pour la domination de la Méditerranée occidentale. Marseille n’est absolument pas une création celtique ou gauloise et appartient au monde grec. Entre le Ve et le Ier siècle avant notre ère, Marseille et son arrière-pays connaissent un développement sans précédent. La montée en puissance de Rome, à partir de la première guerre Punique (268-241 avant J.-C.), et le choix stratégique de Marseille, qui joue Rome contre Carthage, vont redonner, dans la seconde moitié du troisième siècle avant notre ère, un rôle prépondérant à Massalia dans le commerce international de la Méditerranée occidentale. Le deuxième siècle avant notre ère marque le déclin de la cité phocéenne. Alliée privilégiée des Romains, Marseille a, grâce à eux, réussi à imposer son pouvoir dans l’arrière-pays marseillais. Les Romains, en arrêtant les Cimbres et les Teutons, ont sauvé le sud de la Gaule des invasions. À partir de 118 avant J.-C., la situation change et la Provincia devient une province romaine. Les marchands marseillais entrent en concurrence avec les commerçants romains en Espagne, en Corse, en Sardaigne et en Sicile. Néanmoins, ils restent les alliés des Romains jusqu’au Ier siècle avant notre ère. C’est le début de la guerre civile qui oppose César à Pompée en 49 avant J.-C., guerre qui sera fatale à la cité. Marseille ne sut pas choisir entre les deux protagonistes. César assiégea et prit la ville, ne pouvant souffrir que ses voies de communication entre la Gaule et l’Italie puissent être coupées. La flotte de Marseille était encore trop importante pour qu’elle puisse tomber entre les mains de son mortel ennemi, Pompée. Conquise, la ville ne fut néanmoins pas pillée et resta un port important au début de la domination romaine. Restée hellénique, elle ne fut jamais réellement assimilée à la Gaule romaine et garda une sorte de statut indépendant, mêlée de cosmopolitisme où toutes les religions croisaient tous les peuples pour le plus grand bénéfice du commerce marseillais. Obole signée ATPI dans les favoris, Marseille, c. IIe siècle avant J.-C. (Ar, 0,59 g, 9,50 mm, 6 h) (étalon campanien, poids théorique 0,63 g) A/ ATPI (signature verticale dans les favoris) Tête juvénile à gauche du dieu fleuve (le Lacydon ?) ; légende à la place des favoris R/ M|A dans les 3e et 4e cantons Roue à quatre rayons. Jolie monnaie, exceptionnelle de par sa rareté, frappée sur un flan court et légèrement décentré au revers. De jolis détails. Patine grise. OBOLE DE MARSEILLE AU FAVORI ÉPIGRAPHE (ATPI)
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