Bulletin Numismatique n°240 26 Dans l’Internet Auction du 9 avril prochain, notre attention a été attirée par une petite drachme qui, lorsqu’on ne regarde que son droit, nous laisse penser à une pièce de Rhodes. Nous nous attendons à trouver au revers, la rose, épisème de la cité « ρηοδοσ », et nous sommes surpris d’y trouver une Athéna héllénistique. Nous allons essayer de comprendre pourquoi ce type a été frappé et dans quelles conditions ? mausolée d’Halicarnasse Aujourd’hui comme hier, Halicarnasse, « Αλικαρυασσοσ » en grec (l’actuelle Bodrum turque), était considérée comme une des sept merveilles du monde selon Pline l’Ancien grâce à son Mausolée (tombeau du satrape Mausole ou Mausolle). Elle était située sur la côte nord-est de l’île de Cos. C’est la patrie d’Hérodote, le père de l’Histoire (né vers 484 ou 482 avant J.-C.). La ville fut fondée par les Phéniciens, colonisée par les Grecs, mais elle tomba sous la domination des satrapes de Carie, vassaux des souverains Achéménides : Hekatomnos (395-377 AC.) était satrape de Carie et participa à la seconde guerre en Asie Mineure. Son fils Mausole (377-353 AC.), qui lui succéda, est beaucoup plus connu pour le mausolée que lui fit bâtir sa sœur et veuve, Artémisia, afin de perpétuer sa mémoire. C’est Hidrieus, le second fils d’Hekatomnos, qui lui succéda et continua le monnayage instauré par son frère à Halicarnasse. Pixodare, le dernier fils d’Hekatomnos, succéda à la veuve d’Hidrieus, Ada (344-340 AC.). Il fut éliminé en 334 avant J.-C. L’année suivante, Rhoontopates, dernier satrape de Carie, fut déposé par Alexandre le Grand qui s’empara d’Halicarnasse. Incendiée par Mnenon de Rhodes, la ville fut détruite, et après cette date, perdit beaucoup de son importance qu’elle ne retrouva pas pendant la domination romaine. Cependant, la cité comme une grande partie de la Carie passa sous influence Rhodienne après la paix d’Apamée en 188 avant J.-C. et le resta jusqu’aux guerres Mithridatiques (95-63 avant J.-C.) Drachme, c. 100 avant J.-C. (Ar 3,79 g, 16,5 mm, 12 h) étalon attique (6 oboles) (4,20 g) A/ Anepigraphe Tête d’Hélios de face R/ ΑΛΙΚΑΡ/ ΑΝΑΞΙ « Αλικαρασεων/ Αναξιλασ », (d’Hallicarnasse/ Anaxilas) Buste d’Athéna à droite, coiffée du casque corinthien à cimier, orné de l’égide sur la poitrine SNG Kayan 764 var. SUP/ TTB+ 250€/500€ Notre exemplaire provient de la Live Auction du 8 décembre 2020 (bgr_618831). Nous avons trois grandes périodes de monnayage pour la cité d’Halicarnasse : au Ve siècle avant J.-C., la seconde avec les Hecatomnides au IVe siècle et enfin une dernière période entre la deuxième moitié du IIe siècle avant J.-C. et la moitié du siècle suivant. Pour la période impériale, nous avons un monnayage épisodique entre Auguste et Gordien II. Le monnayage d’Halicarnasse au Ier siècle avant J.-C. comprend des drachmes, hémidrachmes et trihemioboles d’étalon attique, accompagnés de bronze. Excepté l’hémidrachme, toutes les divisions font référence à Hélios pour le droit ou à Athéna. Les noms du revers ne semblent pas former une série homogène et ne se répètent pas sur les différents types. Notre drachme est très rare et nous n’avons qu’une seule référence attestée dans les ouvrages de référence, celle du SNG Turkey 1, la collection Muharrem Kayhan, Ausonius, Bordeaux en 2002 par K. Konuk (n° 764). Ce type de drachme se caractérise au revers par l’ethnique sous la forme la plus complète avec « H » et d’un nom de magistrat encadrant un buste martial hellénistique d’Athéna coiffée d’un casque corinthien et de l’égide (ægis). Nous avons un certain nombre de noms qui sont recensés dans le Lexikon II, dph 393, Vienne, 2009. dans le Catalogue Karl (Lanz 131) nous avons sept drachmes de cette série, mais pas notre exemplaire. Une vingtaine de drachmes de ce type figurait dans le trésor de Myndos (CH 9, 522, p. 244-252, 3 pl.) mais aucune drachme avec notre magistrat (Anaxilas) n’y figure. En revanche dans la base de données Acsearch, nous avons deux références dont celle de cgb.fr (bgr_618831) provenant de la Live Auction du 8 décembre 2020 qui est notre exemplaire aujourd’hui proposé. Un second exemplaire est passé en vente publique (Alde, 24 juin 2019, n° 30) provenant de la collection Pascal Rousselle. Ces deux monnaies qui ne sont pas liées par les coins, mais présentent exactement la même épigraphie (ΑΛΙΧΑΡΝ/ ΑΝΑΞΙ), différente de celle de la collection Kayhan. Vous l’aurez compris, avec cette petite pièce, nous avons pu nous transporter dans le temps et dans l’espace. Cette drachme, comme toutes les monnaies antiques, est une invitation au voyage où comme le dit le poète : « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté. » Marie BRILLANT et Laurent SCHMITT HALICARNASSE DU MAUSOLÉE À LA PÉRIODE HELLÉNISTIQUE
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