Bulletin Numismatique n°240 43 avec ses diagonales courtes et surtout le X très mal formé des légendes, s’ils ne sont peut-être pas tous issus des mêmes poinçons, sont indéniablement du même style. Notre blanc inédit de Charles VIII est donc bien de l’atelier d’Aix, et son revers particulier étant identique à celui du blanc au soleil de Louis XI, on peut logiquement supposer que c’est lui qui a été frappé en premier, avant d’être remplacé par le type avec le A en cantonnement du quadrilobe. On pourrait alors, compte tenu de l’évolution de la graphie des légendes, reconstituer ainsi la succession des frappes : • type 1 : blanc avec le A en cœur de la croix ; N et M romains au droit et au revers ; DOMINI au revers • type 2, variante a : blanc avec le A en cantonnement du quadrilobe ; N et M romains au droit et au revers ; DOMINI au revers • type 2, variante b : blanc avec le A en cantonnement du quadrilobe ; N et M romains au droit, onciaux au revers ; D au lieu de DOMINI au revers • type 2, variante c : blanc avec le A en cantonnement du quadrilobe ; N et M onciaux au droit et au revers ; D au lieu de DOMINI au revers La présence de légendes de revers développées sur les blancs de Marseille et Tarascon, comme sur ceux d’Aix du type 1 et du type 2, variante a, pourrait laisser penser que l’on a commencé à battre monnaie simultanément dans les trois ateliers sur un même modèle, et constituer ainsi un indice en faveur de cette chronologie. UN CHANGEMENT DE TYPE INEXPLIQUÉ Une question se pose alors : quand et pourquoi a-t-on décidé de modifier le type de revers du blanc d’Aix ? Alors que le A en cœur de la croix était particulièrement représentatif de son origine, comme l’était le P sur les blancs de Perpignan (Dup. 587 ; fig. 9) ou le sera à partir de 1491 le R sur ceux de Rennes (Dup. 591A ; fig. 10), celui en cantonnement du quadrilobe est très discret, presque indécelable au premier coup d’œil. Cette moindre visibilité donnée au blanc aixois – qui, rappelons-le, ne porte pas non plus de titulature comtale, contrairement au blanc au soleil de Louis XI – est peut-être à mettre en regard de celle des autres espèces de Charles VIII frappées par la suite dans la capitale provençale. On sait en effet qu’à partir de l’été 1493, le maître Jean Sartan, qui officiait jusqu’alors à Marseille, prit la direction de l’atelier d’Aix et il faut vraisemblablement lui attribuer les deniers coronats (fig. 11), patacs (fig. 12) et quarts de gros (Dup. 611 ; fig. 13) qui ne portent aucune titulature provençale ni une quelconque marque d’atelier5, contrairement aux deniers coronats, patacs et demi-gros émis auparavant dans la cité phocéenne (respectivement Dup. 612, 614 et 613 bis), bien identifiables par la légende CIVITAS MASSILIE et le petit écusson de la ville6. On notera, à l’appui de l’attribution 5 GANNE 2015, 2016. 6 GANNE 2004. Figure 5 - CGB bry_165341 © cgb.fr Figure 6 - CGB v20_0335 © cgb.fr Figure 7 - CMM, Ganne 3 © Ph. Ganne Figure 8 - CGB v08_1313 © cgb.fr Mais on ne saurait dire dans quel ordre se sont succédé les délivrances, car nous n’avons trouvé aucune liaison de coin de droit ou de revers entre ces différents exemplaires. La comparaison des graphies des légendes avec celles du blanc au soleil de Louis XI présenté plus haut et du blanc à la couronne « à la croix de Jérusalem » frappé au début du règne de Louis XII (Dup. 667A ; fig. 8) ne nous fournit aucun indice, car leurs coins ont été réalisés par des graveurs différents de celui qui officiait sous Charles VIII4. Il en est de même des blancs à la couronne de Charles VIII de Marseille et Tarascon, mais on peut noter toutefois que tous les exemplaires que nous avons recensés pour ces deux ateliers ont une devise de revers développée – avec DOMINI –, et une graphie des légendes romaine – à l’exception du N oncial sur le seul blanc de Marseille que nous connaissions. UN NOUVEAU BLANC AIXOIS DANS LA CHRONOLOGIE DES FRAPPES Il ne fait en revanche aucun doute que les coins des blancs à la couronne d’Aix avec le A en cantonnement du quadrilobe et ceux du blanc inédit qui porte le A en cœur de la croix du revers sont de la même main : le barré, le B et le R aux panses renflées, le C ouvert, le F fermé, le K romain, le M 4 Les coins du blanc au soleil de Louis XI sont de la main de Jean Annot dit Gabillon – qui occupait déjà l’office sous René et Charles III d’Anjou, derniers comtes de la Provence indépendante –, et sont reconnaissables notamment par les D ouverts en leur sommet (GANNE 2018, p. 499-501). Sur les douzains de Louis XII, dont on ne connait pas le graveur, on retrouve un mélange d’alphabets romain et oncial, mais les lettres sont nettement différentes de celles du blanc de Charles VIII (voir en particulier les C fermés, les jambes des R, les M onciaux et romains, et les O évidés en croix). UN BLANC À LA COURONNE DE CHARLES VIII INÉDIT FRAPPÉ À AIX-EN-PROVENCE
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