Bulletin Numismatique n°241 50 Un aureus de l’empereur Trajan nous a interpellés dans la prochaine vente du 4 juin 2024 avec un revers inhabituel REST. ITAL pour « Restitutori Italiæ » (au Restaurateur de l’Italie). Après vérification dans les ouvrages de référence, ce type est rare. Il cotait 100 francs or dans le deuxième volume de H. Cohen en 1880, soit plus de deux fois le prix d’un aureus courant de cet empereur (45 f. or). Ce type n’est connu que pour l’or. Lui sont associées des monnaies de bronze (sesterce, dupondius et as (MIR 14/ 366369), mais pas d’argent. Nous sommes très certainement en présence d’une monnaie de donativum ou de congiaire, mais aucun n’est signalé à cette date, le dernier date de 107 (GONG III). Dans l’ouvrage de référence (MIR 14/ 349f), Woytek ne signale qu’un seul buste identifié pour le revers et il n’en connaît que 23 exemplaires dont de nombreux exemplaires liés par les coins comme le prouve le nôtre, ce qui est assez exceptionnel. Souvent, plusieurs bustes sont associés à un revers, ce qui semblerait indiquer que la fabrication de ce type se trouve isolée dans la production de l’atelier de Rome. B Woytek souligne dans son commentaire (MIR 14/ p. 133) le lien qui existe entre ce revers et ceux liés aux revers ALIM ITAL et AQVA TRAIANA, en particulier au niveau des bronzes (MIR 14/ pl. 78 (ALIM. ITAL), pl. 79 (AQVA TRAIANA) et p. 81 (REST. ITAL), monnaies qui seraient plutôt datées entre décembre 108 et décembre 109, la dédicace de l’AQVA TRAIANA pouvant être datée du 24 juin 109 d’après les Fastes d’Ostie. Dans le volume II du Typenatlas de F. Schmidt-Dick, ce type n’est pas retenu. Il serait le premier faisant référence à la « Restitutio » d’une province avant Hadrien et Marc Aurèle pour l’Italie. TRAJAN (27 octobre 97 – 8 juillet 117) Auguste (25 janvier 98 – 8 juillet 117) Marcus Ulpius Traianus Trajan naît le 18 septembre 53 à Italica, près de Séville en Espagne, comme son pupille Hadrien. Il appartient à une famille de colons installée en Espagne. Après une brillante carrière militaire sous les Flaviens, il est consul en 91 et légat de Germanie supérieure quand il est adopté par Nerva en 97 pour lui succéder. Après la mort de ce dernier, il devient Auguste. Son règne va être consacré à de nombreuses campagnes militaires contre les Germains sur le limes rhénan, ce qui lui vaut le titre de Germanicus. Puis, il mène deux guerres daciques contre Décébale qui se terminent par l’annexion de la Dacie. Trajan prépare une campagne contre les Parthes, les turbulents et puissants voisins de l’Est. Il quitte Rome pour l’Orient et établit son quartier général à Antioche avant d’envahir le royaume parthe. Il ira jusqu’à Ctésiphon (Séleucie sur le Tigre). À sa mort, le 8 août 117, l’Empire est à son apogée et connaît sa plus grande extension territoriale. Aureus, Rome, 109 ? ou 111, groupe 11 (Or, 7,25 g, 19 mm, 7 h) (taille 1/45 L. poids théorique : 7,22 g ; 25 deniers) A/ IMP TRAIANO AVG GER DAC P M TR P. « Imperatori Traiano Augusto Germanico Dacico Pontifici Maximo Tribuniciæ Potestate », (À l'empereur Trajan auguste germanique dacique grand pontife revêtu de la puissance tribunitienne). Buste lauré, drapé et cuirassé de Trajan à droite, vu de trois quarts en arrière (A*2). R/ COS V P P S P Q R OPTIMO PRINC// REST. ITAL « Consul Quintum Pater Patriae Senatus Populus Que Romanus Optimo Principi, Restitutori Italiæ », (Consul pour la cinquième fois, Père de la Patrie, au nom du Sénat et du Peuple romain au meilleur des princes, au restaurateur de l’Italie). Trajan en toge debout tourné vers la gauche, tenant un rouleau de la main gauche et relevant l’Italie agenouillée portant un globe ; entre eux, un enfant les mains tendues vers l’empereur. C II/ 51/2, 326 var. (100f. or) – Strack 162 -RIC II/ 251, 106 – BMC III/ 85, 404 - Hill 494 (110, 15 Fifteenth anniversary) – BN 431 - Calico 1080 - MIR 14/ 349f (23 ex.) – Trèves (trésor de) n° 1892 Bel exemplaire sur un flan idéalement centré des deux côtés. Joli buste de Trajan, bien venu à la frappe. Revers agréable. Métal légèrement griffé dans le champ au revers. Patine de collection. TTB+ 4 000€/8 000€ Légende de droit et de revers partiellement ponctuée. Monnaie montée anciennement. Même coin de revers que l’exemplaire du British Museum (BMC III/ 85, 404, p. 15/ 19, 7,36 g, 6 h) que l’exemplaire du DMMA/ BnF (AF 542), n° 431, pl. 23 (7,20 g, 7 h) et que l’exemplaire de la collection Jameson II, 1913, n° 90 = Ma&M X, 151, n° 41 = coll. Biaggi 524 = Calico 1080 = NAC 34, 21/ XI/ 2006, n° 153). Nous profitons que nous proposons cet exemplaire à la vente pour signaler que tout le monde recopie la description erronée de Cohen depuis presque 150 ans, excepté Besombes (BN) et Woytek (MIR) et nous-mêmes avons corrigé la description. Il n’y a qu’un enfant entre Trajan et l’Italie et ce qui est pris pour un second enfant est le globe de l’Italie qui repose sur son genoux. Trajan quant à lui tient bien un rouleau et pas un scipio comme parfois décrit. Tout ce qui vient d’être énoncé renforce l’intuition que nous avions au début quand nous nous sommes intéressés à cet aureus, finalement très énigmatique. Pourquoi et en quelle occasion Trajan a eu besoin de relever l’Italie, de la restaurer ? L’histoire et les sources semblent rester muettes sur ce sujet qui a pourtant son importance. Ce revers est finalement peut-être lié au revers ALIM ITAL qui possède presque la même construction iconographique et la même structure épigraphique. Cette émission (Alim Ital) est fabriquée juste avant le départ de Trajan pour sa dernière campagne contre les Parthes. L’approvisionnement de Rome était fondamental pour l’Urbs. La ville comptait entre 500 000 et un million d’habitants dont plus de 200 000 recevaient une assistance alimentaire avec des distributions de blé, d’huile, de porc ou de vin. Au cours du IIe siècle, le Préfet de l’Annone est un chevalier qui dépend directement du Préfet de la Ville et de l’empereur. Les émeutes frumentaires pouvaient amener rapidement des séditions graves. Mais cette « Restitutio » ou cette « Alimenta » ne concernait-elle que l’Urbs ou bien l’Italie dans son ensemble y était-elle associée, liée à une réforme administrative qui en modifiait la structure ? Nous n’avons pas la réponse, mais il nous reste l’aureus où l’empereur relève une femme accompagnée d’un unique enfant. Marie BRILLANT et Laurent SCHMITT TRAJAN RESTAURATEUR DE L’ITALIE
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