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Bulletin Numismatique n°241 52 Un énigmatique sesterce de Julia Domna frappé sous le règne de son fils Caracalla nous a interpellé dans la prochaine Live Auction du 4 juin 2024. Au premier abord, il semble anodin, cependant regardez bien au revers sa légende, IVNONEM. Ce type de légende se rencontre rarement dans le monnayage romain plutôt habitué au nominatif, au génitif, voire au datif. Mais le recours à l’accusatif est beaucoup plus rare et significatif. Nous allons essayer de voir et de comprendre pourquoi et à quelle occasion ce bronze a t-il pu être frappé. Le revers s’adresse à Junon, épouse de Jupiter qui appartenait à la triade, composée outre d’elle même, du premier nommé et de Minerve (Athéna) qui lui est adjointe. On évoque parfois à propos de cette triade, la mention de capitoline car le premier temple se trouvait sur le Capitole (Regio VIII, Forum Romanorum). Iuno Regina (Junon reine) possède son temple qui lui est propre dans la Regio IX (Circus Maximus). Si le revers classique IVNO se rencontre souvent pour Julia Domna aussi bien sous le règne de son époux Septime Sévère à partir de 209 et sous celui de son fils Caracalla en 213, le revers lié à IVNO REGINA, lui, n’est frappé qu’au début du règne de Septime Sévère en 195. Le type avec IVNONEM n’est actuellement recensé que pour le quinaire pour l’argent (H2 /1377, King RQ 7, 3 ex.), le sesterce (H2/ 1345), le dupondius (H2/ 1349) et l’as (H2/ 1354) pour le monnayage de bronze. Ces monnaies d’après P. V. Hill, The Coinage of Septimius Severus and his family of the Mint of Rome AD 193217, 2e ed., London, 1977 n’auraient été frappées qu’en 213. L’endroit où la statue aurait été érigée n’est pas clairement identifié (P. V. Hill Monuments, The Monuments of Ancient Rome as coins types, London, 1898, p. 127). Une autre légende associée à Cérès cette fois-ci (CEREREM) est aussi liée à Julia Domna, mais cette fois-ci en 212 pour le dupondius (H2/ 1319 et 1320) et l’as (H2/ 1322). Elle pourrait bien être consacrée à une statue dont l’emplacement est lui aussi inconnu. Nous ne serions pas complets, si nous ne faisions pas mention d’une série importante de monnaies comprenant tous les métaux (or, argent et bronze) associés aux titres que reçut Julia Domna après la mort de Septime Sévère en 211, à savoir : MAT AVGG MAT SEN MAT PATR, pour « Mater Augustorum, Mater Senatus, Mater Patriæ », (Mère des Augustes, Caracalla, et Géta, Mère du Sénat et mère de la Patrie), seule Augusta à avoir reçu ces titres et dont une inscription a été retrouvée sur la Via Sacra (Hill Monuments, p. 73) et qui pourrait avoir donné lieu à l’érection d’une statue (Hill Monuments n°128). Mais la légende de ce derniers type n’est pas à l’accusatif. En revanche, il se pourrait bien que les légendes CEREREM et IVNONEM, toutes deux à l’accusatif, fassent bien référence à des statues érigées à Rome. Cérès et Junon pourraient être, peut-être, alors identifiées à Julia Domna qui avait déjà reçu de nombreux titres honorifiques ? JULIA DOMNA (+ 217) femme de Septime Sévère, mère de Caracalla et de Géta Augusta (194-217) Julia Domna Julia Domna est originaire d’Émèse en Syrie et fille du grand prêtre du Baal d’Émèse. Septime Sévère l’épouse vers 180 et elle lui donne deux fils, Caracalla, né à Lyon en 188, et Géta, né en 189. Elle est proclamée Augusta en 194, accompagne l’empereur dans ses déplacements et reçoit donc le titre de « mère des camps ». Pendant l’expédition de Bretagne, elle est régente à Rome. Après la mort de Septime Sévère, elle reçoit de nouveaux honneurs, Mère du Sénat et Mère de la Patrie, et les titres de Pia Felix (pieuse et heureuse). En 212, Géta est assassiné par son frère dans les bras de Domna. Pendant les expéditions germaniques et parthiques de Caracalla, Domna reste à Rome. Après la mort de son fils, elle est exilée par Macrin et meurt peu après. Elle est divinisée par Élagabal. Sesterce, Rome 213, 2e ém., 6e off. (Æ, 25,10 g, 33 mm, 12 h) (taille 1/12 L., poids théorique : 27,06 g, 4 as) A/ IVLIA PIA - FELIX AVG « Iulia Pia Felix Augusta », (Julie pieuse heureuse augusta). Buste drapé de Julia Domna à droite, vu de trois quarts en avant, la chevelure en tresses, ramenées derrière la tête (L). R/ IVNONEM/ S|C « Iunonem », (de Junon). Junon voilée debout à gauche, tenant une patère de la main droite et un sceptre de la gauche ; à ses pieds à gauche, un paon debout à gauche. C 90 (12 f.) – RIC 585a – BMC/RE V 208 – Hill 1345 – MAR 176 – RCV 7114 (900$) Bel exemplaire sur un flan large et bien centré. Très joli buste de Julia Domna ainsi qu’un beau revers. Patine marron-vert. TTB+ 750€/1 200€ La légende du revers à l’accusatif (ad Iunonem) représentant Iuno Regina peut faire référence à une statue cultuelle d’après P. V. Hill, Monuments, p. 94. Les légendes à l’accusatif restent exceptionnelles dans le monnayage romain et deux d’entre elles sont associées personnellement à Julia Domna, femme du divin Septime Sévère et mère de Caracalla car ces deux types de légendes ne font leur apparition qu’après la disparition de Géta en décembre 211 ou février 212, nouveaux titres associés à l’Augusta et qui firent peut-être l’objet de l’érection d’une statue, dans un lieu inconnu de Rome ou plus certainement dans le temple de Iuno Regina pour IVNONEM et peut-être dans un temple dédié à Cérès pour la seconde, allez savoir. Dans les deux cas, ce type reste très rare et très intéressant épigraphiquement. Marie BRILLANT et Laurent SCHMITT UNE STATUE POUR JULIA DOMNA !

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