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Bulletin Numismatique n°239 58 UNE IMITATION INEXPLIQUÉE DU DÉBUT DU XVIIE SIÈCLE Dans la célèbre collection Fernand David, dispersée à Monaco le 12 mars 2022 (Alain Weil et Éditions Victor Gadoury), figurait sous le n°770 une pièce de 4 sols de billon classée à la principauté de Château-Regnault, Louise-Marguerite de Lorraine (1614-1631). Cette monnaie de 4,31g, indiquée comme rare, était décrite comme pièce de 4 sols à l’écu écartelé aux 1 et 4 d’une étoile et aux 2 et 3 de quatre pals. Elle n’est pas datée (fig.1 et fig.2) Cette monnaie, qui est peut-être de la principauté de Château-Regnault, mais peut-être aussi d’un autre territoire, n’est pas inconnue. Elle a été répertoriée et décrite en détail par Arthur Engel dans la Revue Numismatique, année 1885, pp.312-313 n°22 et pl. XIII n°9. Reprenons la description de ce dernier : « 22. MO. NOVA. ARG- ORDINE-CLER. Écu espagnol timbré d’une couronne1 et écartelé : au 1er et 4e d’une grande étoile à sept rais ; au 2e et 3e de quatre pals ; une fleur de lis en abîme. Derrière l’écu, croix de Bourgogne coupant la légende. R/ NISI. TV. DOMINE. NOBISCVM. EPVS. Aigle impériale surmontée d’une croix au-dessus de laquelle une couronne2. Fig.01 Cet exemplaire décrit par Engel pesait 3,20g. La pièce était connue depuis le XVIIe siècle puisqu’elle figurait planche 51 dans l’ouvrage d’Hofmann3, Müntz-Schlussel, publié en 1683. Un exemplaire figurait dans la collection Henri Meyer4 et elle était dessinée dans un tarif des magistrats de Strasbourg du 24 mai 1619 avec la mention « très mauvais 3 batzner et inconnu »5. A. Engel fournit alors des informations intéressantes : « Ordine suivi du nom du titulaire de la monnaie ou du lieu d’émission, se retrouve sur des pièces des Pays-Bas, exemple : moneta nova ordine uestfrisiae (Ord. d’Anvers, 1633). CLER pourrait à la rigueur se lire Comitis Loewenstein Et Rochefort, et la pièce appartiendrait alors à Jean-Thierry, comte de Loewenstein-Rochefort (1611-1644), qui est connu pour avoir imité des monnaies étrangères. Mais cette lecture est 1 Il s’agit d’une couronne ducale. 2 Il s’agit d’une couronne fleurdelysée. 3 A ne pas confondre avec Henri Hoffmann, le numismate du XIXe siècle 4 Collection Henri Meyer 1890 n°3145, 1902 non identifié (en lot). 5 Autre exemplaire, collection Tissière 2002 n°2305. trop hasardeuse pour que nous songions à la défendre. L’écu paraît copié sur un teston d’Ernest, comte de Holstein (Ord. D’Anvers 1633) – Pl. XIII, 9. » Fig.02 L’examen des Tarifs Verdussen 1627 et 1633, qu’A. Engel appelle « Ordonnance d’Anvers » montre que notre pièce est bien une imitation d’une pièce du comté de Holstein, en l’occurrence une pièce de 4 sols et non un teston. Voici l’exemplaire dessiné dans le Tarif Verdussen 1627, p.246. (fig.3) Je partage pleinement les réserves d’A. Engel quant à l’attribution de la pièce de 4 sols imitée au comte Jean-Thierry de Loewenstein-Rochefort, seigneur de Cugnon. D’abord parce qu’il ne semble pas que ce seigneur ait battu monnaie avant 1622 et que la pièce qui nous intéresse a été décriée à Strasbourg en 1619. Ensuite parce que l’on connaît, depuis 19946, un autre décri de cette pièce, proclamé à Francfort le 15 septembre 1618 (fig.4). Une fabrication de notre imitation de Holstein à Rochefort ou Cugnon était donc matériellement impossible en 1618-1619. Le décri de Francfort 1618 est très intéressant car il montre notre imitation de Holstein au milieu d’autres imitations controversées, montrant la légende ROK, ainsi qu’une imitation au nom de Louise-Marguerite de Lorraine, princesse de Château-Regnault et Linchamps. J’ai eu l’occasion de proposer que les monnaies à la légende ROK devraient être rattachées aux fabrications de la principauté de Château-Regnault et Linchamps7. Je pense qu’il en est de même pour notre imitation du comté d’Holstein qui leur est contemporain. En effet, notre pièce présente deux particularités qui ont échappé à la sagacité d’A. Engel et qui peuvent être considérées comme une forme de signature. Il s’agit d’une part du petit lis figurant au centre de l’écusson d’Holstein, à la place d’un autre signe que l’on trouve sur la pièce authentique d’Holstein ; d’autre part de la couronne fleurdelisée au-dessus des têtes de l’aigle. La présence de ces lis est un indice fort en faveur de Château-Regnault. 6 Tissière, Charlet, Cahiers numismatique n°122, décembre 1994, pp.3740. 7 Bulletin numismatique n°206, mars 2021, p.27.

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