Bulletin Numismatique n°240 42 Lors d’une foire à la brocante estivale, l’un de nous a eu son attention attirée par un blanc de billon portant au revers un A en cœur de la croix, qui lui a immédiatement fait penser à l’initiale d’Anne de Bretagne, épouse de Charles VIII puis de Louis XII, mais aussi à la marque de l’atelier d’Aix-en-Provence. Après un examen détaillé, la monnaie s’est révélée être un blanc à la couronne au nom de Charles VIII, d’un type totalement inédit ! En voici la description (fig. 1) : D/ KROLVSFRNCORVMRX Écu de France accosté de deux lys et surmonté d’une couronnelle, dans un trilobe (cantonné de trois points ?) R/ SITNOMNDOMINIBNDICTVM Croix pattée cantonnée de quatre lys, dans un quadrilobe (cantonné de quatre points ?) ; en cœur Billon ; 2,01 g ; 26 mm Figure 1 - © O. Liévin L’attribution à l’atelier d’Aix a été finalement privilégiée, le revers de cette monnaie rappelant indéniablement celui du rare blanc au soleil qui y avait été frappé sous Louis XI (Dup. 555 ; fig. 1)1. Figure 2 BnF, DMMA © gallica.bnf.fr LES BLANCS À LA COURONNE DE PROVENCE CONNUS Ordonné le 24 avril 1488 en remplacement du blanc au soleil, au titre de 4 deniers 12 grains d’argent-le-roi (359/1 000 d’argent fin), à la taille de 86 pièces au marc de Paris (2,85 g) et au cours de 12 deniers tournois2, le blanc à la couronne fut effectivement frappé en Provence3, à Tarascon 1 Créé le 2 novembre 1475 dans le royaume, le blanc au soleil fut frappé à Aix peu après le rattachement de la Provence à la France (11 décembre 1481), et sa fabrication était apparemment encore en cours en mai 1483 (GANNE 2018, p. 500). 2 SAULCY, III, p. 322-323. 3 L’ordre de battre monnaie dans les ateliers d’Aix et Tarascon – celui de Marseille, situé en terres adjacentes, n’est pas cité – fut donné le 14 août 1488 (SAULCY, III, p. 329 ; Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, B 3319, fos 17vo-18). Dès le 12 février 1488, le roi avait demandé que les villes du royaume four- (Dup. 590, avec le différent T associé à la marque L du maître Laurent Pons ; fig. 3), à Marseille (Dup. 590A, reconnaissable par le petit écusson de la ville ; fig. 4) et à Aix (Dup. 590B). Figure 3 - CGB bry_236437 © cgb.fr Figure 4 - BnF, DMMA, N7578 © gallica.bnf.fr Mais les quelques exemplaires aixois connus, de mêmes types que celui décrit plus haut – avec des points ou besants en cantonnement du trilobe au droit et du quadrilobe au revers –, ont pour marque au revers un petit A entre deux points en cantonnement du quadrilobe et non au centre de la croix, et contrairement au blanc au soleil de Louis XI, ils ne portent pas la titulature comtale. On remarque des variantes dans la graphie des légendes, sans doute en partie consécutives à des remplacements de poinçons hors d’usage, qui pourraient suggérer une succession des frappes : Variante a (N et M romains au droit et au revers ; légende de revers développée avec DOMINI) : D/ KROLVSFRNCORVMRX R/ SIT[…]OMNDOMINIB[…] CGB bry_165341 (2,65 g ; 25 mm ; fig. 5) Variante b (N et M romains au droit, onciaux au revers ; légende de revers abrégée avec D au lieu de DOMINI) : D/ KROLVSFRNCORVMRX R/ SIT[…]ODBDICTV CGB v20_0335 (2,25 g ; 27 mm ; fig. 6) Variante c (N et M onciaux au droit et au revers ; légende de revers abrégée avec D au lieu de DOMINI) : D/ KROLVSFRCORVRX R/ SITODBDICTV CMM, Ganne 3 (1,73 g ; 27,5 mm ; fig. 7) ; BnF, DMMA N7091 (2,49 g) ; Monnaies d’Antan 46408 (1,94 g) nissent « es monnoyes plus prouchaines d’elles certaine quantité d’argent blanc pour faire fourger de nosdites monnoyes, et entre autres les villes de nostredit pays de Prouvence la quantité de quatre cens marcs » (Arch. Dép. Bouches-duRhône, B 21, fos 144-144vo), demande confirmée le 19 mars suivant (Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, B 3319, fo 9). Remarquons que sur les blancs à la couronne de Provence, l’écu au droit est accosté de deux lys comme sur les blancs de Bretagne, alors qu’il l’est de deux couronnelles sur ceux frappés dans tous les autres ateliers. UN BLANC À LA COURONNE DE CHARLES VIII INÉDIT FRAPPÉ À AIX-EN-PROVENCE
RkJQdWJsaXNoZXIy MzEzOTE=